EDL et PPP
Une lueur au bout du tunnel?
L’affaire des journaliers et percepteurs de l’EDL a connu un dénouement relativement heureux, dans la mesure où toutes les parties sont sorties de ce forcing socio-économique en ayant enregistré des points. Est-on enfin sur la voie d’une privatisation graduelle à l’EDL ou d’une forme de Partenariat-Public-Privé (PPP), qui mettrait fin, à plus ou moins court terme, à l’hémorragie financière qui fait saigner cet établissement? Certes, un long chemin reste à parcourir pour aboutir à un équilibre des finances de l’EDL, mais c’est toujours le premier pas qui coûte, comme dit le dicton. Or, ce premier pas s’est concrétisé récemment par l’adjudication à trois sociétés privées (Butec, Debbas, Khatib &Alameh) de contrats portant sur la fourniture de certains services (que les départements de l’EDL se chargeaient de faire) à savoir l’amélioration de la collecte des factures et des opérations de réparation de pannes urgentes ainsi que de l’élimination des raccordements illicites. Chacune de ces trois compagnies aurait d’ores et déjà absorbé au sein de son personnel près de 700 percepteurs et journaliers. Considérant que le gaspillage non-technique et les vols sur le réseau de l’EDL se chiffrent à 35% de l’énergie produite et distribuée, cette participation du secteur privé à certaines tâches devrait faire progresser les revenus de l’EDL, de l’ordre de 950 milliards de livres à l’heure actuelle, de plus de 300 milliards de livres. Les économies qui résulteraient de cette opération devraient se répercuter sur les comptes de l’EDL dans les trois prochains mois. Déjà, du temps où le portefeuille du ministère de l’Energie était détenu par l’ancien ministre Mohammad Fneich, l’ancien président de l’Association des banques (ABL) François Bassil, membre à l’époque du comité chargé de la sélection des candidats au pourvoi des postes de l’Autorité de régulation de l’énergie (ARE), s’était catégoriquement prononcé en faveur de la participation du secteur privé pour le règlement du problème de l’électricité. Cette participation interviendrait après la création de l’ARE, afin qu’un contrôle strict soit effectué sur le chantier en cours au sein du secteur. Citant les conseils d’Electricité De France (EDF) et d’autres institutions consultantes, François Bassil a préconisé le partage du Liban en sept régions pour la répartition des concessions de fourniture de services et de production d’énergie. Ces concessions seraient adjugées sur base de contrat de BOT (Build, Operate and Transfer). Il avait réitéré la disposition du secteur bancaire à financer les opérations d’investissement dans les équipements à condition que l’ARE supervise la qualité des services au meilleur prix compétitif pour le consommateur.
Des arriérés à verser
L’Etat et l’EDL ont des arriérés à verser à la Syrie et à l’Egypte, en contrepartie de l’achat d’énergie pendant deux mois. Le gouvernement libanais doit 40 millions de dollars à la Syrie et un montant légèrement inférieur à l’Egypte. Le cumul de cette dette est dû à la situation interne de l’établissement public d’une part, et à l’affaire des journaliers qui a entravé le processus de collecte des factures et donc réduit les sources d’autofinancement de l’EDL. Cet état des lieux a eu pour conséquence de suspendre l’acheminement de l’énergie de la Syrie et de l’Egypte. La Syrie fournissait au Liban environ 120 mégawatts et l’Egypte près de 80 mégawatts.
Hôtellerie
De mauvais payeurs locaux
Le secteur touristique traverse un moment difficile. Une certaine presse n’a même pas hésité à titrer que la saison estivale de 2012 est la pire depuis trente ans, voire depuis 1945. Interrogée par Magazine, un agent touristique a affirmé que tous les hôtels sont en train de rembourser les montants des réservations versés par leurs clients qui annulent leur séjour. «Il s’agit de circonstances de force majeure que le propriétaire de l’établissement hôtelier doit assumer», a ajouté la source. Celle-ci s’est plainte aussi «des mauvais payeurs locaux», révélant que l’un des grands partis politiques du pays, qui tenait régulièrement ses réunions dans un hôtel prestigieux de la ville, n’a pas payé ses dus à l’établissement depuis deux ans. La facture se chiffre à environ 80000 dollars.
Relancé à plusieurs reprises par le directeur de l’établissement, le parti a indiqué qu’il allait s’acquitter de ses dettes, mais pas en ce moment, car «l’argent n’est pas disponible». Revenant à la charge il y a quelque temps, un des responsables du parti a exprimé le souhait de tenir une réunion de nouveau dans le même hôtel, estimant qu’il s’agit de l’un des établissements les plus sûrs en termes de localisation à Beyrouth. La direction de l’hôtel n’a pas rejeté l’idée, mais a posé comme condition le paiement à l’avance du loyer de la grande salle.
Dans ce même contexte s’est inscrite la visite effectuée par le président du syndicat des propriétaires d’hôtels, Pierre Achkar, au gouverneur de la BDL, Riad Salamé. Achkar a demandé à son interlocuteur d’étudier l’hypothèse d’un rééchelonnement des dettes des petites entreprises touristiques, contractées auprès de Kafalat et les créances des grands établissements vis-à-vis des banques de la place de Beyrouth. Cette demande d’une extension des délais pour le recouvrement des dettes par les créanciers permettrait tout simplement aux hôteliers de continuer à se battre, le temps que la période des vaches maigres prenne fin.
Dette publique /PIB
Gare au cercle vicieux de la hausse
La crise économique que connaît le pays demeure gérable dans la mesure où le Liban a connu des secousses similaires en 2005, 2006 et même en 2010, lorsqu’il est resté sans gouvernement. Le seul point susceptible d’entraîner une sérieuse détérioration de la conjoncture économico-financière est une reprise du cercle vicieux d’une hausse du ratio de la dette publique par rapport au PIB. Ce ratio était de 185% en 2006 pour reculer à 135% en 2011. Un acquis que l’Etat devrait œuvrer à préserver malgré les aléas du moment.
Cette amélioration du ratio est survenue alors que les ratios d’endettement de par le monde connaissaient une détérioration nette, progressant en moyenne de 30% pour les pays développés durant cette période. Les prémices de ralentissement de la croissance économique ont commencé à poindre à l’horizon: recul des exportations, baisse des revenus touristiques et du mouvement des investissements, progression du déficit de la balance des paiements. Celle-ci a enregistré un déficit de 1012 millions de dollars au 1er semestre de 2012, contre des surplus dégagés aux cours des dernières années. Le deuxième indicateur concerne le flux de capitaux entrants, qui se sont élevés à près de 7,7 milliards de dollars de janvier à décembre 2012. En dépit de leur progression sur la même période de 1,2 milliard $, ils n’ont pas été en mesure de combler le déficit de la balance commerciale. Quant au troisième indicateur, il s’agit de la stagnation des secteurs du tourisme et de l’immobilier. Ces trois composantes principales de la croissance du PIB ont été frappées de plein fouet par les tensions internes et régionales. Ce qui commence à être inquiétant. Lilianne Mokbel