Il est toujours plus facile, lorsque l’on n’assume pas des responsabilités, et que, par conséquent, l’on n’a pas de comptes à rendre, de s’ériger en donneur de leçons. Il est plus aisé de se livrer à la surenchère quand on n’est pas aux commandes que lorsque l’on est appelé à prendre, tous les jours, des décisions qui engagent le destin d’un pays et qui influent sur l’avenir de millions de personnes.
Il faut avoir ces réalités en tête en écoutant Mitt Romney disserter sur la politique étrangère des Etats-Unis et accuser son rival démocrate d’être mollasson.
Face à la «passivité» du président sortant, le candidat républicain promet des solutions miracle, basées sur les muscles et les super-budgets militaires.
Une bonne partie de son discours électoral est construite autour de la fausse accusation que Barack Obama a «laissé tomber» Israël, oubliant que l’aide militaire, le soutien financier et l’assistance technologique, fournis par l’actuel président à l’Etat hébreu, n’ont jamais été égalés par ses prédécesseurs. En fait, Mitt Romney reproche au locataire de la Maison-Blanche de résister aux pressions -qui frôlent les injonctions- de Benjamin Netanyahu, pour le pousser à couvrir et participer à une attaque préventive contre l’Iran. Accepterait-il, s’il siégeait au Bureau ovale, de s’engager dans une guerre dont les objectifs et les conséquences ne serviraient pas nécessairement les intérêts des Etats-Unis?
Mitt Romney plaide donc pour un alignement total de la politique étrangère américaine sur celle d’Israël, même au détriment des intérêts nationaux des Etats-Unis. Un phénomène mis en évidence dès 2006 par les chercheurs John Mearsheimer et Stephen Walt, dans leur remarquable ouvrage sur l’influence du lobby israélien dans les orientations de la politique étrangère américaine. Un travail qui leur a coûté leur emploi, il faut le rappeler.
Mitt Romney n’est pas en reste sur le dossier du processus de paix au Proche-Orient. Il affiche un mépris absolu pour les Palestiniens, avec qui la paix «est impensable», peut-on l’entendre dire dans une vidéo filmée à son insu. En d’autres termes, Israël n’a pas l’obligation de rendre les terres qu’il a volées et la situation de conflit et de guerre avec les Palestiniens est appelée à durer ad vitam æternam.
Mitt Romney a exploité à fond l’attaque du consulat américain de Benghazi, au cours de laquelle l’ambassadeur Christopher Stevens a été tué. Il estime que «les attaques contre l’Amérique, le mois dernier, ne doivent pas être prises pour des actes isolés. Elles illustrent la lutte plus large qui traverse tout le Moyen-Orient, une région qui vit son bouleversement le plus profond depuis un siècle.» Le camp républicain a dénoncé la réaction de l’Administration Obama après l’attaque de Benghazi, et le fait d’avoir attendu plusieurs jours avant de la qualifier de «terroriste» et de sous-estimer les menaces anti-américaines.
Ces propos sont destinés à la consommation interne car ils n’apportent aucune idée constructive et nouvelle. Pas plus d’ailleurs que ses critiques contre ce qu’il appelle la stratégie d’«espoir» de Barack Obama. Là, le candidat républicain se fend d’une esquisse de stratégie: «Nous ne pouvons pas aider nos amis et battre nos ennemis si nos paroles ne sont pas appuyées par des actes et si la perception de notre stratégie n’est pas celle d’un partenariat mais celle d’une passivité». Traduit en realpolitik, cela ne veut absolument rien dire. Partenariat avec qui? Contre qui? Comment?
S’il est élu président, Mitt Romney promet de renforcer les sanctions contre l’Iran pour l’empêcher de développer des capacités nucléaires militaires. Il subordonnerait l’aide financière à l’Egypte au respect du traité de paix avec Israël, augmenterait le budget américain de la Défense. Et, cerise sur le gâteau, il fournirait des armes aux rebelles syriens. Sur ce dernier point, l’actuelle Administration l’a devancé. Car les livraisons d’armes via l’Arabie saoudite et le Qatar –en plus de tous les autres pays qui ne l’ont pas reconnu officiellement- n’auraient jamais pu se faire sans le feu vert des Américains.
Concernant l’augmentation du budget militaire, Mitt Romney ne semble pas connaître les chiffres des déficits américains. Sauf s’il compte sur les bons du trésor achetés par la Chine pour financer la dette américaine.
Sur l’Iran, l’actuelle Administration a développé le régime des «sanctions intelligentes», douloureuses et efficaces, et qui commencent à donner leur fruit. Mais il n’est pas sûr qu’elles feront plier Téhéran. C’est d’ailleurs fortement improbable.
Mitt Romney est à cours d’idées. Son discours veut se donner des semblants d’une force qui n’est qu’illusoire, car avec des muscles ramollis et des caisses vides, il ne peut plus mener le monde avec le bâton et la carotte.
Paul Khalifeh