Par Fabienne Blineau-Abiramia
Déléguée de l’UMP au Liban
Française, née à Nantes, j’ai quitté il y a six ans, avec mon mari libanais et mes enfants, mon pays natal pour le Liban. Militante depuis mon adolescence, j’ai toujours été intéressée par la politique. Depuis que je vis au Pays du Cèdre, je grandis chaque jour en humanité, en culture et en géopolitique. Ici, la géopolitique n’est pas une science abstraite, nous la vivons tous les jours.
Attachée à mon pays, la France, surtout depuis que je n’y vis plus, je vis un décalage énorme entre la vie en Orient et l’information que nos médias diffusent sur cette région. Au Liban, j’ai appris à ne pas réfléchir comme une Française. Pourquoi? Car nous, Français, avons eu la chance d’être nés dans un pays où les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité sont notre base. Il n’y a pas un jour où je ne suis pas fière d’être française et d’appartenir à cette patrie. Lorsque l’on quitte la France pour vivre à l’étranger, nous réalisons la chance que nous avons d’appartenir au plus respectueux des pays du monde.
L’Etat et ses structures y sont protecteurs, la santé et l’école y sont gratuites. Ces rappels sont importants pour comprendre dans quel monde nous vivons. Pour comprendre l’Orient, il nous faut nous débarrasser de notre mentalité de Français vivant en France et nous mettre à la place des peuples qui vivent dans la terreur. Ils évoluent dans des pays souvent déstructurés, dans la précarité et dans la peur du lendemain. Pas étonnant de voir, à partir de ce constat, ces peuples se tourner vers leurs communautés religieuses qui leur offrent des aides en tous genres.
Ce constat, les médias occidentaux le méprisent. Ils sont les vecteurs d’amalgames et de raccourcis dévastateurs. Comme j’aime à le dire, la peur et la bêtise viennent de l’ignorance.
Une équipe de journalistes d’une grande chaîne de télévision française, qui s’amuse dans une boîte de nuit de Beyrouth, peut tourner un reportage pour le journal de 20 heures dans lequel le reporter porte un gilet pare-balles. Voilà le décalage: ces journalistes viennent à Beyrouth profiter de la vie festive et ensuite tourner leur sujet trash pour faire peur aux téléspectateurs. Il y a manifestement tromperie.
L’autre soir, un Français d’Egypte dénonçait l’irresponsabilité de Charlie Hebdo, qui a publié ses caricatures dans leur bureau parisien tranquille sans penser aux deux millions de Français vivant à l’étranger. Tout est là. L’Occident et la France réagissent exactement comme les extrémistes le souhaitent. L’indifférence serait pourtant la réaction la plus cruelle. Mais en créant le buzz, Charlie Hebdo donne de l’importance à ces minorités. Oui, la France est laïque et républicaine, mais nous ne vivons plus en vase clos. La planète est un village divisé en deux. D’un côté, les pays développés, organisés et démocratiques; de l’autre, les pays sous-développés, souvent corrompus et ultrareligieux. Les grandes puissances sont des donneurs de leçons en carton. Un jour, elles établissent des relations avec les dictateurs en méprisant totalement le désarroi des peuples. Le lendemain, elles décident de les renverser, voire de les tuer. Voilà ce qui alimente le discours des extrémistes.
L’Histoire nous apprend que l’extrémisme religieux prospère au sein de la jeune génération sur le terreau de l’illettrisme, du décrochage social et de la pauvreté. On a décrit les Printemps arabes comme des révolutions démocratiques. Ce n’est qu’une vérité partielle et les lendemains ressemblent plus à des hivers qu’à des étés. Aujourd’hui en France, nous constatons une montée de l’extrémisme religieux. Mais comment pouvait-il en être autrement? La France a trop longtemps toléré des discours de rejet de nos valeurs républicaines et on en paye le prix aujourd’hui.
La semaine dernière, le pape Benoît XVI était au Liban. C’était un moment exceptionnel. Malgré les tensions, toutes les communautés religieuses sans exception se sont rassemblées autour de lui. Les médias français n’ont consacré que quelques secondes à cette visite.
Je crie au nom de mes 2 millions de compatriotes à l’étranger mon dégoût face à l’irresponsabilité de certains médias qui ne font que creuser le fossé entre les peuples. La diversité pourrait être une richesse si les uns et les autres se respectaient, s’écoutaient et s’instruisaient mutuellement sans vanité.
Il faut agir pour que les arguments des extrémistes ne soient pas repris par des jeunes désorientés, car malheureusement les choix des uns et les actions des autres sont du pain béni pour ces chefs religieux stimulés uniquement par la haine et la violence.