Cette semaine encore, la presse internationale analyse l’actualité libanaise sous le prisme syrien. L’afflux de réfugiés, les menaces persistantes d’une contagion dangereuse et la crise politique sont à la une.
Le Nouvel Observateur
L’hebdomadaire français de gauche, Le Nouvel Observateur, explique que «les réfugiés syriens remplacent les riches touristes du Golfe».
Hani Abdel Malek, le gérant d'un luxueux hôtel de Bhamdoun, s'attendait à une mauvaise saison, les riches touristes du Golfe boudant le Liban cet été. Jusqu'à la semaine dernière, quand des centaines de Syriens ont afflué à son hôtel pour fuir les combats à Damas. Les 82 suites de l'hôtel al-Safat étaient vides. «Ces familles sont arrivées, les bras chargés de sacs, de paquets. Tous Syriens, tous de Damas. Je n'ai pas posé de questions. Pour moi, ce sont des clients, pas des réfugiés», sourit-il. Dans la soirée, l'hôtel était complet.
Partout, de Bhamdoun à Beyrouth, les hôtels ont connu une augmentation de la fréquentation, selon Pierre Achkar, de l'association des propriétaires d'hôtels du Liban. Au total, plus de 30000 Syriens ont traversé la frontière pour trouver refuge au Liban.
Des berlines et 4X4 immatriculées en Syrie sont garées dans toute la ville, devant les hôtels et les maisons de location occupés par les réfugiés. Le linge est étendu sur les balcons, les enfants jouent aux cartes, et les hommes, réunis dans le lobby de l'hôtel, discutent en fumant.
Imad Moussawi, un chef d'entreprise de 37 ans, a quitté le quartier de Midane, dans le sud de Damas, vendredi après une nuit de combats. Au petit matin, le convoi, 8 voitures, et 50 personnes au total, s'est ébranlé et a quitté la capitale syrienne alors que l'armée reprenait le dessus. «Nous resterons ici le temps qu'il faut».
Ces familles ont pris le minimum, vêtements pour les enfants, bijoux de famille. Conscients que la situation pourrait durer, ils négocient les prix. "Nos suites sont à 440 dollars, mais nous les leur laissons à 100 dollars. Nous ne gagnons pas d'argent, mais cela permet de rentrer dans nos frais.
The Los Angeles Times
The Los Angeles Times a observé que «des membres de la bourgeoisie syrienne se sont mêlés aux réfugiés». Ayman a les yeux cernés, la chemise froissée, l’air las. Originaire d’Alep, cet industriel de 36 ans vient d’arriver au Liban. Dans le lobby d’un hôtel luxueux, Aymane raconte avoir prié «cent fois» en quittant sa maison pour l’aéroport d’Alep, avec sa famille. Il redoutait de se retrouver pris, en chemin, au milieu d’accrochages entre rebelles et militaires. «A Alep, le son des bombardements devenait insoutenable, même si notre quartier n’était pas visé. J’ai décidé de partir parce que l’activité économique s’est totalement arrêtée. A quoi bon rester et prendre des risques inutiles?» explique ce propriétaire d’une usine textile. Aymane appartient à cette bourgeoisie sunnite syrienne qui a gagné en force le Liban depuis dix jours, fuyant affrontements et insécurité. La plupart de ces exilés privilégiés viennent de la proche Damas. Tarek, 26 ans, qui achève ses études de médecine, a regardé la révolte de loin, comme une lutte de classes qui ne le concernait pas: sans jamais participer aux manifestations, en éprouvant au fil du temps un dégoût accru face à la répression du pouvoir, puis en se sentant pris en étau dans la bataille entre armée et rebelles. La fuite de cette classe aisée, issue de la communauté majoritaire en Syrie, précipitera-t-elle l’effondrement des Assad? Pas encore, répondent les intéressés, car de nombreux exils restent temporaires, et certains Damascènes sont déjà rentrés. Ces départs marquent pourtant, outre la peur des violences, la perte de confiance de cette bourgeoisie face aux capacités du régime défié par les rebelles.
