Trois dangers guettent le Liban
Les événements qui se sont récemment produits au nord ont suscité des craintes sérieuses quant à l’extension de la crise syrienne au Liban. Ce qui a porté le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, à déclarer: «Il existe des groupes au Liban et en Syrie qui œuvrent à transposer la crise syrienne au Liban. Il est impératif de les contrecarrer». Il a, par ailleurs, insisté sur la nécessité d’empêcher l’embrasement du Liban qui doit se tenir à l’écart du feu syrien. Citant Fabius, des sources diplomatiques libanaises estiment que les dangers qui menacent notre pays à l’ombre des événements en Syrie sont, par ordre d’importance, liés au conflit sunnite-chiite, à l’avenir des minorités chrétiennes et à une éventuelle guerre israélienne.
Le coup de gueule de Berry
Les fortes critiques que le président Berry a adressées au gouvernement, l’accusant de mollesse et d’improductivité, auraient pour cause le dossier gazier qui traîne surtout en ce qui concerne l’inscription à l’ordre du jour du Conseil des ministres de la zone économique maritime exclusive. Cela, en dépit du fait que le ministère des Affaires étrangères l’ait transféré au secrétariat général du Conseil des ministres depuis environ un mois. Une source politique a attribué ces propos au président Berry: «Ce Cabinet, supposé être celui du camp du 8 mars, est en réalité plus calamiteux pour ce camp que tous les autres gouvernements qui l’ont précédé».
Mikati à l’Onu
La délégation libanaise à l’Assemblée générale de l’ONU, qui se tiendra au cours de la deuxième quinzaine de septembre à New York, sera présidée par le président du Conseil, Najib Mikati. Ce sera, pour lui, l’occasion d’entreprendre des contacts avec nombre de chefs d’Etat et de gouvernement arabes et étrangers, ainsi qu’avec des responsables américains. Mais on ne sait toujours pas si une rencontre avec le président Barak Obama sera possible, celui-ci étant occupé par les élections présidentielles prochaines.
Les milieux du Sérail estiment que la présence de Mikati à l’ONU servira de push au gouvernement, sachant qu’un nombre de responsables occidentaux ont fait l’éloge de la politique et de l’attitude du gouvernement qui a choisi de rester à l’écart de la crise syrienne pour éviter son incidence sur le Liban.
Datas: retour à la case départ?
Le délai donné par la commission juridique aux organes de sécurité pour la remise des données Imsy dans des cas précis et selon un mécanisme établi, expire le 12 septembre. Les organes sécuritaires ont déjà commencé à livrer le deuxième lot de données à la commission juridique, mais dans un climat de confusion dû aux renseignements rapportés à ce sujet par la délégation juridique récemment dépêchée en France, à cet effet.
Après intervention du président de la République, la commission avait approuvé la livraison des données Imsy aux organes de sécurité, comme l’exigeait le 14 mars pour réintégrer la table du dialogue.
Une délégation juridico-sécuritaire avait ultérieurement été chargée de se rendre à Paris, après la réunion présidée par le chef de l’Etat en présence du Premier ministre et des ministres concernés, pour s’informer et rédiger un rapport sur le mécanisme appliqué dans de tels cas en France. Résultat: il s’est avéré que les autorités françaises ne livrent l’ensemble des datas que dans des cas bien précis, de plus, les organes sécuritaires doivent répondre à toute demande présentée et faire parvenir les résultats de leurs enquêtes à la commission. Leur action est ainsi sujette à un contrôle très serré!
Prévenir plutôt que subir…
Quelles sont les mesures prises par le gouvernement libanais en cas d’agression israélienne sur l’Iran? A-t-il mis sur pied une cellule ou une commission d’urgence? Qu’adviendra-t-il du Liban face à un tel scénario? A toutes ces questions posées par un diplomate libanais présent dans une capitale européenne à un ministre informé, la réponse a été la suivante: aucune disposition n’a été prise, les informations s’entrecoupent pour exclure une attaque de ce genre à l’ombre de la conjoncture d’autant plus que les Etats-Unis ne sont pas enthousiastes à l’idée d’une frappe militaire israélienne sur l’Iran. Les récentes positions du chef d’état-major américain sont claires dans ce sens. L’ambassadeur, quant à lui, estime qu’il est impératif d’anticiper cette éventualité qui n’est pas complètement exclue à en croire des responsables occidentaux. L’attaque pourrait avoir lieu avant les élections présidentielles américaines en novembre.
