Magazine Le Mensuel

Nº 2852 du vendredi 6 juillet 2012

general

Artine el-Asmar. Un bandit légendaire

Dès les années cinquante du siècle dernier, Artine Khatchadourian, alias Artine el-Asmar, fait parler de lui. Mais c’est surtout durant les événements de 1958 qu’il devient célèbre, avant de devenir un repris de justice et d’occuper les Forces de sécurité pendant de longues années.

Après les événements de 1958, la sécurité dans le pays a connu d’importantes lacunes. Plusieurs factions politiques s’étaient affrontées et les Arméniens ne sont pas restés à l’abri du conflit. Artine el-Asmar animait alors une rébellion dans les zones arméniennes. Le 8 décembre 1958, Raymond Eddé, alors ministre de l’Intérieur, réconcilie les différentes factions arméniennes, Tachnag, Hentchag et Ramgavar. Un accord est conclu selon lequel les représentants de ces partis s’engagent à cesser les hostilités et les campagnes médiatiques et permettent le retour dans leurs maisons des personnes qui en avaient été chassées ou qui avaient fui par peur de représailles. Un point important de l’accord résidait dans leur engagement à collaborer avec les autorités dans la recherche et l’arrestation des repris de justice, tel Artine el-Asmar. Les événements de 1958 étaient encore trop présents dans les mémoires, et les nouvelles autorités, sous le récent mandat de Fouad Chéhab, travaillaient dur pour rétablir l’ordre. La guerre aux repris de justice est déclarée.

Nahr, repère de brigands
Les exploits d’Artine el-Asmar font légende. Il est à la tête d’un gang de redoutables bandits qui multiplient les vols et les hold-up. Le 2 octobre 1959, des agents de la Brigade 16, une unité d’élite des Forces de sécurité intérieure (FSI), à Nahr, affrontent pendant une heure la bande d’Artine el-Asmar. Les échanges de tirs font 5 blessés dont 3 graves, mais Artine Khatchadourian réussit à s’enfuir. Quelques jours plus tard, le 9 octobre 1959, une bataille rangée aux grenades et aux armes automatiques oppose, durant trois heures près, des camps Hajjine et Charchaboul, à Nahr, la Brigade 16 à des repris de justice toujours dirigés par Artine el-Asmar. Le bilan est lourd: plusieurs morts et blessés, dont 6 agents de la sécurité. Les forces de l’ordre encerclent les deux camps concernés.
Le 11 décembre 1959, Artine el-Asmar, se livre enfin avec un complice à la Direction générale de la police. «Je l’ai fait, dit-il, car on m’accuse de crimes que je n’ai pas commis. J’ai confiance dans la justice libanaise». Quelque temps plus tard, il revient sur la scène. Faute de preuve, il est remis en liberté. Ses exploits se poursuivent et la police est à ses trousses pendant plusieurs mois.

Conducteur d’autobus
Artine Khatchadourian était d’origine modeste. Il travaillait comme conducteur d’autobus. Mais son ambition était plus grande. Il devient chauffeur et garde de corps du capitaine Habib Asmar, d’où son surnom d’Artine el-Asmar. Il se crée des amitiés auprès des gens de son entourage, n’hésitant pas à violer les lois.
Après les événements de 1958, et l’amnistie qui s’en est suivie, il ne se contente plus d’un rôle secondaire. Il se révolte, et, pendant des années, parvient à échapper aux Forces de sécurité. Il a des complicités dans la région où il opère. Tous les vols et hold-up, qui y sont commis, lui sont attribués. Il donnait sans compter à ses proches. Ses voisins et amis l’aimaient bien et le surnommaient le «bandit au cœur d’or». Son histoire prend fin le 6 septembre 1966. Artine el-Asmar, recherché depuis des années, est abattu de la façon la plus anodine qui soit. A la suite d’une altercation dans la région de Nahr, un fils d’épicier de 16 ans lui tire une balle dans le dos et une autre sur son compagnon. Les deux hommes sont tués sur le coup.

A.K.

N.B: Les informations de cet article sont groupées dans deux ouvrages de Joseph Chami: Mémorial du Liban: le mandat de Fouad Chéhab, et le mandat de Charles Hélou

 

La Brigade 16
Le 11 mars 1959 est créée la Brigade 16 de la police. Elle groupe au départ 100 agents spécialement entraînés, auxquels s’ajouteront 100 autres. Sa mission est d’épauler les 60 patrouilles de police chargées de la sécurité à Beyrouth, surtout, dans la recherche d’armes et des repris de justice.  

 

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