Cette semaine, la presse étrangère brosse un portrait bien sombre du Liban. La dérive communautaire, dynamisée par le conflit en Syrie, est attentivement observée par un Israël sur le qui-vive. Pays recherche désespérément raisons d’espérer.
The Huffington Post
Aux Etats-Unis, les frères Zogby ont une voix qui compte. John dirige l’un des plus grands instituts de sondage du pays et James est un analyste politique très proche du parti démocrate. Dans The Huffington Post, le fondateur de l’Institut arabo-américain publie une tribune pour «empêcher que le Liban ne tombe dans le précipice».
Les Libanais ont beaucoup à dire, et méritent d’être entendus. Il y a les questions qui les divisent. Les chiites sont en faveur de liens étroits avec la Syrie et l’Iran; pas les sunnites. Sur cette question, les chrétiens sont divisés. Cette façon de se calquer sur leurs leaders n’est qu’une partie de la vérité. Sur la plupart des sujets, il y a un vrai consensus, et les leaders seraient bien inspirés de bâtir quelque chose là-dessus.
Ils sont d’accord sur la mauvaise santé économique du pays, l’importance de l’identité, de l’unité nationale et sur les réformes politiques et structurelles à adopter. Les Libanais disent que leur situation aujourd’hui est plus mauvaise qu’il y a cinq ans et que le pays est sur le mauvais chemin.
Ils veulent d’abord de vrais emplois, ensuite la fin de la corruption et du népotisme; en troisième position, des réformes politiques et enfin, la protection de leurs libertés personnelles et de leurs droits civiques. Les questions de politique étrangère ne sont pas prioritaires et les Libanais sont lassés des débats politiques à n’en plus finir.
Contrairement aux autres pays arabes, plus sensibles à la religion ou à l’arabité, les Libanais se vivent d’abord comme Libanais et se prononcent en faveur d’un mode de scrutin non-communautaire. Ecoutez le peuple avant qu’il ne soit trop tard.
Al-Hayat
Al-Hayat place les divergences entre le Courant patriotique libre (CPL) et ses alliés chiites sur le thème de la «libanisation du Hezbollah». Il y a des divergences sur la question des employés de l’EDL. Certains cadres du parti aouniste n’hésitent pas à mettre en doute le comportement de leurs alliés sur les questions de corruption. Mais tout cela ne suffira pas à casser l’alliance qui s’est nouée entre les deux camps.
Après des années de rejet mutuel, ils se sont rendu compte du bénéfice qu’ils pourraient tirer d’un tel rapprochement. On a beaucoup écrit sur la guerre de juillet 2006, le sit-in contre le gouvernement Siniora et les intérêts politiques de Damas et de Téhéran.
Non, cette alliance ne s’effondrera pas dans un futur proche. Mais ce qui s’est passé ces derniers jours montre le rôle que joue le Hezbollah sur la scène locale. Depuis l’époque où les gens de gauche et les syndicalistes pensaient que le parti pouvait représenter un contrepoids face à l’agenda politico-financier de Rafic Hariri, de l’eau a coulé sous les ponts.
Mais le retrait de l’armée syrienne et la crise politique qui perdure depuis ont redéfini le rôle, la place et la fonction du parti. Le côté résistance du Hezbollah, plus proche des intérêts étrangers que de ceux des Libanais, a été remis en cause. La libanisation du Hezbollah, en marche en réalité depuis 1992, date de sa première participation aux élections parlementaires, est aujourd’hui un fait incontournable.
Causeur
Causeur est un site français d’information plutôt conservateur qui parle cette semaine du phénomène Ahmad el-Assir. Dans son face-à-face avec le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, cheikh Assir n’a ainsi pas hésité à prendre à partie l’ancien Premier ministre et bras droit de Rafic Hariri, Fouad Siniora, après que ce dernier lui eut intimé de rentrer dans le rang.Si l’on met de côté la virulence des propos, l’examen de l’agenda politique d’Ahmad el-Assir révèle le fin politique qu’il est. En bon stratège, il ranime le spectre de l’affrontement interconfessionnel chiites/sunnites à point nommé: quatre ans après les événements de Beyrouth-Ouest et la démonstration de force du Hezbollah, et surtout en plein pourrissement du conflit syrien. Mais Assir n’a certainement pas que la chute du régime de Damas et le désarmement du Hezbollah en tête. A un an des élections législatives libanaises, il maintient le rapport de forces au sein même de sa communauté en tenant tête aux velléités modératrices de Saad Hariri. Or, ce dernier, comme tout politicien, doit non seulement donner des gages à ses futurs partenaires et alliés, mais aussi rassurer sa base la plus radicale. Car qui sait de quoi l’avenir de la région sera fait en 2013? Qu’il déplace ou non son sit-in de Saïda, cheikh Assir a déjà marqué les esprits.
