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Nº 2863 du vendredi 21 septembre 2012

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Le message du pape aux jeunes. Face à la haine, gardez l’espoir!

Des dizaines de milliers de jeunes fidèles se sont réunis sur l’esplanade de Bkerké pour entendre le message particulièrement puissant de Benoît XVI à l’adresse de leur génération préoccupée par l’environnement et l’avenir.

16h30, ce samedi 15 septembre. Sur la montée qui mène au siège patriarcal, des centaines de bus sont alignés, à perte de vue, à gauche de la chaussée. Ils portent tous le nom d’écoles, de collèges et de lycées. La route, ornée des drapeaux du Vatican et des portraits du Saint-Père, semble interminable. Pourtant, quelques intrépides grimpent le dernier kilomètre à pied. Ils croiseront les deux barrages militaires et les voitures de police stationnées à la droite de la route qui balisent le parcours. Le dispositif imposant n’est pas envahissant. Protégés par les pins qui s’élèvent sur les pentes abruptes, les fidèles entrent dans un tunnel naturel et divin. Il y règne une atmosphère de silence, de quiétude. Pour se rendre sur le parvis, les quidams doivent se garer en contrebas et arpenter la route qui s’élève généreusement, au moins sur 300 mètres. Le temps de s’imprégner du lieu. Ce n’est pas la chaleur qui va les arrêter, même si on scrute au sol les rares zones ombragées. Les parents portent leurs enfants, les ados marchent en bandes, sourire aux lèvres. Dans moins de deux heures, ils verront le Saint-Père arriver.

Enthousiasme et peps
Lorsque vient le replat, le panorama s’éclaire. Les rumeurs de la foule se font entendre. Un rapide coup d’œil permet de distinguer les deux catégories qui formeront l’assistance. Il y a pas mal d’adultes, souvent vêtus de blanc. Certains attendent patiemment sur le rebord de la route, histoire de gérer l’effort de la marche. Ils sont venus en famille, les enfants sont étonnamment calmes. On aperçoit même quelques grands-parents qui habitent la région. Mais il y a surtout des jeunes, garçons et filles, d’humeur bon enfant. Les scouts, extrêmement nombreux, sont présents en force. Ils viennent de partout. Tous ont, autour du cou, des badges d’autorisation. Chacun sa couleur. Passé un portique de sécurité posé à quelques pas de l’entrée du siège patriarcal, la clameur s’intensifie. Plusieurs centaines de jeunes se sont massés des deux côtés de la route pour être les premiers à accueillir le souverain pontife. Pour échapper aux contraintes visuelles des barrières, certains montent sur les tables et agitent leurs drapeaux. A côté du portail en fer forgé noir, un écran géant retransmet les images de l’intérieur de la cour. Dans le ciel, des ballons bleus et jaunes dessinent un chapelet.
A 17h30, l’esplanade est déjà bondée. Sur la vaste scène blanche, montée en face de la façade principale du patriarcat, l’orchestre interprète des airs religieux sur un rythme entraînant, façon Journée Mondiale de la Jeunesse. La foule est maintenue en haleine. Une troupe de danseurs accompagne la musique. Le son monte progressivement, l’ambiance aussi. C’est soir de fête à Bkerké, les jeunes sont ici chez eux. Ils se massent en sautillant et chantent à tue-tête. On guette les moindres mouvements du service d’ordre. Mais le signal vient du ciel. Un hélicoptère militaire survole la foule. Les militaires s’affairent. Rapidement, le public apprend que c’est le président de la République, Michel Sleiman, qui arrive. Lorsqu’il sort de sa voiture, il est chaleureusement accueilli. Le compte à rebours est lancé.
A six heures, on entend retentir les cloches. Elles sonnent au passage du pape. La foule explose. Benoît XVI est sur le chemin. Les rondes de l’hélicoptère s’accélèrent. Les jeunes scouts sautent sur place. Les visages s’éclairent, sourient de mille éclats. A travers les arbres, apparaissent les motards et les sirènes. Lorsque la foule entraperçoit la papamobile, le silence s’abat. Il dure quelques secondes et, d’un coup, la joie et l’impatience laissent place à la solennité et au trac. Un instant d’une force irrésistible. Lorsque le véhicule blanc arrive à hauteur, c’est l’explosion. Le pape est tout sourire, il regarde ces jeunes d’un regard d’enfant. Il les salue patiemment. La rencontre est magique. De l’entrée à la scène, les applaudissements et son nom grondent.

