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Nº 2864 du vendredi 28 septembre 2012

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Défense de l’islam et des religions. Bkerké en première ligne

C’est sur le thème «une attaque contre n’importe quelle confession constitue une attaque contre toutes les religions», qu’à l’initiative du patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, s’est tenu le sommet interreligieux à Bkerké.

Après les manifestations de rue de ces derniers jours, en réaction violente au film L’Innocence des musulmans, réalisé aux Etats-Unis et diffusé actuellement sur YouTube, des concertations ont eu lieu entre les chefs religieux musulmans et chrétiens pour coordonner leurs positions, et éviter au Liban les conséquences de la diffusion de ce film. D’autres sujets d’actualité étaient également à l’ordre du jour du sommet de Bkerké.
Trois grands chapitres ont été abordés au cours de cette réunion: les «résultats constructifs» de la visite du pape Benoît XVI au Liban, les conséquences néfastes du film L’Innocence des musulmans, les caricatures de Mahomet, publiées par Charlie Hebdo et, enfin, la situation socio-économique alarmante.
C’est d’abord sur le film, portant atteinte au prophète Mahomet, que se sont penchés les chefs religieux. Ils l’ont fermement condamné tout en dénonçant «la violence des réactions dont des victimes innocentes ont fait les frais en s’en prenant aux chrétiens et aux lieux de culte dans certains pays». Les dignitaires chrétiens ont estimé que le film islamophobe portait atteinte, non seulement aux musulmans et au Prophète, mais également aux chrétiens.
Les chefs religieux ont appelé les Nations unies, la Ligue arabe et les différentes organisations internationales concernées à prendre une décision contre l’exploitation à mauvais escient de la liberté d’expression, à interdire la diffamation des religions et les menaces contre la paix civile. Ils ont appelé aussi la communauté internationale à émettre une loi onusienne interdisant le dénigrement des religions. Le mufti de la République, le cheikh Mohammad Rachid Kabbani a suggéré que les ambassadeurs soient appelés à transmettre à leurs pays respectifs cette volonté et à demander leur appui.  
A cet effet, les participants au sommet ont décidé de former un comité de juristes spécialisés se chargeant de préparer un texte en vue de préserver les religions. La mission de suivi de cette affaire a été confiée au Comité islamo-chrétien pour le dialogue.
En ce qui concerne la visite du pape, du 14 au 16 septembre, les chefs religieux ont exprimé leur satisfaction au vu des résultats positifs de cette visite «qui a consacré le Liban comme un pays sûr et ouvert aux diverses cultures et religions, le meilleur lieu pour la signature de l’Exhortation apostolique pour le Moyen-Orient», comme le souligne le communiqué du sommet. Il fut convenu de diffuser ce texte aux Libanais et de le transmettre aux chefs des communautés dans les pays environnants.
Le message du pape Benoît XVI aux Libanais: «le Liban est avant tout un espace d’interaction et de dialogue autour d’une civilisation de paix et de diversité dans l’unité, et non une scène de discorde» est hautement apprécié par les chefs religieux qui trouvent que «le pape continue de considérer le Liban porteur d’un message historique au monde entier».
Le troisième point à l’ordre du jour du sommet: la situation socioéconomique alarmante, surtout en ce qui concerne l’accroissement de la dette publique, la cherté de vie, la baisse des revenus et l’élargissement du cercle de la pauvreté. Les chefs religieux ont discuté de la situation insoutenable socioéconomique du pays, considérant que si «l’économie s’effondre, tout s’effondrera». Ils ont appelé à «l’adoption d’une politique socioéconomique fondée sur un système de taxation plus équitable, qui assure les services liés au développement à l’intention des catégories sociales et des régions défavorisées dans le but de créer des emplois aux nouveaux diplômés, d’encourager les investissements dans des projets productifs, de donner un nouvel impact aux exportations et, en gros, d’éradiquer le chômage et l’émigration».
Les participants au sommet à Bkerké n’ont pas manqué de passer en revue «les actes extrémistes qui résultent de l’aggravation de la situation socio-économique, tels les agressions, les vols ou encore les enlèvements». Ils ont rendu hommage «aux efforts des forces de l’ordre», certes louables, mais qui doivent être suivis d’autres mesures «nécessaires pour éviter l’effondrement total».
Mettant le doigt sur la plaie, les dignitaires religieux ont appelé les hommes politiques à œuvrer à «faire baisser les tensions politiques et sécuritaires et à instaurer un climat de tranquillité et de confiance dans le pays et dans l’avenir».
Le sommet religieux donne une fois de plus un sens au message du Liban, alors que les manifestations se poursuivent partout dans le monde arabe, que les réactions au film islamophobe étaient de plus en plus violentes, la scène libanaise semblait relativement à l’abri tout au long de la visite du souverain pontife. Mais à peine l’avion du Pape avait-il décollé que les manifestations occupaient les rues dans toutes les régions du Liban.
A l’appel du secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah, des milliers de ses partisans ont manifesté depuis Beyrouth jusqu’au Hermel, en passant par Tyr et Baalbeck, scandant des slogans: «Mort à l’Amérique, Israël, ennemi des musulmans!». Ils ont protesté contre «L’Administration américaine jugée responsable de parrainer et de protéger les auteurs des actes commis au nom de la liberté d’expression. Certains pays européens participent également à cette campagne, et c’est certainement Israël qui est à la tête de tout ce monde-là».
La Jamaa islamiya a protesté aussi à Saïda contre les atteintes au Prophète et à l’islam, estimant qu’elles avaient dépassé le cadre politique pour cibler le cœur de la croyance islamique.
Le cheikh Maher Hammoud a plaidé pour «une fatwa autorisant l’assassinat de tous ceux qui ont participé» à L’Innocence des musulmans.
Une manifestation a eu lieu à l’initiative de cheikh Ahmad el-Assir dans le centre-ville de Beyrouth. El-Assir s’en est pris au président syrien, Bachar el-Assad, accusant le régime baassiste de commettre des crimes sous la houlette de l’Iran et de l’Administration américaine. Le cheikh Assir a remercié la communauté chrétienne au Liban, l’Eglise et le chef de l’Etat pour leur soutien.
Le sommet interreligieux a replacé les questions dans leur contexte. Les chrétiens se sont sentis aussi concernés que les musulmans. D’ailleurs, le film Fateh 1453 qui revient sur la chute de Constantinople a suscité une violente réaction des orthodoxes qui y ont vu une atteinte à l’histoire des chrétiens. Entre les atteintes aux musulmans et les atteintes aux chrétiens, le sommet interreligieux a confirmé le vrai message du Liban.

Arlette Kassas
 


Conciliabules
Les atteintes au Prophète ont fait l’objet de conciliabules entre le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, et le mufti de la République, cheikh Mohammad Rachid Kabbani, lequel a de son côté rencontré le Premier ministre Najib Mikati. Le responsable des relations internationales au sein du Hezbollah, Ammar Moussawi, a également évoqué ce sujet avec le représentant personnel du secrétaire général de l’Onu, Derek Plumbly.

Interdiction du film islamophobe
Une source judiciaire a affirmé que la justice libanaise a décidé d’interdire l’accès via Internet au film anti-islam Innocence of Muslims qui a provoqué la colère du monde musulman. Le juge des référés de Beyrouth, Nadim Zouein, a en effet décidé «d’arrêter la diffusion au Liban sur Internet du film Innocence of Muslims au Liban, que les extraits apparaissent sous ce titre ou sous d’autres».

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