Magazine Le Mensuel

Nº 2851 du vendredi 29 juin 2012

LES GENS

Massoud Achkar. Loyauté envers les martyrs

«Si c’est à refaire je le referai». Celui qui prononce ces paroles a été parmi les premiers à porter les armes pour défendre sa région et la présence chrétienne dans ce pays, en 1975. Compagnon de Bachir Gemayel, il a participé à ses côtés à toutes les batailles. Il s’est retiré lorsque les luttes fratricides ont secoué les Forces libanaises. Pourtant, il n’a pas abandonné le combat pour sa vision du Liban. Candidat à plusieurs reprises aux législatives, il a réalisé un excellent score à Achrafié. Portrait de Massoud Achkar.

Son amabilité et sa disponibilité le rendent proche des gens. D’ailleurs, il est plus connu sous son surnom et c’est familièrement que tout le monde l’appelle «Poussy». Il vient d’une famille chrétienne, pratiquante, profondément attachée au Liban, qui lui a transmis les valeurs morales et la passion pour son pays. C’est de son père Joseph Achkar, médecin, et de sa mère Faridé, militante à la Croix Rouge libanaise, que Massoud Achkar a hérité l’amour de l’action sociale. Il est le plus jeune de la famille qui comprend trois garçons: Maroun, Nabil et lui. Marié à Greta Abou Nader, Massoud Achkar est père de quatre filles: Maria, Raïssa et les jumelles Nay et Christine. Il leur a transmis les valeurs nationales si chères à son cœur et leur a appris le respect de l’autre. «Elles vont toutes les quatre au conservatoire et font du sport», dit-il. Il aurait aimé leur accorder plus de temps, mais comme tous ceux qui s’occupent de la chose publique, il est toujours pris. C’est à La Sagesse, où se fréquentaient des élèves de toutes confessions, que Massoud Achkar fait ses études. Dès son plus jeune âge, il s’investit dans des activités sociales et développe des qualités de chef. Il est délégué de classe. Il fait partie des scouts, puis du club de football. «Le sport a toujours eu une grande importance pour moi», dit Massoud Achkar.  
Jusqu’en 1975, il passait l’été à Bickfaya. Ses parents étaient liés d’amitié avec les Gemayel. Bachir était un ami à son frère et automatiquement les deux hommes se lient d’amitié. «Bachir Gemayel rêvait d’un Etat moderne et ne croyait pas au féodalisme politique». Le problème palestinien devenait de plus en plus pressant. «J’allais avec les jeunes et on s’entraînait dans la région de Naas. Mes parents m’encourageaient à le faire et les jours où je m’absentais, ils me faisaient des reproches», se souvient Massoud Achkar. Avec Bachir Gemayel, il fonde les Forces libanaises. Et c’est ainsi qu’à 18 ans, avec tous ces jeunes, il prend les armes pour défendre la patrie contre les Palestiniens d’abord et contre l’armée syrienne ensuite. «Je suis choqué quand j’entends certains dire qu’ils ont des regrets. Il y avait une cause à défendre, des gens à protéger. C’était la lutte pour la survie et au contraire, si c’est à refaire, je le referai», dit Achkar.
Co-fondateurs des Forces libanaises, Massoud Achkar s’est tenu à l’écart de toutes les batailles interchrétiennes. En 1985, avec les nombreuses Intifada au sein des FL, il se retire complètement. «Ce n’était plus les mêmes Forces libanaises. Mon but était de défendre le pays», dit-il. Pourtant, il n’hésite pas à venir en aide aux «chabebs» de tout bord. Après le 13 octobre 1990, avec sa femme enceinte de leur premier enfant, il quitte pour des raisons de sécurité le Liban pour un an. Pour Massoud Achkar, les luttes interchrétiennes ainsi que l’accord de Taëf ont chèrement coûté aux chrétiens. Ils les ont considérablement affaiblis et les ont spoliés de leurs droits. «Même le départ des Syriens n’a pas restitué les chrétiens dans leurs droits. Je suis très déçu car beaucoup ont oublié que ce pays repose sur un partenariat».
Massoud Achkar se veut indépendant. «Je suis pour les slogans du 14 mars qui ont toujours été les nôtres, mais je suis contre leur gestion politique qui a complètement raté la fameuse journée du 14 mars», dit-il. Il ne fait pas non plus partie du 8 mars, mais il a établi une alliance électorale avec le CPL et le Tachnag. «Je crois en un Liban multiconfessionnel, et c’est cette image du Liban qu’il faut justement préserver. Il ne faut pas baisser les bras». Il croit en un Etat fort, une armée puissante capable de défendre le pays contre Israël, un citoyen dont tous les droits sont reconnus et respectés. Ses relations avec le général Michel Aoun remontent à 1978, lorsqu’il était en charge des contacts entre lui et Bachir Gemayel. «En 1982, lorsque Bachir Gemayel fut élu président de la République, il avait l’intention de nommer Michel Aoun commandant en chef de l’armée», confie Achkar. Avec le général Aoun, la relation est faite de respect et d’affection. «Mais il m’arrive de ne pas être d’accord avec tout ce qu’il dit et nous avons souvent des discussions», confie Massoud Achkar.  
Son retrait des FL ne l’empêche pas d’être présent sur le terrain et d’être actif sur le plan social. A Achrafié, il jouit d’une popularité certaine. D’ailleurs, les différents scores qu’il réalise le montrent bien. En 2000, il obtient en tant qu’indépendant quelques 10000 voix. «Je voulais montrer aux Syriens qu’il y avait toujours des gens à Achrafié qui refusaient leur présence. J’ai obtenu 80% des voix chrétiennes, alors que Ghattas Khoury, élu sur la liste de Rafic Hariri, n’en a obtenu que 10%», affirme Achkar. En 2005, il ne se présente pas à la suite de la loi connue sous le nom de Ghazi Kanaan. «Ce n’est qu’après les accords de Doha que la loi de 1960 a été de nouveau adoptée et ceci grâce au général Aoun. Tout en n’étant pas l’idéal, elle est au moins meilleure que celle de Ghazi Kanaan». En 2009, il s’allie au CPL et au Tachnag et malgré la guerre acharnée menée contre lui, il réalise un score de 17000 voix à peu près. Il est la cible de différentes attaques, et souvent de la part de ceux qui sont censés être les plus proches. Il a connu beaucoup de déceptions et l’ingratitude de certains lui fait de la peine. Pourtant, Massoud Achkar ne commente pas et refuse de se laisser entraîner dans la polémique. «Dès le lendemain des élections, j’ai remercié tous ceux qui ont voté pour moi et j’ai exprimé mon respect envers ceux qui ne l’ont pas fait. Etre député est un moyen et non un but en soi», dit-il. En 2013, il a bien l’intention de se porter candidat. «Achrafié, Medawar et Rmeil est une région pour laquelle on s’est battu et on a versé du sang. Elle mérite bien qu’on fasse quelque chose pour elle. Rien n’est fait sur le plan du développement urbain, de la santé. Du budget de la municipalité de Beyrouth, Achrafié n’a obtenu que des miettes. Aucun projet n’a été réalisé. Achrafié n’est pas seulement les beaux quartiers et les immeubles de luxe, il y a aussi beaucoup de pauvreté», confie Achkar.
Ce qui est émouvant chez lui, c’est son attachement à tous les martyrs. «Sans leur sacrifice, on ne serait pas là aujourd’hui. Les Palestiniens auraient pris notre pays ou alors nous aurions été une partie de la Syrie», dit-il. D’ailleurs, sa devise, c’est la fidélité à leur souvenir, à la mémoire de tous ceux qui sont morts, fauchés dans leur jeunesse, pour que les autres vivent… Joëlle Seif

