Un été pourri s’il en est. 2012 s’inscrira dans les annales des mauvaises années du Liban. Poignées de mains dans la douce ambiance de cette Montagne du Chouf, accolades devant les caméras, puis le rideau tombe et les héros de cette tragicomédie se réunissent loin des projecteurs et des caméras autour de la table ovale, dite du dialogue, dont si peu filtrera ou, du moins si peu de vérité. Puis le rideau s’ouvre et, pour que la déception ne soit pas totale, une nouvelle date est annoncée. Que peut-il se passer entre-temps? Pour le savoir, il faudra attendre les bulletins d’information qui accompagneront les difficiles quotidiens. Routes menacées de fermetures, journaliers revenant à la charge, sit-in un peu partout, caïds fiers de leurs bras armés et des Etats amis qui appellent leurs citoyens à boycotter le Liban, pays jugé à haut risque. Entre-temps, les dirigeants, politiques ou sécuritaires, appellent les belligérants à l’entente cordiale sans laquelle «le pays irait à la dérive». Ils ne réalisent, peut-être pas ; toujours cantonnés dans leurs coquilles, que ce qu’ils craignent est déjà inévitable en l’absence d’une politique ferme de répression de tous les mouvements anarchiques, et de ce fait anti-démocratiques, dans un Liban, jadis chantre des libertés et de la démocratie dans ce Moyen-Orient en ébullition. Fragilisé par ses contradictions internes au sein des couches sociales et politiques, par un voisinage turbulent et jaloux d’un pays que l’on disait béni des dieux, le Liban est ouvert à tous les vents et, faute d’accueillir des «frères» amis en quête de vacances et de détente, se trouve abandonné par ses propres fils. Entre-temps l’économie du pays s’effondre; les investisseurs deviennent denrée rare; les touristes s’inscrivent aux abonnés absents; le secteur bancaire, envié dans le monde, désormais politiquement sanctionné, est mis au banc des mauvais élèves, malgré la solidité du contrôle, infaillible à ce jour, d’une Banque centrale compétente et fortement présente. Enfin, et non le moindre des désastres, la vague de rapts qui nous ramène à la dramatique période des pires années de la guerre. Entre-temps, les caisses de l’Etat se vident, le déficit national se creuse et les fonctionnaires, à juste raison, réclament leurs droits les plus absolus. Ne sont-ils pas des citoyens égaux de leurs compatriotes du secteur privé? La cherté de vie ne les touche-t-elle pas au même titre que tous les autres Libanais? La rentrée s’annonce chaude, avec des scolarités constamment en hausse et qui, quoiqu’en disent les responsables, dont les statistiques ne sont qu’une vue de l’esprit, dépassent les moyens d’une classe majoritaire des Libanais. Mais quelle importance tout cela a-t-il pour ceux qui ne voient à l’horizon que les élections de 2013? Qui peinent à s’entendre, on le comprend, sur un projet de loi à la mesure de la nation et non à celle d’une classe politique ou d’une communauté quelle qu’elle soit. Pour que le tableau soit complet, les médias sont accusés de tous les maux. Ils ont le tort de se faire l’écho des discours de bas étage de beaucoup de responsables «irresponsables» qui n’ont pas d’autres moyens de se faire entendre. Ne plus les écouter ne serait d’ailleurs pas plus mal. En ce lendemain du 23 août 1982 qui a vu émerger, il y a trente ans, des rangs des chefs rebelles, un jeune leader qui, abandonnant son costume de combattant, accède au plus haut sommet de la République, soutenu par les ténors de toutes les communautés au milieu d’une liesse populaire à la mesure de l’événement, la nostalgie est profonde. De toute évidence, l’heure de gloire des Libanais, n’a pas encore sonné. Faut-il une nouvelle guerre de quinze ans pour ramener les Libanais à la raison? Faut-il un nouveau Taëf ou un Doha pour nous sortir de l’ornière? Habitués à être sous tutelle, n’avons-nous pas encore atteint l’âge de raison? Autant de questions auxquelles les dirigeants et les citoyens devraient pouvoir répondre. Peut-on espérer qu’ils le fassent au printemps de l’an prochain?
Mouna Béchara