The Jerusalem Post
The Jerusalem Post s’intéresse aussi de très près au cheikh. Une analyse à prendre en compte. Le principal bénéficiaire des soulèvements arabes aura été sans conteste l'islamisme sunnite. En Syrie, les sunnites jouent un rôle de plus en plus important dans la rébellion contre le président Bachar el-Assad. Au Liban, les individus et les mouvements sunnites ont lancé un véritable défi à la force politique dominante du pays, le Hezbollah. Beaucoup de sunnites veulent bâtir une organisation de résistance visant à mettre fin à la domination du parti de Dieu et à aider leurs frères syriens dans leur bataille.
Mais ces revendications émergent au moment où le leadership de la communauté est brinquebalant. Le 14 mars de Saad Hariri a cherché à défier le Hezbollah en mai 2008, mais il a été balayé. L’ancien Premier ministre a quitté le pays depuis le mois d’avril 2010. Aujourd’hui, peu de sunnites voient Hariri comme un leader. Son approche internationale avec les Etats-Unis, et légaliste avec le TSL, a fait chou blanc.
Pour combler ce vide, les sunnites collent à l’air du temps et se tournent vers les islamistes. Celui qui les coalise s’appelle Ahmad el-Assir. Son ascension s’explique par son courage à exprimer tout haut ce que les sunnites pensent tout bas. Malgré l’apparence chétive de ce cheikh de Saïda, le Hezbollah et ses alliés le prennent très au sérieux.
De la même façon que les sunnites en Syrie vont vouloir «renégocier» l’équilibre communautaire du pouvoir, leurs frères libanais vont leur emboîter le pas. Mais au Liban, ce n’est pas à un régime militaro-nationaliste à bout de souffle auquel ils devront faire face, mais à une organisation puissante et musulmane. Le Printemps arabe, qu’il faudrait appeler la révolution de l’islamisme sunnite, arrive au Liban.
Haaretz
Ha’aretz s’intéresse au dossier épineux de l’eau. Explications. Israël s’inquiète de la construction d’un centre touristique sur les berges libanaises du fleuve Hasbani. Un haut gradé du commandement nord de l’armée israélienne explique que cette construction devra être minutieusement suivie car elle pourrait être utilisée pour détourner l’eau du Hasbani, qui fournit un quart des eaux du Jourdain. Il explique même que le centre pourrait servir de base de lancement d’attaques contre Israël.
Il y a plusieurs jours, une petite brigade de parachutistes effectuait une patrouille près de la frontière au cours de laquelle elle a repéré des soldats de l’Armée libanaise qui chargeaient leurs fusils. L’un des soldats israéliens, qui parle arabe, a entendu un ordre de déploiement. Les troupes israéliennes ont demandé des renforts qui se sont positionnés sur la zone, poussant les soldats libanais à se retirer.
Ces inquiétudes, Israël les a exprimés au cours de la dernière rencontre tripartite à Naqoura regroupant Libanais et Israéliens sous l’égide de l’Onu.
En 2001, Israël avait menacé le Liban d’actions militaires si les villageois continuaient à détourner les eaux du Hasbani. C’est ce que l’on appelle un casus belli, un prétexte de guerre.
Libération
Libération a interrogé «des enfants syriens traumatisés par la guerre» «J’ai vu comment ils ont assassiné mon père». Réfugié dans l’est du Liban, Marwan, sept ans, a vécu de près la guerre enSyrieet tente maintenant de surmonter ses traumatismes dans un camp géré par l’ONG Terre desHommes. Il trace sur un papier des lignes multicolores en noir, rouge et jaune, mais ce n’est pas un dessin d’enfant: il y décrit le bombardement de son village, Qousseir.
«Ses dessins font rejaillir ce qu’ils ont vu, ce qu’ils ressentent. Beaucoup y représentent des morts, des blessés, des maisons incendiées, des chars tirant des obus. Quand on leur demande de dessiner ce qui leur passe par la tête, cela revient toujours à la guerre», affirme Nour Hussein.
Cette assistante sociale travaille pour un projet aidant les enfants syriens à surmonter les traumatismes de la guerre.
«La guerre est toujours la première chose qui leur vient à l’esprit. La plupart de ces enfants ont perdu des parents, ont vu des assassinats, ont été sous les bombardements. Ils ont vu des choses que 80% des gens n'ont vu qu'à la télévision. Parfois, en classe, ils fondent brusquement en larmes», confie-t-elle.
J. A.R.
Al-Sharq el-Awsat
Pauvre pays!
La plainte vient du quotidien panarabe al-Charq el-awsat. Qu’il est triste de voir les autorités libanaises mentir ouvertement en expliquant que les chiffres du tourisme sont encourageants, que la sécurité du pays est assurée et que l’économie se maintient quand les touristes du Golfe sont sommés de quitter le Liban, que les armes sont sorties et que les chiffres de l’économie sont catastrophiques.
Malgré les gesticulations du président Sleiman et du Premier ministre Najib Mikati qui, dans les pays qu’ils visitent, se veulent rassurants, la politique de dissociation avec le conflit syrien est un mythe.