Ce qu’il en pense
-L'e-com: «Je possède deux pages sur Facebook avec quelques 15000 amis. Je consacre une heure de temps par jour pour répondre personnellement à tous les messages. Je ne suis pas sur Twitter».
-Ses lectures: «Je lis tous les jours. Chaque mois je vais dans les librairies pour voir les nouvelles parutions. J’aime les livres d’Histoire, les biographies. Je suis intéressé par tout ce qui concerne le conflit israélo-arabe. Avant je lisais beaucoup d’ouvrages militaires aussi».
-Le Sport: « Je fais beaucoup de sport mais malheureusement pas autant qu’avant. Je fais du tennis, du football et du sport de salle».  

Achrafié, le symbole
Dans son bureau, il y a de nombreuses photos. Bizarrement, on ne trouve aucune photo de sa femme ni de ses filles. Quelques clichés le montrent avec les compagnons, d’autres avec Bachir Gemayel. Il y en a aussi en compagnie d’Albert Mokhaiber. Une autre avec Gibran Tueni. Il y en a également qui représentent des hommes en tenue militaire et dont la plupart sont morts pour la plupart. Elles témoignent toutes de la fidélité de Massoud Achkar à ses compagnons tombés dans la bataille. Leurs noms sont gravés sur les photos et dans son cœur. Il ne les oublie pas. C’est leur souvenir qui lui donne la motivation pour continuer le combat. Plus de trente ans après, il continue à célébrer leur mémoire. Il les nomme un par un. «Je suis quelqu’un qui a combattu. J’ai perdu mes amis pendant la guerre. J’en ai vu mourir devant mes yeux. J’ai une responsabilité envers eux et c’est pour cela que je me sens impliqué», dit-il. Une des photos montre Achrafié en flammes. C’est la fameuse guerre des 100 jours. «Achrafié est la seule région qui a résisté aux Syriens qui ont dû s’en retirer. Ils l’ont quittée contraints alors qu’ils ont quitté le Liban suite à une décision internationale», dit Massoud Achkar. Des regrets, il n’en a pas. «Au contraire, je suis fier de ce que j’ai fais», dit-il.

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