Magazine Le Mensuel

Nº 2859 du vendredi 24 août 2012

à la Une

Bachir Gemayel. De la milice à la présidence

En huit années de guerre, Bachir Gemayel prend une stature nationale. Il a trente-trois ans, lorsqu’après avoir été à la tête de toutes les batailles de libération, avoir rassemblé toutes les milices luttant contre l’hégémonie palestinienne et au sein des Forces libanaises dont il avait le commandement, il se déclare, candidat à la présidence de la République dès le début du mois d’août de 1982. Il est élu le 23 août.

Dans une interview accordée à Magazine qui l’a accompagné dans tous ses combats pour la liberté, Bachir Gemayel dénonce toute formule de partition du Liban et toute idée d’un foyer chrétien, comme il refusait catégoriquement toute éventualité d’une implantation palestinienne.
En ce 23 août 2012, le Liban se souvient de l’élection présidentielle du 23 août 1982 et d’un pays en liesse pour fêter cette échéance constitutionnelle sans cesse reportée et qui devait voir la victoire d’un président de moins de trente-quatre ans et son accession plébiscitée à la tête de l’Etat libanais.
Une échéance attendue avec angoisse, car reportée à maintes reprises. Les contacts et les pointages politiques se multiplient et à la question de savoir pourquoi ces ajournements, une seule réponse: l’état de la sécurité autour de la Villa Mansour où les députés se réunissaient, faute de pouvoir accéder au Parlement à la place de l’Etoile. Il fallait de plus attendre le retour de certains députés se trouvant à l’étranger. C’était un mercredi, qualifié du jour le plus long depuis 1976. Les «pour» et les «contre» l’élection du candidat Bachir Gemayel continuaient à chercher à gagner du terrain les uns et les autres. A 21 heures, ce jour-là, il devenait évident que la sécurité ne pouvait être assurée à la place du Musée. Les députés risquaient leur vie en y accédant. Le président de la Chambre de l’époque, Kamel el-Assaad, consulte Elias Sarkis, président de la République et l’émissaire américain Philip Habib. Mais il était très difficile de changer d’endroit car de très grands préparatifs étaient alors nécessaires. Plusieurs lieux de rendez-vous sont passés en revue: l’Ecole militaire, le ministère de la Défense, le palais de Justice ou celui des PTT. Ce fut enfin sur l’Ecole militaire que le choix a porté.
Ce souci de la sécurité ne ramène pas au second plan les problèmes politiques. Les quatre leaders traditionnels: Saëb Salam, Camille Chamoun, Pierre Gemayel et Takieddine el-Solh se réunissent au palais de Baabda. Saëb Salam propose alors le report de la séance pour ouvrir la porte au dialogue et permettre de réaliser une certaine entente. Mais la discussion s’envenime, chacun cherchant à convaincre l’autre. Entre l’élection en présence d’armées étrangères et sous la menace du fusil israélien et la non-élection aboutissant au gel des institutions constitutionnelles, il fallait choisir. La réunion, malgré un climat franc et amical, n’a débouché sur aucun accord, et c’est finalement la situation sécuritaire qui a tranché.

Suspense jusqu’au bout
L’avenir c’est aujourd’hui, tel était le titre de couverture choisi par Magazine, après toutes les péripéties qui ont précédé l’élection de Bachir Gemayel dans la salle de l’Ecole militaire de Fayadié. Le suspense avait duré jusqu’au bout. Des voitures assuraient l’arrivée de certains députés réfugiés dans les hôtels et réticents à se déplacer. Sur l’accession de Bachir Gemayel au pouvoir, on peut dire ce que l’on veut sauf qu’elle n’était pas constitutionnelle.
A Fayadié, le climat est lourd. 56 députés sont enfin arrivés, mais on désespérait d’en voir arriver d’autres. Introduits par une porte secondaire, Talal Meraabi, en tenue décontractée et Sleiman el-Ali. Ils sont accueillis avec soulagement dans la salle, car on parlait déjà d’un nouveau report.
Pressé d’en finir, Kamel el-Assaad proclame l’élection de cheikh Bachir. Dehors les tirs de joie commencent à se faire entendre. Mais el-Assaad avait été interrompu, car au premier tour la présidence n’est pas acquise, il faut attendre le second tour. Et c’est quelques minutes après 14 heures que cheikh Bachir devenait M. le président.
Il est difficile de revenir sur cette ambiance de folle gaieté et de joie sans bornes qui avait alors régné. Tout au long des chemins menant vers la résidence du nouvel élu à Bikfaya, les partisans débouchaient le champagne et en offraient à tous les passants. Bikfaya n’a probablement jamais connu une telle liesse.
La question pourtant était, sinon sur toutes les lèvres, ce jour-là, mais certainement dans tous les esprits: que nous réserve demain?
Mais comme l’avait si bien résumé le président Charles Hélou, le tristement célèbre 14 septembre de la même année. Cheikh Bachir a résumé en 22 jours ce que serait son mandat.
Ce 23 août 2012, trente ans après son élection, Bachir Gemayel reste dans toutes les mémoires et symbolise les espoirs si souvent déçus des Libanais. La messe dite à sa mémoire rassemble encore une fois les partisans et les rivaux d’hier. M.B.

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