Paris, porte de l’Europe
Sur l’agenda du Premier ministre, au cours de la troisième semaine de novembre, une visite officielle à Paris en réponse à une invitation qui lui a été adressée. Au programme, concertations bilatérales, développements régionaux et pourparlers avec divers responsables. Le président Mikati, qui sera accompagné d’une délégation de personnalités de haut rang, compte bien tirer profit de ces échanges pour activer l’aide prévue en soutien aux institutions militaires et sécuritaires. Aussi se joindra-t-il aux célébrations du 22 novembre que l’ambassadeur libanais à Paris, Boutros Assaker, organise à l’occasion de la fête de l’Indépendance. Selon des sources diplomatiques, M. Mikati a préféré entamer sa tournée européenne par Paris, c’est pourquoi il a reporté à décembre une visite en Espagne, initialement programmée en octobre, ainsi que d’autres dans plus d’un pays européen.
Incroyable mais vrai
L’ambassadeur Jeffrey Feltman, adjoint politique du secrétaire général de l’ONU, était à Téhéran pour participer aux côtés de Ban Ki-Moon au Sommet des pays non alignés. Les Américains avaient souhaité que le responsable onusien s’abstienne de se rendre à Téhéran, mais il a tenu à le faire comme il a tenu à être accompagné de Feltman qui n’était pas le bienvenu en Iran. C’était bien la première fois que l’ex-ambassadeur américain au Liban posait les pieds en Iran, mais en sa qualité d’officiel onusien et non d’adjoint à la Secrétaire d’Etat américaine. Les milieux politiques, qui ont décrypté cette visite, pensent qu’il s’agit d’un signe évident traduisant une volonté de coopération américano-iranienne et l’ouverture d’une nouvelle page, puisque Jeffrey Feltman a eu l’occasion de communiquer avec les Iraniens. Les leaders du 8 mars ont été surpris par ces développements, eux qui «diabolisent» le diplomate américain. Ce qui a poussé Walid Joumblatt à commenter: «La consommation du valium va augmenter pour certaines composantes du 8 mars choquées de voir Feltman en Iran».
Kleyat en piste?
La coalition du 14 mars a, d’ores et déjà, entamé la préparation d’un dossier à la fois technique et politique pour réclamer l’ouverture de l’aéroport de Kleyate à l’aviation civile. Des membres du secrétariat général planchent sur cette étude afin de la soumettre aux responsables après avoir mis en place un climat médiatique favorable, une tendance qui bénéficie du soutien des instances économiques. Les milieux chiites, de leur côté, disent que la décision d’interdire le blocage de la route de l’aéroport de Beyrouth est définitive, et que si jamais l’armée hésite à l’appliquer, il existe une partie bien implantée dans la région prête à assurer la sécurité sur cette route par tous les moyens. Cette partie prévient ceux qui procèdent à la fermeture de cet établissement public qu’ils participent, en le sachant ou sans le savoir, à la promotion du projet de la partie adverse qui veut transférer l’aéroport à la capitale à Kleyate.
Unifier les jeunes du 14 mars
Le secrétariat général du 14 mars s’active à unifier le mouvement estudiantin sous le drapeau libanais, après les manifestations organisées pour revendiquer la répudiation de l’ambassadeur syrien et l’annulation des accords de coopération entre le Liban et la Syrie et le Conseil supérieur libano-syrien. Un membre de l’opposition estime que c’est le mouvement estudiantin qui a ramené les forces du 14 mars dans la rue en hissant des slogans nationalistes. Le comité de suivi créé par les étudiants va poursuivre son action de plusieurs façons. Il prévoit, en autres, la soumission d’un memo au Parlement pour revendiquer la suppression de l’accord de coopération, la rupture des relations diplomatiques avec la Syrie et la création d’une commission d’investigation internationale relative aux détenus libanais en Syrie.
En coulisses
Le Premier ministre Najib Mikati ne tarit pas d’éloges sur l’action du directeur général de la Sûreté générale, le général Abbas Ibrahim. Le président du Conseil souligne, dans ses assises privées, le comportement exemplaire du général Ibrahim qui, dit-il, agit au sein des institutions et selon les règles. Il met en exergue les efforts que celui-ci a accomplis auprès des autorités turques pour relâcher les otages chiites en Syrie. La direction générale de la Sûreté générale a célébré son anniversaire pour la première fois. Il s’agit de la 67e année de sa création le 27 août 1945. Dans l’allocution prononcée à cette occasion, le général Ibrahim s’adressant aux militaires, a insisté sur la nécessité de sensibiliser les jeunes au concept d’Etat et d’institutions. Il les a appelés à respecter le citoyen, à sauvegarder sa dignité, à gagner sa confiance, à se libérer de toute subordination politique, confessionnelle ou communautaire et à faire preuve de fermeté dans l’application de la loi. Cette célébration pourrait, a-t-il ajouté, se transformer en une tradition annuelle parrainée par le président de la République et les hauts responsables.
