Cette incroyable greffe a été réalisée en Suède. Deux jeunes femmes viennent chacune de bénéficier d’une greffe de l’utérus de leur propre mère. Avec pour objectif, celui de donner naissance à des enfants sains.
S’agit-il d’un nouvel espoir pour les femmes en mal de procréation de pouvoir un jour donner naissance à un enfant sain? L’avenir nous le dira. Pour l’heure, en tout cas, la performance mérite d’être saluée.
Des médecins suédois ont en effet annoncé avoir effectué une greffe chez deux patientes, des utérus de leurs mères respectives. L’annonce du succès de la transplantation a été faite via un communiqué de l’Université de Göteborg et de l’Hôpital universitaire Sahlgrenska, en Suède.
Comme pour toute greffe, les deux patientes, âgées d’une trentaine d’années, répondaient à des critères bien particuliers. Ainsi, l’une des deux jeunes femmes avait dû se faire retirer l’utérus après un traitement contre le cancer du col de l’utérus. Quant à la seconde, elle est née sans utérus.
Pour réaliser cette greffe, plus de dix chirurgiens ont participé aux opérations, sans aucune complication.
Les patientes receveuses vont bien, selon les médecins, mais sont fatiguées. Quant aux donneuses, leurs mères, elles sont déjà debout et devraient pouvoir rentrer à leurs domiciles respectifs.
Le directeur de l’équipe de recherche et professeur de gynécologie-obstétrique de l’Université de Göteborg, Mats Brännström précise tout de même que malgré le succès immédiat de ces deux greffes, rien n’est encore fait.
Les jeunes femmes devront attendre encore un an, avant de pouvoir entamer une procédure de fécondation in vitro avec leurs propres embryons congelés. Un délai qui permettra de savoir si l’utérus greffé est fonctionnel ou pas. Le succès de ces greffes dépendra de la naissance d’un enfant sain.
Car, pour l’heure, aucune grossesse n’a pu être menée à son terme sur un utérus greffé. Il y a quelques années, en 2002 puis en 2011, des greffes d’utérus avaient été effectuées en Arabie saoudite et en Turquie, sans succès.
Autre problème concernant la possibilité de donner naissance à un enfant sain et mené à terme, les traitements antirejet. Ceux-ci sont indispensables à la réussite d’une greffe, quelle qu’elle soit. Le Pr Israel Nizand, chef du pôle gynécologie-obstétrique au CHU de Strasbourg, en France, confie dans les colonnes du Figaro, qu’un tel traitement peut avoir «des conséquences non négligeables sur le fœtus en cas de grossesse». Toutefois, les risques de rejet de la greffe pourraient être moindres quand le greffon provient de la propre mère du patient. Les mères des deux patientes ont été choisies comme donneuses à cause de l’avantage immunitaire qu’offre la proximité familiale en cas de transplantation. Cela a déjà été prouvé avec les dons interfamiliaux de reins par exemple.
Autre difficulté dans la perspective d’une grossesse réussie, le développement du placenta. Faute d’un bon développement placentaire, l’enfant à naître est exposé à une venue prématurée et à un petit poids.
Greffe temporaire
Un autre paramètre à prendre en compte dans cette transplantation, c’est que la greffe, en l’état, n’est que temporaire. Les médecins suédois ont prévu d’explanter les deux utérus greffés, après que les deux patientes eurent eu, chacune, deux enfants au maximum. Car ils préfèrent ne pas exposer plus longtemps que nécessaire les patientes au traitement immunosuppresseur antirejet. Ce traitement ne se justifie que pour des greffes vitales et peut s’accompagner de lourds effets secondaires. Cette première sera, en tout cas, suivie avec attention, jusqu’à son épilogue, dans un an.
J.S.
Et l’éthique dans tout ça ?
Dans son parcours vers la greffe d’utérus de mère à fille, l’équipe de médecins suédois s’est frottée, outre les obstacles médicaux, à des questions d’éthique.
Qu’en est-il des risques consécutifs au prélèvement d’organes chez une personne vivante pour une greffe qui n’a rien de vital? On est loin ici de la question de vie et de mort, comme c’est le cas dans les greffes de rein, de foie ou de poumon, où les receveurs sont confrontés à une mort certaine faute de greffe.
En Suède, la question s’est posée et l’autorisation d’une telle transplantation n’a été délivrée par les autorités éthiques du pays que lorsque les chirurgiens ont assuré que leur but était uniquement thérapeutique. L’objectif affiché est de soigner les stérilités dont souffrent des patientes privées d’utérus depuis leur naissance ou pour raisons médicales.
Se pose également le problème de «la location d’utérus» ou encore de «la gestation pour autrui», si d’aventure, l’expérience suédoise réussissait avec la mise au monde d’enfants sains. Sur le plan émotionnel et psychologique, aussi, cette greffe interroge. Quels seront par exemple, les liens entre l’enfant à naître, sa mère et sa grand-mère ? Voilà une des questions, parmi bien d’autres, qui risque de se poser, en cas de succès.