Un véritable dialogue
Sur l’estrade, une croix en bois massif est montée sur un socle. Lorsqu’il s’assoit, il balaie l’assistance du regard. Il semble heureux. C’est le patriarche Béchara Boutros Raï qui prononce le discours d’accueil. Avec Mgr Georges Abou Jaoudé, archevêque de Tripoli et président du Conseil pour l’apostolat des laïcs au Liban, et Mgr Elie Haddad, archevêque de Sidon des grecs melkites et vice président du même Conseil, le chef de l’Eglise maronite porte la parole des jeunes. Ils sont suivis par deux jeunes, Rania Abou Chacra et Roy Jreige, qui livrent, au nom des jeunes du Moyen-Orient un message très direct sur leur condition dans cette région du monde (voir encadré). Cette lettre a été applaudie par la jeunesse qui saluait sans doute la justesse de leurs exigences.
A toutes ces questions, Benoît XVI répond brillamment. Jamais personne ne leur avait parlé de manière aussi lucide, aussi belle. Jamais sans doute un discours ne leur avait paru aussi juste, aussi émouvant. C’est un grand frère protecteur, un père aimant qui s’est adressé à eux. C’est un message chrétien de paix, d’amour et de communion que le Saint-Père leur a adressé.
Après avoir salué «les saints et les bienheureux de ce pays» qui ont montré que «la foi transmise par les Apôtres conduit à la pleine liberté et la joie», le souverain pontife a expliqué que l’Eglise avait «besoin de l’enthousiasme et de la créativité» des jeunes. «Vous avez une place privilégiée dans mon cœur et dans l’Eglise tout entière».
Il a enchaîné avec un message destiné plus particulièrement aux jeunes Libanais qui fera date, tant il est profondément simple et porteur d’espérance. Son allocution a été abondamment applaudie. Reprenant l’appel de son prédécesseur Jean-Paul II, Benoît XVI a exhorté les jeunes à ne pas avoir peur.
Relevant les dangers de la drogue, de la pornographie et des réseaux sociaux, Benoît XVI a mis la jeunesse en garde contre la tentation, celle de l’argent, cette «idole tyrannique qui aveugle au point d’étouffer la personne et son cœur».
Il poursuit. «Soyez les messagers de l’Evangile de la vie et de ses valeurs. Résistez courageusement à tout ce qui la nie: l’avortement, la violence, le refus et le mépris de l’autre, l’injustice, la guerre. Vous répandrez ainsi la paix autour de vous. Est-ce que ce ne sont pas les «agents de paix» que nous admirons finalement le plus? N’est-ce pas la paix ce bien précieux que toute l’humanité recherche? N’est-ce pas un monde de paix qu’au plus profond de nous-mêmes, nous voulons pour nous et pour les autres?»
Un texte exceptionnel à lire, relire et à méditer. 

J. A-R.
 

La lettre des jeunes
Voici les principaux points de la lettre lue par les jeunes à l’attention de Benoît XVI.
-«Aujourd’hui, plus que jamais, nous avons besoin de la présence active de l’Eglise dans ce Moyen-Orient livré à la haine, à la peur, au désespoir et à la souffrance».
-«Votre présence au Liban, en dépit des circonstances qui sont les nôtres, est un défi lancé à la logique de la guerre et du désespoir; elle est signe de paix et d’espérance».
-«Nous, jeunes du Moyen-Orient, sommes plongés aujourd’hui dans un océan d’appréhensions et de craintes; beaucoup de jeunes de notre génération vivent dans un grand désarroi, affrontent la corruption et font l’expérience du découragement».
-«Nous nous sentons impuissants à provoquer le changement ou le relèvement de nos pays respectifs, et beaucoup d’entre nous émigrent à la recherche d’un avenir meilleur».
-«Nous voulons rester attachés à l’Orient et enracinés dans notre terre, symbole de notre appartenance et notre identité, non par fanatisme, mais pour préserver cette région du monde et son cachet unique, afin que nos patries ne soient pas fragmentées en entités confessionnelles et sectaires».

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