Triple impuissance à Tripoli
Le dernier round de combats opposant Bab Tebbané à Baal Mohsen a révélé une impuissance totale à tous les niveaux, d’après un analyste de la région: impuissance des autorités libanaises politiques, militaires et sécuritaires à gérer une situation complexe et délicate sur le terrain, impossible à résoudre par la force ou à absorber par des moyens politiques; impuissance des leaders de la ville à trouver une issue à l’impasse sécuritaire ou, alors, manque de volonté de leur part; impuissance de la société civile qui est intervenue timidement…
Le sit-in de protestation, organisé par la société civile, n’a attiré qu’un nombre restreint de personnes, ce qui prouve que les Tripolitains ne sont pas convaincus de l’efficacité de ce genre de manifestations, étant conscients que la décision quant à la sécurité de la ville est entre les mains des forces dominantes sur le terrain.
Saïda: la fatale étincelle
Tout nouveau mouvement sur le terrain à Saïda, à l’image du sit-in organisé par le cheikh Ahmad el-Assir, pourrait faire perdre le contrôle et semer le chaos, un dérapage éventuel contre lequel des acteurs sécuritaires mettent en garde. Ceux-ci estiment que la conjoncture à Saïda est plus grave et plus délicate que celle qui prévaut à Tripoli. Toute tension sécuritaire susceptible de se déclarer dans la ville pourrait -vu son emplacement géographique- s’étendre sur l’ensemble du territoire libanais. Saïda est la porte du sud, elle représente un espace d’interdépendance démographique et communautaire et abrite des camps palestiniens aux composantes plurielles… C’est pourquoi toute étincelle peut y mener à une explosion. Ce sont ces mises en garde qui ont amené le cheikh Ahmad el-Assir à ajourner de nouvelles protestations qu’il comptait organiser à la fin du mois passé.
Le patriarche et le président
Le positionnement politique actuel du patriarche Mar Béchara Boutros Raï est «équilibré» s’accordent à dire les milieux de la coalition du 8 mars. Le prélat maronite n’est pas en conflit avec la majorité quoiqu’il s’en soit éloigné, tout comme il ne compte pas s’allier au 14 mars même s’il s’en est quelque peu rapproché. Pour certains observateurs, le patriarche maronite est, à ce stade, plus proche de la vision et des options politiques du président Michel Sleiman, les deux responsables forment un duo harmonieux, en accord au double plan national et politique.
Washington prêche la retenue
Maura Connelly, ambassadeur de Washington à Beyrouth, a exhorté les Libanais, à l’issue d’une tournée chez les responsables et leaders, à pratiquer le self-control et à préserver la sécurité et la stabilité du Liban. L’Administration du président Barack Obama, contrairement à celle de son prédécesseur Georges Bush, aspire à faire du Liban une zone stable où toute forme de violence doit être contenue, parce qu’il est dans l’intérêt des Etats-Unis que les pays limitrophes de la Syrie ne soient pas déstabilisés. C’est pourquoi Washington déploie des efforts pour maintenir un calme relatif au Liban, en Jordanie, en Turquie et en Israël. Ce qui ne veut pas dire que les Américains n’encouragent pas l’acheminement d’aide militaire à l’opposition via la Turquie, la Jordanie, le Liban, à condition que cela reste sous contrôle et ne menace pas la stabilité des pays concernés. L’Administration Obama ne souhaite pas voir régner le chaos et la violence susceptibles d’entraîner une conflagration régionale générale.
Deux vitesses
Un politique proche du 8 mars estime que le député Walid Joumblatt tire à boulets rouges sur le régime syrien d’une part, et pratique le tir de précision contre le Hezbollah, d’autre part. Sa politique irrite le Hezbollah qui tient pourtant à éviter toute confrontation tant que Walid bey maintient l’équilibre actuel et ne met pas en danger la vie du gouvernement.
Cloîtré mais actif
Suite aux informations sur des menaces sur sa vie, le député Sami Gemayel ne quitte pratiquement plus son domicile de Bickfaya et n’a même pas assisté aux festivités du 23 août à Achrafié. Des mesures de sécurité très strictes accompagnent ses rares déplacements. Il s’est également entouré d’une équipe de travail chargée du suivi des affaires.
Double version
Selon des informations émanant de sources proches du 8 mars, les procès-verbaux et les enregistrements des conversations entre l’ex-ministre Michel Samaha et Milad Kfoury ont été médiatisés sur décision du Directeur général des FSI, le général Achraf Rifi, et par son propre bureau. Quant aux Forces du 14 mars, elles estiment que cette médiatisation a empêché la dilution du dossier et dissipé des rumeurs mensongères.