Magazine Le Mensuel

Nº 2852 du vendredi 6 juillet 2012

Presse étrangère

Un train difficile à dérailler

La presse internationale joue sur tous les tableaux. Si la contagion de la crise syrienne fait toujours la une, les questions économiques et sociales continuent d’inquiéter. Cette semaine, la belle histoire vient des Philippines, comme un pied-de-nez.

 

The Economist
The Economist parle du «retard pris par le Liban», dans le domaine économique. Lorsque, l’année dernière, May Habib cherchait un pays au Moyen-Orient pour implanter sa petite start-up, elle s’est d’abord arrêtée à Beyrouth. Pour une Libano-Américaine qui se lance dans la traduction arabe-anglais, la capitale du Liban aurait dû être l’endroit idéal. Mais finalement, elle a décidé de s’installer à Dubaï. «Beyrouth a un vrai charme, ça pourrait devenir le nouveau San Francisco, mais il y a tellement d’inconvénients».
Une récente étude a placé la ville en 117e position sur 120, en queue de peloton des villes arabes en termes d’attractivités pour l’investissement, les entreprises, les talents et les touristes.
Ce sont les infrastructures qui arrivent en tête des problèmes. Le monopole d’Etat fait que les connexions internet sont plus lentes qu’en Irak, que l’électricité se coupe plusieurs heures par jour et que les absences au travail, en raison des embouteillages, se comptent en jours à la fin de l’année.
L’instabilité politique est pour beaucoup dans la mauvaise attractivité du pays, mais le Liban peut faire beaucoup mieux. Au vu de ses atouts, les chiffres du tourisme devraient être beaucoup plus importants. Et à entendre les publicitaires et les stylistes, le Liban est l’endroit le plus libre de la région, un autre atout inexploité. La vie nocturne y est dynamique et les restaurateurs y trouvent un terrain prometteur. Mais, malgré tout cela, May a préféré jouer la sécurité.

 

Yediot Aharonot
Le quotidien israélien Yediot Aharonot suit la traque, par le département du Trésor américain, des réseaux du Hezbollah. Les États-Unis ont lancé de nouvelles accusations contre le Hezbollah, qu’ils soupçonnent d’être lié à un réseau international de trafic de drogue.
Ce réseau, que le gouvernement américain affirme être dirigé par un certain Ayman Saïd Joumaa, résidant en Colombie et détenteur d’un passeport libanais et des papiers d’identité colombiens, «blanchit les recettes du trafic de drogue au bénéfice de criminels et du groupe terroriste Hezbollah, par le biais du secteur financier libanais», indique le chef des programmes de sanctions du Trésor américain, David Cohen.
Le Trésor américain accuse Joumaa de «diriger les opérations de collecte de fonds au profit du Hezbollah dans les deux Amériques». Le Trésor a annoncé la mise au ban de quatre individus libanais ou libano-colombiens et de trois entreprises basées en Colombie et au Venezuela.
Le Trésor US a également imposé des sanctions à Abbas Hussein Harb et Ibrahim Chebli, accusés de trafic de drogue et de blanchiment d’argent «en collaboration avec Joumaa». Le ministère US accuse l’organisation dirigée par Harb en Colombie et au Venezuela d’effectuer des opérations de blanchiment d’argent au profit de Joumaa «par l’intermédiaire d’institutions financières libanaises». Le Trésor américain accuse en outre Chebli d’«exploiter son poste de directeur de la branche de la banque Fenicia à Abbassieh pour faciliter les transferts d’argent à Joumaa et Harb».

 

Middle East Online
Middle East Online titre «Opposition syrienne et sunnites du Liban, entre sympathie et alliance militaire». A l’hôpital gouvernemental de Tripoli, la tension est palpable. Une infirmière nous montre sur l’une des façades du bâtiment qui donne sur Jabal Mohsen des impacts de balles. Les patients n’osent pas se mettre aux fenêtres, de peur d’être abattus. Les 50 patients syriens qui se font soigner prétendent tous être des civils, mais la différence entre l’opposition armée et les manifestants pacifistes est de plus en plus floue.
Samir, un Syrien de 23 ans, membre de Watan, une organisation humanitaire syrienne installée au Liban, explique que leurs règles d’engagement sont claires. «Si une guerre civile libanaise devait éclater, nous partirions. Nous ne sommes pas là pour exporter la révolution. Le Liban est une base-arrière».
Walid, un autre humanitaire de 27 ans, a un autre discours. «Je me suis proposé comme combattant à Bab el-Tebbané, mais j’ai été refusé. Je voulais m’engager parce que des alaouites de Jabal Mohsen sont responsables de la mort de manifestants à Homs».
Les tensions dans les deux pays sont de plus en plus interconnectées. Les analystes prédisent que les sunnites libanais finiront par appeler leurs frères syriens pour combattre leurs ennemis à l’intérieur, à savoir le Hezbollah. Les enlèvements ont déjà brouillé les cartes; des sunnites syriens kidnappant des chiites libanais, des officiers syriens enlevant des sunnites libanais et des sunnites libanais impliqués dans l'enlèvement d’alaouites libanais.

