Magazine Le Mensuel

Nº 2864 du vendredi 28 septembre 2012

Economie & Finances

Economie et finance

Banques
Prudence dans l’expansion transfrontalière

Les banques libanaises ont toujours vu grand et ciblé une expansion transfrontalière. Le phénomène n’est pas nouveau puisqu’il a commencé avec le début de la guerre du Liban, les établissements de crédit locaux ayant souhaité suivre leur clientèle libanaise «dans leurs pays d’émigration provisoire». Le phénomène a pris de l’ampleur avec les années, enregistrant des implantations de filiales libanaises à l’étranger, en l’occurrence en France et à Chypre. Mais avec la normalisation de la vie au Liban, nombreuses ont été les banques qui ont préféré fermer leur filiale en Europe et défricher d’autres marchés dans la région Mena (Moyen-Orient et Afrique du Nord). Selon un important banquier de la place de Beyrouth, les frais fixes (notamment la location des locaux) et les impôts sont tellement élevés en Europe que les rendements des filiales bancaires libanaises dans le Vieux continent se trouvent largement réduits. Il a avoué que la rentabilité de la filiale de sa banque implantée actuellement à Alger est nettement plus satisfaisante. Dans un passé tout récent, la Banque du Liban (BDL) a encouragé les banques commerciales à s’expatrier vers les pays arabes, considérés comme le prolongement naturel de l’économie nationale. Leur objectif ultime était, d’une part, de trouver des placements efficients à leur forte liquidité tout en diversifiant leur risque; et d’autre part, de relever la participation des filiales libanaises à l’étranger à partir de leurs revenus propres transfrontaliers. Ce qui avait pour conséquence le renforcement de la balance des paiements, l’expansion des investissements à l’étranger des Libanais, et l’amélioration de la notation du crédit des banques, indépendamment du risque souverain de leur mère-patrie.
L’expansion transfrontalière a enregistré des performances satisfaisantes jusqu’à l’émergence de la crise financière de 2008 et, surtout, le déclenchement du Printemps arabe. Malgré les règles de prudence imposées par la BDL aux filiales des banques libanaises, celles-ci doivent à présent procéder à une évaluation de leurs aptitudes à se conformer aux différents systèmes monétaires en vigueur dans les pays arabes qui sont le théâtre de changements radicaux. Il s’agit notamment de prendre en considération les ratios de capitalisation qui seraient exigés (Egypte) et les réserves à prendre pour assurer une couverture adéquate aux créances douteuses.
Le paramètre de la lutte contre le blanchiment d’argent ne doit pas être négligé non plus pour éviter d’enfreindre les sanctions économiques imposées par l’Union européenne et les Etats-Unis contre la Syrie et l’Iran. A titre indicatif, les sept banques libanaises présentes sur le marché syrien ont constitué environ 400 millions de dollars au poste des provisions, en contrepartie de financements consentis à l’économie syrienne et ce, à partir des liquidités disponibles à leur siège social au Liban et/ou en Syrie. Pour rappel, les crédits accordés à l’économie syrienne ont reculé de 56% depuis le déclenchement des violences en mars 2011, ce qui a conduit à une baisse des risques qui planent sur le secteur bancaire libanais. Toutefois, ces provisions devraient affecter à la baisse les profits des banques. De la bouche même de son gouverneur, la BDL s’attend à ce que les bénéfices nets des banques soient en 2012 identiques à ceux enregistrés en 2011. Une circulaire intermédiaire de la Banque centrale visant à la protection des institutions financières a été promulguée le 21 juillet 2012, modifiant celle du 15 avril 1999. Elle régit les relations du secteur bancaire local avec le secteur financier correspondant non résident. Elle recommande aux banques et institutions financières au Liban de limiter leurs placements, à l’exception des comptes courants, à des établissements correspondants bénéficiant au moins de la notation «BBB». Cette disposition ne s’applique pas aux filiales des banques libanaises. Par ailleurs, l’engagement net des crédits de la banque et de sa filiale par rapport à l’établissement correspondant ne doit pas dépasser 25% des fonds propres de la Banque libanaise. L’engagement net des crédits englobe les comptes courants, les gages-espèces, ainsi que tous les outils financiers émis par le correspondant, de sorte que l’institution libanaise ne supporte pas le risque de son correspondant.

