Magazine Le Mensuel

Nº 2867 du vendredi 19 octobre 2012

Diaspora

Ghada Ghanem, soprano. «Des Etats-Unis, un aller simple au Liban»

La soprano Ghada Ghanem se produira prochainement à la Columbia University et au Detroit Symphony Hall avec l’Orchestre arabe de New York. Ce ne sont pas les premiers concerts en Amérique d’une artiste  réputée dans le milieu de la musique sur le Nouveau Continent. Entretien avec une femme fidèle avant tout à ses racines libanaises.

Quels répertoires comptez-vous interpréter lors de vos prochains concerts à la Columbia University et au Detroit Symphony Hall?
Je chanterai le même répertoire durant les deux concerts à la Columbia University et au Detroit Symphony Hall avec l’Orchestre arabe de New York, sous le bâton de Bassam Saba. Le répertoire vocal est constitué des compositions de Farid el-Atrache, les frères Rahbani, Philémon Wehbé, Riad el-Soumbati. Je crois également que des compositions instrumentales de Bassam Saba seront aussi au programme. Les chansons sont un mélange du «mawal» et du «mouachah», la «taqtouqa», la chanson classique et la «qasida». Nous avons choisi un programme varié, surtout nostalgique, que le public arabe américain apprécie.

 Etes-vous impatiente de rencontrer de nouveau ce public?
C’est avec grand plaisir que j’ai accepté l’invitation de chanter avec l’Orchestre arabe de New York et de voir combien notre musique orientale est devenue à l’air du temps aux Etats-Unis, surtout parmi les jeunes musiciens américains qui font la majorité de cet orchestre. J’aimerais bien saluer Simon Shaheen qui m’a introduite en premier sur la scène de la musique vocale orientale aux Etats-Unis dans les années 90. Il a aussi le mérite d’avoir haussé en Amérique les rangs de la musique orientale classique à un niveau universitaire et théâtral. Elle ne passe plus seulement dans des endroits comme les night-clubs et les restaurants.
 

Quelles ont été les conséquences de votre retour au Liban sur votre parcours professionnel?
Quand j’ai décidé de rentrer au Liban en 2000, j’avais acheté un «aller simple». Je savais pourtant que la scène artistique libanaise était limitée mais j’avais besoin d’être parmi les artistes vivant au Liban et qui voulaient aider à reconstruire notre pays. Je suis la seule dans ma famille qui a décidé de retourner au bercail. Tous mes frères sont restés aux Etats-Unis. Ma carrière au Liban, c’est moi qui l’ai construite indépendamment, puisque je ne suis affiliée à aucun courant politique. En même temps, je suis professeure de chant au Conservatoire national libanais de musique. Je chante régulièrement avec l’Orchestre philharmonique libanais et avec l’Orchestre arabe national libanais et j’adore être en contact avec la jeune génération à travers l’enseignement. Par ailleurs, depuis mon retour, j’ai déjà enregistré cinq albums. Le sixième, Lavender Lullabies, ou Les berceuses de Lavande, sortira en décembre prochain.

Grâce à votre carrière, vous avez eu la chance de chanter un peu partout. Quels concerts vous ont marquée le plus?
J’ai chanté au Japon, en Angleterre, en France, aux Etats-Unis, en Syrie, en Jordanie… Il y a deux concerts qui m’ont beaucoup touchée. Le premier a eu lieu en 1999 durant le festival de Babylon en Irak; dans le même endroit où se trouvaient les jardins suspendus. Et le second s’est tenu en 2002 à Beyrouth, et précisément sur le toit de l’Hôpital américain (AUH). Ce jour-là, j’avais invité tous les patients de l’hôpital pour leur chanter en direct.

Récemment, vous avez fondé la plateforme Beirut Underground Opera. En quoi consiste-t-elle?
C’est une idée à laquelle j’avais pensé depuis quelques années. Je voulais créer une plateforme virtuelle dédiée à tous les jeunes qui aiment avoir plus d’informations sur l’opéra et qui veulent nous faire découvrir leur talent sur Facebook, surtout qu’il n’y a pas beaucoup d’intérêt dans les médias libanais pour ce genre de chant. Beirut Underground Opera invite tous les jeunes talents d’origine arabe à la joindre aussi bien que toutes les autres personnes intéressées à voir un opéra à Beyrouth, mais «above ground».

 

Propos recueillis par Pauline Mouhanna (Etats-Unis).
 

Pour découvrir la soprano Ghada Ghanem, se rendre sur son site: http://www.ghadaghanem.com
Pour écouter certaines des chansons qu’elle va chanter durant ses deux concerts, aller sur YouTube: http://www.youtube.com/watch?v=sOal9pma8xU http://www.youtube.com/watch?v=_81CHlzc_bM   http://www.youtube.com/watch?v=wKQKypfG0pE

Bio en bref
Après ses études scolaires, Ghada Ghanem rejoint le Conservatoire national libanais où elle obtient un diplôme en Chant classique et en Opéra. Durant la guerre libanaise, elle poursuit ses études aux Etats-Unis, notamment à l’Université Rice à Houston. Elle obtient alors, en 1991, une maîtrise en Musique et en Performance vocale. En 1992, elle s’inscrit à l’Institut américain d’études musicales (Aims) à Graz, en Autriche. Après l’Europe, elle déménage à New York City et remporte en 1995 le Prix d’encouragement de la société Wagner. Parallèlement à l’opéra, elle élargit son répertoire de la musique classique arabe et se produit avec le groupe de Simon Shaheen un peu partout aux Etats-Unis, comme l’Université de Georgetown… En 2000, elle rentre au Liban, enseigne au Conservatoire national libanais de musique et crée la plateforme Beirut Underground Opera. 

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