Et de huit
Le président tunisien, Moncef el-Marzouki, prolonge pour la huitième fois la loi d’urgence. Il justifie sa décision en précisant qu’elle répondait à une demande formulée par l’armée, la situation sécuritaire étant, selon les militaires, toujours instable. Seul problème, ces lois spéciales ne s’appliquent apparemment pas aux éléments qui perturbent le plus la paix: les salafistes. C’est ce qui a poussé les observateurs à tourner cette décision en dérision, considérant qu’elle n’avait aucun effet sur le terrain. Les islamistes intégristes ont toujours les mains libres, l’armée ayant des ordres stricts de ne pas entrer en conflit avec eux.
Basma el-Qadamani ancienne responsable des affaires étrangères au sein du Conseil national syrien (CNS, opposition pro-occidentale), vient de jeter l’éponge. Elle a démissionné de son poste pour se consacrer à des recherches scientifiques. La jeune femme, connue pour ses dérapages verbaux, ne s’est pas contentée de cette démarche. Elle a pointé du doigt ses anciens collègues qui, dit-elle, «sont des incapables qui n’ont rien fait pour servir la cause du peuple syrien». Qadamani croit peut-être pouvoir mieux servir son pays à partir de son studio deux-pièces parisien?
Michel Kilo activiste, journaliste et intellectuel syrien, vient de payer lourdement son soutien à la révolution en Syrie. Le ministre des Finances a ordonné, en effet, la saisie de tous ses biens. Selon le ministère, Kilo serait impliqué «dans des activités terroristes visant à déstabiliser la sécurité interne». Mais à la surprise générale, il s’est avéré que Kilo n’ayant aucun bien, le régime a confisqué l’appartement de sa fille qui n’a jamais été sur la même ligne politique que son père. Installé à Paris depuis plusieurs mois, l’opposant a assuré que ces pressions ne le feraient pas plier, ajoutant: «ceux qui tirent sur leur peuple sont considérés des héros, et ceux qui défendent les victimes sont traités de terroristes. Telle est la triste réalité en Syrie».
Personne n’est à l’abri de la justice
Le nouveau ministre égyptien de la Justice, Ahmad Makki, proche de la Confrérie des Frères musulmans, a souligné que l’ancien ministre de la Défense, le maréchal Mohammed Hussein Tantawi, et l’ancien chef d’état-major de l’armée, le général Sami Anan, pourraient être jugés pour leurs «crimes» et qu’ils n’étaient pas à l’abri de la justice. Or, le patron de Makki, le président Mohammed Morsi, avait décerné des médailles prestigieuses aux anciens généraux, tout en les nommant au poste de conseillers présidentiels. Mais apparemment, les Ikhwan ne laisseront pas les deux hommes forts de l’ancien régime du président Hosni Moubarak profiter de leur retraite forcée et comptent bien les humilier comme ils l’ont fait avec l’ancien raïs. Les Frères musulmans ne sont pas connus pour leur tolérance.
En pointillé
Il est notoire que le Printemps arabe n’est pas passé par Alger et que le régime du président Abdelaziz Bouteflika tient le pays d’une main de fer. Cependant, même au sein d’une dictature, la détention depuis quatre mois de Nafeh Khalifi qui a «osé» déchirer la photo du président reste surprenante. Nafeh, dont la demande d’emploi avait été refusée par une institution gouvernementale, avait perdu son sang-froid. La suite est connue. Or, il s’est avéré que le jeune homme de 26 ans venait de sortir d’un centre psychiatrique où il a été soigné pour troubles nerveux. Cette affaire, qui avait mobilisé les organisations des droits de l’homme, pourrait tourner au drame, les autorités insistant pour que Nafeh soit jugé, sachant qu’il pourrait passer les dix prochaines années de sa vie derrière les barreaux.
Un cheikh irakien perd les nerfs
Le cheikh Jalaleddine el-Saghir, une des figures montantes de la communauté chiite irakienne, a suscité un tollé au pays des deux fleuves. En effet, el-Saghir a accusé les Kurdes d’être des infidèles et des athées, ajoutant que «le jour du retour du Mehdi, il mènera une bataille sans merci pour les exterminer tous». Ces propos avaient choqué, le cheikh étant membre du mouvement modéré de Ammar el-Hakim. Résultat: el-Saghir s’est rétracté, précisant qu’il ne parlait pas de la communauté kurde irakienne, mais plutôt des Kurdes syriens. Cette explication a provoqué un embarras encore plus grand, poussant tous les leaders kurdes à les condamner sévèrement tout en demandant que le cheikh en question soit démis de ses fonctions. Vu les tensions sectaires actuelles en Irak, de tels dérapages verbaux sont suffisants pour mettre le feu aux poudres.
Rien ne va plus entre Talabani et Barzani
Le président irakien, Jalal el-Talabani, qui suit en toute discrétion un traitement médical en Allemagne depuis plusieurs semaines, pourrait perdre son poste au profit de son meilleur ennemi Massoud el-Barzani. En effet, des voix au sein de la province du Kurdistan se sont élevées, critiquant l’absence quasi-totale du chef de l’Etat, tout en notant que cette situation allait à l’encontre des intérêts nationaux kurdes. Ces voix, proches de Barzani, ont ainsi proposé que ce dernier soit élu nouveau président de la République. Ils ont créé la panique chez les proches du président en fonction.