 

 

Budget
2500 milliards de livres de dépenses en plus en 2013

Les organismes économiques et le gouvernement ne sont pas sur la même longueur d’ondes, du moins en ce qui concerne la politique fiscale qui serait adoptée dans le cadre du projet de la  Loi de Finance 2013. Les milieux économiques sont clairement mécontents et ils l’expriment sans détours sur les chaînes de télévisions et dans les colonnes des journaux. Le président de l’Association des commerçants de Beyrouth, Nicolas Chammas, a même parlé de «choc fiscal», faisant référence à un montant de 4 milliards de dollars de revenus supplémentaires pour le Trésor au cours d’un seul exercice financier. Or, le gouvernement a une approche totalement différente du panier des nouvelles taxes et des impôts supplémentaires qu’il propose. L’objectif prioritaire de l’Exécutif consiste «à donner un signal positif aux marchés de capitaux», notamment au niveau international, en prélude aux émissions d’eurobonds auxquelles le ministère des Finances devrait procéder en 2013 et 2014. Une source du gouvernement explique que «les revenus escomptés devaient être utilisés non seulement pour couvrir le financement de l’échelle des salaires des fonctionnaires, mais les déficits budgétaires cumulés par l’Etat libanais avant et après l’avènement de l’actuel gouvernement». Déjà en ce qui concerne le projet de budget de 2013, les dépenses prévues s’élèveraient à 23000 milliards de livres, soit une progression de 2500 milliards de livres par rapport à celles de 2012. Les nouveaux revenus devraient donc démontrer au monde de la finance la capacité de l’Etat à contenir le ratio de la dette publique rapportée au PIB selon une tendance baissière. Une tâche qui n’est pas facile à accomplir, d’autant que la croissance économique prévue par différentes organisations internationales plafonnerait à 1,5%.
Le Liban officiel souhaite lever des fonds auprès des marchés internationaux aux meilleurs taux, vu les risques régionaux que les investisseurs étrangers prennent en considération, appréhendant ce qu’ils appellent «la contagion de la crise syrienne». Les eurobonds extérieurs venant à échéance aux cours des deux prochaines années sont de l’ordre de 8,6 milliards de dollars. Ils devraient être remboursés ou  renouvelés à un moindre coût, sans compter un élément extérieur de pression représenté par la crise de l’endettement en Europe. Toutefois, un expert économique fait remarquer qu’il est temps de procéder à des réformes fiscales d’une manière graduelle et ne pas se contenter du maintien de certains mécanismes en vigueur à l’heure actuelle. Cette source a fait référence au relèvement de la taxe sur les biens-fonds publics, soulignant que cette taxe n’avait rapporté au Trésor que 30 à 40 milliards de livres pas an. L’expert propose que l’Etat aille plus loin en recommandant une régularisation de la situation des bénéficiaires de l’exploitation du domaine public dans le sens d’une vente ou d’une location des lieux. Dans tous les cas de figure, un effort d’austérité est demandé au cours de la phase actuelle que traverse le pays, à tous les Libanais sans exception, à commencer par les présidents, les ministres et les députés, qui doivent donner l’exemple en réduisant leurs salaires, comme c’est le cas dans la plupart des pays européens. Ceci n’exclut pas l’urgence d’un début de réforme structurelle. Mais il faut en même temps cesser de recourir à la pression de la rue, qui ne pourrait qu’accroître la morosité dans laquelle baigne le pays, d’autant que les arbitrages sur les impôts et taxes n’ont pas encore été prononcés. De longues discussions sur cette question sont à prévoir au niveau de l’Exécutif et du Législatif. 

Liliane Mokbel

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