Le Figaro
Le Figaro indique qu’au nord du Liban, «nul ne sent proche la fin d’Assad». A Tripoli, Ali, commerçant alaouite et responsable de la section locale du Parti arabe démocratique, d'inspiration nassérienne, explique qu’il n'y a pas de guerre civile en Syrie. Parce qu'il figure «à l'avant-garde de la résistance à l'impérialisme américain», parce qu'il soutient l'aspiration à «l'indépendance militaire de la grande nation iranienne», le gouvernement de Bachar fait l'objet d'«une guerre médiatique», déclenchée par les médias anglo-saxons et les télévisions satellitaires des Etats arabes du golfe Persique. Il est certain que les alaouites de Tripoli ne redoutent aucunement une fin prochaine pour le régime du clan Assad. Sans quoi ils auraient pris la précaution minimale de retirer des façades décrépites de leurs immeubles les portraits immaculés du raïs syrien.
Dans la bourgade sunnite de Halva, pourtant acquise à la cause de la révolution syrienne, l'on ne ressent aucun enthousiasme qui serait provoqué par la perception d'une chute prochaine du régime de Bachar. Quand on pose la question aux commerçants, somnolents en raison du jeûne du ramadan, ils offrent un visage circonspect, puis répondent d'un simple «Inch'Allah».
Même «Inch'Allah» chez les combattants blessés de l'ASL qui ont trouvé refuge dans des appartements d'immeubles à la construction inachevée, que leur a trouvés la mosquée. Chez les chrétiens du Nord, comme toujours chez les chrétiens Libanais, on trouve toutes les opinions, tous les pronostics. Rencontré dans un des rares restaurants de Tripoli ouvert pour le déjeuner, un prêtre maronite, tout juste arrivé – «sans encombre» – d'Alep, s'interroge sur ces pétromonarchies du Golfe qui «encouragent la démocratie, pourvu que ce ne soit pas chez elles. Si Bachar tombait, il n'y aurait personne pour le remplacer et pour éviter que le pays ne tombe dans une réelle et sanglante guerre civile, à fondements religieux…»
Libération
Pour Libération, «le Hezbollah faiblit mais ne plie pas». D’une façon générale, le parti chiite fait profil bas comme jamais. Il avait pourtant le vent en poupe. Sur le plan stratégique, jamais son arsenal n’avait été aussi puissant. Mais la révolte contre Bachar el-Assad, son meilleur allié après Téhéran, s’est révélé être une mauvaise surprise. S’il tombe, le Hezbollah est considéré comme en tête de la liste des perdants. Néanmoins, le parti chiite, pourtant capable de pragmatisme, ne lui diminue en rien son appui.
Commémorant le 18 juillet la guerre que lança Israël en 2006 contre le Liban, son chef, Hassan Nasrallah, a rappelé tout ce qu’il devait à la Syrie, «véritable soutien à la résistance au niveau militaire». Il a exprimé ses condoléances pour les trois responsables de l’appareil répressif syrien tués dans l’attentat de Damas, les qualifiant de «martyrs» et de «frères d’armes». Un appui qui ne fait pas l’unanimité. «Les ministres et les députés du Hezbollah que nous rencontrons critiquent ouvertement Bachar el-Assad et ne sont pas d’accord pour le soutenir. Mais ce sont les militaires qui dictent la ligne du parti», souligne un diplomate occidental à Beyrouth. Autrement dit, l’Iran.
Demeure que le débat s’est installé au sein du parti. «Les étudiants chiites discutent ouvertement de ce soutien et, via les réseaux sociaux, font part de leur désaccord. Affaibli, le Parti de Dieu reste pourtant très fort. «Même s’il y a une classe moyenne chiite qui le hait, il sait gagner une élection. Il a tant d’argent, de services d’entraide, de personnes qui dépendent de lui. Pour 70 à 75% des chiites, il reste la force dominante».
J. A-R.
Al-Hayat
Sleiman craint l’après-Assad
Selon le quotidien panarabe al-Hayat, le président Michel Sleiman dit craindre les «décisions erronées et les positions fondées sur des lectures confuses ou à courte vue. Dans la logique de notre société pluraliste, personne ne peut dominer l'autre, aucune communauté ni aucune religion. Le pays ne peut pas supporter que des armes imposent une chape de plomb sur notre territoire.
Pour comprendre ces déclarations fondamentalement importantes, il faut pointer les craintes profondes qui traversent les rangs des deux groupes qui s'affrontent dans le pays, à savoir les coalitions du 14 et du 8 Mars, et plus particulièrement, les pôles chiites et les sunnites.