Pour sa part, le chef de la province du Kurdistan assure pour l’instant que la présidence ne lui a pas été proposée et qu’il n’y songeait même pas. Feuilleton à suivre.
Le Qatar, un Etat de droit?
L’Etat du Qatar, qui soutient de toutes ses forces les révolutions arabes visant à renverser les régimes tyranniques, a toujours été critiqué pour ses violations des droits de l’homme. Pire encore, cet Etat, créé en 1971, n’est toujours pas doté d’une Constitution. Ceci expliquerait la décision de l’émir Hamad Ben Khalifa Al Thani de former en secret un comité chargé de préparer des textes qui constitueraient l’ébauche d’une Constitution pour le pays. L’émir Hamad aurait été encouragé dans cette démarche par ses alliés américains et occidentaux embarrassés par cette situation insupportable. Des fuites ont déjà révélé que la Charia sera la principale source de législation et qu’un Conseil de Choura (consultatif) sera créé. La démocratie n’est par pour bientôt, la moitié des députés seraient désignés par l’émir!
Ça va mal en Jordanie
Le gouvernement jordanien qui vient d’adopter de nouvelles lois électorales lui permettant de maintenir une majorité au Parlement lors des élections prévues avant la fin de l’année, ne semble pas être prêt à faire marche arrière. Toutes les médiations visant à rapprocher la position des Frères musulmans de celle du gouvernement ont échoué. Les islamistes qui organisent chaque vendredi des manifestations pour protester contre la corruption au sein du royaume hachémite, ont haussé le ton, s’en prenant directement au roi Abdallah Ibn el-Hussein. Face à cette situation explosive, l’Etat n’a pas trouvé d’autre option que d’accuser les Ikhwan d’appliquer des ordres venant de l’étranger, visant à détruire le pays. Mais rien à faire: les leaders des Frères musulmans ont fait savoir que leur action sur le terrain s’amplifiera et qu’ils mettront tous leurs moyens à encourager la population à boycotter les élections législatives.
Quand Abbas dit «non»
Le président palestinien, Mahmoud Abbas, a refusé la main tendue par son homologue iranien Mahmoud Ahmadinejad. Il est vrai que Téhéran avait invité à la conférence du mouvement des pays non-alignés le chef du gouvernement de Hamas, Ismail Haniyah, ce qui avait rendu Abou Mazen furieux. Ce dernier avait même menacé de boycotter le sommet, forçant Téhéran à retirer l’invitation adressée à l’ancien Premier ministre. Cet incident a cependant laissé des traces, puisqu’Abou Mazen s’est contenté de participer au sommet sans se réunir avec ses hôtes iraniens. Ahmadinejad a alors prié Abou Mazen d’accepter une invitation officielle à effectuer une nouvelle visite. Offre rejetée sur-le-champ par les dirigeants palestiniens qui ont enfoncé le clou en révélant au grand public leur refus de toute médiation iranienne dans le dossier de la réconciliation avec le Hamas. Une vraie gifle pour le président iranien qui vit sans aucun doute un de ses pires moments au sommet de l’Etat.
5000 camions turcs traversaient chaque année la frontière avec la Syrie voisine pour transporter des produits locaux vers onze pays arabes au Levant et à la Péninsule arabique. Mais à la suite de la révolution syrienne et des sanctions imposées par Ankara sur Damas, cette voie a été coupée, provoquant des pertes énormes pour l’économie turque. Le gouvernement du Premier ministre, Recep Tayyip Erdodan, avait tenté en vain de trouver une autre ligne de transport, allant même jusqu’à proposer des scénarios fantaisistes, tel l’établissement d’un pont aérien direct avec l’Arabie saoudite. Une idée tombée à l’eau, le coût d’un tel projet étant astronomique et hors de portée pour Ankara. Etant donné les vives tensions entre la Turquie et ses voisins irakiens et grecs, la seule solution paraît être l’adoption d’une voie maritime avec l’Egypte. Entre-temps, des milliers de commerçants et d’agriculteurs turcs sont au bord de la faillite et attendent que le gouvernement islamiste les dédommage.
3 milliards de dollars est le coût de la construction du pont de 10 kilomètres de long qui devrait relier l’Arabie saoudite à l’Egypte. Ce projet pharaonique, supposé lier le Sinaï égyptien au Ras el-Cheikh Hamid en Arabie, devrait changer les données économiques dans la région. Cette idée, qui avait été soutenue par le gouvernement d’Ahmed Nazif, dernier Premier ministre de l’ère Moubarak, visait à faciliter le commerce entre les pays du Golfe et l’Afrique du Nord. La plus grande partie devra être financée par Riyad qui envisage aussi la construction d’un tunnel sous la mer Rouge. Ce projet pourtant reste en suspens car son coût s’élèverait à plus de 20 milliards de dollars. Les observateurs qui prédisaient un avenir sombre aux relations entre l’Egypte et l’Arabie après la chute de Moubarak se sont bien trompés. Le nouveau régime islamiste au Caire fait tout pour gagner la confiance de la famille royale saoudienne.