Les banques libanaises ont toujours vu grand et ciblé une expansion transfrontalière. Le phénomène n’est pas nouveau puisqu’il a commencé avec le début de la guerre du Liban, les établissements de crédit locaux ayant souhaité suivre leur clientèle libanaise «dans leurs pays d’émigration provisoire». Le phénomène a pris de l’ampleur avec les années, enregistrant des implantations de filiales libanaises à l’étranger, en l’occurrence en France et à Chypre. Mais avec la normalisation de la vie au Liban, nombreuses ont été les banques qui ont préféré fermer leur filiale en Europe et défricher d’autres marchés dans la région Mena (Moyen-Orient et Afrique du Nord). Selon un important banquier de la place de Beyrouth, les frais fixes (notamment la location des locaux) et les impôts sont tellement élevés en Europe que les rendements des filiales bancaires libanaises dans le Vieux continent se trouvent largement réduits. Il a avoué que la rentabilité de la filiale de sa banque implantée actuellement à Alger est nettement plus satisfaisante. Dans un passé tout récent, la Banque du Liban (BDL) a encouragé les banques commerciales à s’expatrier vers les pays arabes, considérés comme le prolongement naturel de l’économie nationale. Leur objectif ultime était, d’une part, de trouver des placements efficients à leur forte liquidité tout en diversifiant leur risque; et d’autre part, de relever la participation des filiales libanaises à l’étranger à partir de leurs revenus propres transfrontaliers. Ce qui avait pour conséquence le renforcement de la balance des paiements, l’expansion des investissements à l’étranger des Libanais, et l’amélioration de la notation du crédit des banques, indépendamment du risque souverain de leur mère-patrie.
L’expansion transfrontalière a enregistré des performances satisfaisantes jusqu’à l’émergence de la crise financière de 2008 et, surtout, le déclenchement du Printemps arabe. Malgré les règles de prudence imposées par la BDL aux filiales des banques libanaises, celles-ci doivent à présent procéder à une évaluation de leurs aptitudes à se conformer aux différents systèmes monétaires en vigueur dans les pays arabes qui sont le théâtre de changements radicaux. Il s’agit notamment de prendre en considération les ratios de capitalisation qui seraient exigés (Egypte) et les réserves à prendre pour assurer une couverture adéquate aux créances douteuses.
Le paramètre de la lutte contre le blanchiment d’argent ne doit pas être négligé non plus pour éviter d’enfreindre les sanctions économiques imposées par l’Union européenne et les Etats-Unis contre la Syrie et l’Iran. A titre indicatif, les sept banques libanaises présentes sur le marché syrien ont constitué environ 400 millions de dollars au poste des provisions, en contrepartie de financements consentis à l’économie syrienne et ce, à partir des liquidités disponibles à leur siège social au Liban et/ou en Syrie. Pour rappel, les crédits accordés à l’économie syrienne ont reculé de 56% depuis le déclenchement des violences en mars 2011, ce qui a conduit à une baisse des risques qui planent sur le secteur bancaire libanais. Toutefois, ces provisions devraient affecter à la baisse les profits des banques. De la bouche même de son gouverneur, la BDL s’attend à ce que les bénéfices nets des banques soient en 2012 identiques à ceux enregistrés en 2011. Une circulaire intermédiaire de la Banque centrale visant à la protection des institutions financières a été promulguée le 21 juillet 2012, modifiant celle du 15 avril 1999. Elle régit les relations du secteur bancaire local avec le secteur financier correspondant non résident. Elle recommande aux banques et institutions financières au Liban de limiter leurs placements, à l’exception des comptes courants, à des établissements correspondants bénéficiant au moins de la notation «BBB». Cette disposition ne s’applique pas aux filiales des banques libanaises. Par ailleurs, l’engagement net des crédits de la banque et de sa filiale par rapport à l’établissement correspondant ne doit pas dépasser 25% des fonds propres de la Banque libanaise. L’engagement net des crédits englobe les comptes courants, les gages-espèces, ainsi que tous les outils financiers émis par le correspondant, de sorte que l’institution libanaise ne supporte pas le risque de son correspondant.
Nº 2864 du vendredi 28 septembre 2012
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