Certaines affaires ont occupé, pendant des semaines, le devant de la scène libanaise avant de tomber dans l’oubli. Elles ont provoqué un choc dans la société et sont restées, longtemps, présentes dans la mémoire des Libanais. Les plus âgés se souviennent certainement du drame du Gardénia. Flash-back.
En 1954, l’affaire, dite du Gardénia, provoque un vif émoi dans l’opinion publique. A l’aube du 23 février, les corps de Jocelyne Moucadié, née Bajart, d’origine française, et de sa femme de chambre, Jamilé, sont retrouvées égorgées dans la villa Moucadié à l’endroit dit le Gardénia, à Hazmié.
En rentrant chez lui à quatre heures du matin, Edouard Moucadié découvre les corps ensanglantés et affreusement mutilés de sa femme et de la gouvernante. Il avait quitté sa villa quelques heures plus tôt pour se rendre au Kit-Kat, la boîte de nuit en vogue de l’époque, qu’il gérait.
L’enquête révèle que l’époux a découvert sa femme Jocelyne couchée sur son lit, la gorge ouverte et, à quelques mètres, la femme de chambre, toutes deux baignant dans une marre de sang. Il a tenté d’appeler les secours mais sans résultat. Il a alors réveillé le jardinier, Khalil Diab, pour lui demander de l’aider à transporter les deux victimes dans sa voiture jusqu’à l’hôpital. Mais c’était déjà trop tard.
En route vers l’hôpital, l’époux est arrêté par un agent de la circulation pour excès de vitesse. Il explique qu’il conduit les corps des deux victimes de l’assassinat à l’hôpital. Mais à l’arrivée, les décès étaient constatés.
La police se présente à la villa. Elle découvre l’arme du crime près du lit, un rasoir qui a servi à égorger les victimes, mais aussi des douilles de calibre 7,65. L’autopsie révèle que Jocelyne Moucadié a été égorgée et atteinte de plusieurs balles et que sa femme de chambre avait été atteinte de plusieurs balles aussi.
Curieusement, de prime abord, aucun vol n’a été constaté dans l’appartement. Les bijoux de la victime étaient toujours là. Le vol est vite éliminé des mobiles possibles. Mais on a pu supposer que les assassins aient été surpris et laissé tout sur place avant de s’enfuir. Il fallait continuer à chercher les mobiles du crime. Bientôt, les suspicions sont orientées vers l’époux. On l’accuse d’être l’instigateur du crime qui a coûté la vie à sa femme et à la femme de chambre. Il est mis, ainsi que le jardinier, à la disposition du juge d’instruction.
Le 13 mars, l’enquête aboutit enfin à l’arrestation des assassins. Il s’agissait de deux demi-frères: Hassib Sayegh (35 ans) et Farid Fayad (20 ans), originaires de Charoun. Ils avouent leur crime. Ils travaillaient depuis quelques semaines sur un chantier près de la villa, ils y sont entrés un jour pour transporter un piano. Ils ont étudié l’endroit.
Ils racontent qu’ils ont alors décidé de pénétrer dans la villa pour trouver de l’argent. Ils s’y sont faufilés durant la nuit et sont entrés dans la chambre de Jocelyne Moucadié. Celle-ci a été réveillée par le bruit. Elle a pris peur en voyant Hassib, un rasoir à la main, et Farid la menaçant d’un revolver si elle ne leur donnait pas de l’argent. Elle leur donne ce qu’elle avait à portée de main: quelques pièces d’or qui ne font pas l’affaire des deux assassins. Ils continent de la menacer. Elle commence alors à crier. C’est là qu’elle a signé son arrêt de mort. Hassib l’attaque avec son rasoir, et lui tranche la gorge, alors que Farid tire quelques balles, avant de s’aviser que la femme de chambre avait été témoin de la scène. Il tire sur elle et la tue sur le coup. Les deux assassins s’emparent du sac de la victime, de son collier et de ses boucles d’oreilles et prennent la fuite. Hassib avoue qu’il a tué pour voler. Mais le faible butin avait eu un prix énorme.
Aussitôt, l’époux meurtri par le doute qui avait plané sur lui et par la perte de sa femme, est libéré. Le mystère est élucidé. Le verdict est vite prononcé. Les deux assassins sont condamnés à la peine capitale.
A.K.
N.B. : Les informations sont tirées de «Le Mémorial du Liban: Le mandat de Camille Chamoun» de Joseph Chami
Pendaison des assassins
Arrêtés le 13 mars 1954 et jugés bien vite après leurs aveux, les deux assassins sont condamnés le 3 avril à la peine capitale. Ils présentent un recours en grâce, rejeté quatre jours plus tard. Ils sont pendus le 10 avril devant 50000 personnes sur l’esplanade du Palais de Justice.