Quoi qu’il arrive, les médias libanais en sont les principaux responsables, sinon coupables. Accusés sans vergogne de chercher à créer du sensationnel en gonflant le «moindre incident» pour remplir les colonnes de leurs journaux, les minutes d’audience ou d’écoute, ils «inventent» des grèves, des routes bloquées, des pneus brûlés et polluants, des braquages de banques, des agressions aux frontières ou d’autres drames que vivent, pourtant, les citoyens au quotidien. Certes, comme le reconnaît le ministre de l’Intérieur, la sécurité ne peut être imposée par la force sur tout le territoire. Le Liban, qui se vante d’avoir été le premier et le seul pays dans le monde arabe à vivre dans la démocratie ne peut être géré par un régime policier. Mais de là à accepter l’anarchie et le chaos en baissant les bras, il y a une marge que les responsables ne franchissent pas. Alors que la contagion de la protestation gagne pratiquement tous les secteurs et que toutes les raisons sont bonnes pour paralyser la vie citoyenne, un «Mois de la sécurité», avec un M majuscule pour marquer la spécificité et l’importance de l’initiative est décrété et aussitôt bafoué par des attentats contre des personnalités politiques dont le tort est de réclamer la restitution de l’Etat. Par le braquage d’une banque en plein jour, exécuté par des bandits qui ne semblaient craindre aucune répression…. Autant de sujets de polars de bas niveau.
Mais sans vouloir enfoncer le couteau dans la plaie d’une population en mal de vivre, nous ne pouvons que rappeler les attentats toujours impunis tels, entre autres, ceux commis en plein jour contre Pierre Gemayel, Gebran Tuéni ou Samir Kassir et dont les auteurs continuent de courir en toute liberté. Mais ces méfaits ne sont, pour les dirigeants, que des vues de l’esprit de médias malveillants. A l’heure où la communication est planétaire et où les informations sont diffusées tant sur les chaînes de télévision que sur les ondes radios internationales. Sans oublier cet outil si indiscret du XXIe siècle qu’est Internet avec ses capacités positives tout autant que nocives, nos responsables, naïfs ou aveugles, cherchent à museler ceux qui vivent au quotidien les méfaits connus de tous, mais visiblement pas par eux.
Fiers d’avoir été les précurseurs de cette vague de «Printemps arabe», nous sommes, aujourd’hui, victimes de nos prétentions et même de notre arrogance. Par ces temps de crise qui secoue le monde, le Liban est livré à des incompétents qui peinent à orienter le gouvernail du pouvoir et qui se flattent de leur pouvoir à organiser une élection partielle dans «un calme surprenant» pour un pays en ébullition. Peut-on reprocher à ceux qui sont accusés de subversion, qualifiés de fauteurs de troubles, d’envahir les rues et de paralyser l’administration face au laxisme de ceux qui abdiquent devant l’ampleur des problèmes? Ce qu’il faut toutefois relever, c’est que ce ne sont pas les hauts fonctionnaires qui pâtissent de cette situation, mais les contribuables lambda, dont les activités sont gelées et qui, en définitive, seront seuls à payer un lourd tribut. Le ministère de l’Energie, incapable de répondre en toute justice à ceux qui réclament leurs droits, menace, d’ores et déjà, les contribuables des lourdes factures qui les attendent, histoire de compenser les pertes de l’EDL. Ceci étant, comment en vouloir à ceux qui, privés de leurs droits, usent des moyens à leur portée pour les récupérer? Mais, viendra un jour, il faut le craindre, où l’ensemble de la population exacerbée décrétera d’une même voix la désobéissance civile. Sauf évidemment, si les responsables en place reconnaissent leur incompétence et cèdent la place. La relève ne manque pas. L’embarras du choix existe grâce à une génération formée par quatre grandes universités qui ont donné des dirigeants dans plusieurs pays de la région et même ailleurs. Il ne suffit pas de clouer les médias au pilori pour remettre sur pied un pays qui, un jour très lointain, avait été comparé à la Suisse du Moyen-Orient.
Mouna Béchara