 

Ouest-France
Ouest-France s’est intéressé aux victimes libanaises de ce conflit, dans les mêmes quartiers. A Bab El Tebbané, Abou Mohammad nous a emmenés dans sa maison criblée de balles. Là-bas, il a pu parler de son fils qui a été blessé lorsqu’il a pu pousser ses enfants à sortir de leur abri. «Quand j’ai pu emmener ma famille à l’extérieur de la maison, je suis revenu chercher quelques objets, et c’est à ce moment-là que j’ai été atteint par quelque chose qui est sorti par le mur», disait l’homme de 32 ans qui ne voulait pas que son visage soit photographié. Après avoir traversé les vitres de la salle de séjour, son mur et le corps de Mohammad, la balle a percé le mur de la chambre à coucher. L’homme au visage très pale vient de sortir de l’hôpital il y a 5 jours. «Je n’arrive pas à travailler, je me contente de marcher un peu et j’espère regagner ma santé pour assurer le nécessaire à ma famille».
A Jabal Mohsen, une famille a perdu son fils de 20 ans dans les clashs. Ali était en route vers la maison venant de son travail. Il a été tué par un obus. «On ne veut pas ces clashs, on n’aime pas la guerre. On a besoin d’aller travailler et de vivre ensemble», ajouta le frère de Ali.
Les maisons, de ce côté des affrontements ont été aussi bien atteintes sauf qu’on n’a pas vu de maisons brûlées. Les blessés ne manquaient pas, mais on n’a vu que des atteintes aux bras. Une dame qui passait dans la rue avec 2 petits enfants disait: «J’ai très peur à chaque fois que je quitte ma maison car je dois porter mes enfants avec moi, mais je préfère mourir avec eux plutôt que de les laisser seuls dans la vie».

Inquirer
Inquirer est le premier quotidien des Philippines. Cette semaine, il parle d’une belle histoire d’immigration pas banale.
Il y a quelques jours, Pedro Reyes Abraham Jr, que tout le monde connaît comme étant le grand musicien Edru, a pris sa retraite, quittant ainsi son poste de professeur de musique à la faculté d’art de l’université des Philippines. Professeur passionné, artiste talentueux et activiste politique, ses proches ne tarissent pas d’éloges. Sa plus grande réussite, la création en 1989 du Kontra-Gapi, un orchestre étudiant de musique populaire qui draine plusieurs centaines de personnes à chaque concert.
Edru est le fils d’un chrétien maronite qui a quitté le Liban juste avant le début de la Première Guerre mondiale. Son père, Boutros Abraham Fakhry, était l’un de ces jeunes intrépides envoyés par leurs familles, d’abord pour échapper à l’armée. Il devait s’installer en Australie, mais Boutros et ses amis ont trouvé à Manille, un pays catholique qui était neutre à ce moment-là.
Boutros avait un cousin qui s’appelait Youssef Makhlouf, un curé maronite du XIXe siècle. Canonisé par le pape Jean-Paul II en 1977, il est plus connu aujourd’hui sous le nom de Charbel.

Boutros s’est installé dans la vallée de Cagayan, a changé son nom pour s’appeler Pedro Abraham, plus hispanique, et épousé une Philippine, Joséfina Reyes. Il n’est plus jamais retourné au Liban.
Désormais libre de ses obligations universitaires, Edru a l’intention de retourner au village natal de son père, à Bécharré, où vivent encore des membres de la famille de son père.

J. A-R.

 

Asia Times Online

Le facteur palestinien

Les réfugiés palestiniens ne peuvent pas être ignorés. C’est le message de Ramzy Baroud pour Asia Times Online. Lorsque sont impliqués des Palestiniens dans des méfaits au Liban, l’affaire devient l’otage de considérations politiques et communautaires indépassables.
Le défi est de trouver la façon d'aborder les raisons profondes de ces accès de colère, de proposer des solutions pour dépassionner et ainsi dissocier les questions socio-économiques des considérations politiques. Mais aujourd’hui, les responsables libanais et palestiniens se sont donné une priorité, celle de dissimuler tous ces problèmes avant qu’ils ne s'enveniment.

 

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