Depuis le 16 juillet 2012 il est député grec-orthodoxe des Forces libanaises pour la région de Koura, à la suite d’une élection partielle organisée au Nord après le décès du député Farid Habib. Dentiste de profession, il ferme son cabinet pour se consacrer entièrement à sa mission. Portrait de Fadi Karam.
C’est au Nord qu’il est né et a passé sa vie entre Koura et Tripoli, où il a fait ses études scolaires à l’école américaine de Tripoli, avant de se rendre en Roumanie où il a passé quelques années pour faire des études de médecine dentaire. A son retour, il ouvre une clinique dans la capitale du Nord. Fadi Karam a toujours vécu dans une ambiance où on accordait une grande importance aux études, à la science et à la culture. Il ne fait pas partie des familles politiques traditionnelles et son père ne s’est jamais mêlé de politique. «Il m’a toujours conseillé de rester loin de la politique mais il me disait aussi, quelle que soit ta décision, applique-la sérieusement», confie Karam. Dès son plus jeune âge, le nouvel élu s’est intéressé au service public. «Au premier instant où je me suis intéressé aux questions nationales, en traversant la guerre civile, en constatant les destructions et en voyant s’effondrer l’Armée libanaise, j’ai été attiré par la politique. Mais à l’époque, celle-ci représentait pour moi une culture et une lecture», estime le député du Koura. Il ne fait pas partie de ceux qui ont combattu et il ne s’est jamais inscrit dans un parti politique, mais il vivait dans une ambiance dominée «par la partie que je n’appuie pas», dit-il. «J’avais pourtant des contacts avec tous les milieux politiques et j’ai toujours cru à la coexistence et à la possibilité d’une interaction positive entre toutes les parties sur le plan politique ou confessionnel».
Il se lance dans l’action sociale dans le cadre de l’Ordre des dentistes du Nord, où il a été membre dans différentes commissions avant d’être élu, en 2005, à la présidence de l’Ordre. «Cela m’a encouragé à agir en politique, les deux domaines étant liés», estime le député. Il a toujours appuyé les thèses des Forces libanaises sans toutefois connaître personnellement Samir Geagea. «J’ai rencontré Dr. Geagea en 2005, après sa sortie de prison, aux Cèdres. Je lui ai manifesté mon soutien et ma volonté de collaborer avec lui dans la reconstruction du parti», raconte Karam. Son action politique effective ne commencera qu’en 2008, quand son mandat à la tête de l’Ordre des dentistes prend fin et il devient alors responsable de toutes les activités culturelles et éducatives des FL au Koura et représente dans diverses occasions Samir Geagea au Nord. En 2010, suite à une décision du parti, il devient le coordinateur des professions libérales au Nord dans les FL. «J’ai attendu la fin de mon mandat de président de l’Ordre des dentistes pour exercer toutes ces fonctions, car en tant que président, je tenais à travailler», précise Karam. Fortement influencé par les valeurs de Charles Malek il décide, dès l’instant où il se porte candidat, de représenter les FL d’une manière à rester en accord avec sa propre personnalité et conformément à ses principes. «Je crois aux valeurs humaines et surtout au respect de l’autre, un respect réel qui se traduit dans les actes pas seulement dans les paroles et une tentative de convaincre non seulement les adversaires mais aussi les alliés d’adopter une manière civilisée dans les échanges», dit-il. Malgré sa courte expérience parlementaire, Fadi Karam n’est ni surpris ni déçu par le niveau politique car sa connaissance des politiciens est ancienne. «Je savais à quoi m’attendre car j’ai des amis dans les deux camps et il m’arrivait souvent d’avoir de grandes discussions avec eux. Nous avons besoin de gens qui croient qu’une solution politique n’est pas un gain quotidien mais un projet auquel on travaille. Je suis convaincu que l’on peut arriver à des dénominateurs communs surtout si l’on s’entend sur le fait qu’on ne peut pas changer la face du Liban qui doit demeurer le Liban-message, le pays de la coexistence», affirme-t-il.
Parlant de la peur que ressentent les chrétiens, le député du Koura estime que le grand danger qui les menace est en eux-mêmes. «S’ils pensent que la solution réside dans la fuite et l’émigration, ils commettent une grave erreur. Chaque chrétien doit croire que cette terre lui appartient et qu’il a un rôle à jouer dans la construction de la société. Je suis totalement convaincu que l’avenir sera favorable aux chrétiens car le développement des événements va dans un sens positif et dans l’intérêt des libertés, ce qui leur donnera la possibilité de vivre en harmonie avec toutes les parties. Ceci n’est pourtant pas facile. Ceci demande une lutte et des sacrifices. Je suis sûr qu’il n’existe pas un plan d’attaque contre les chrétiens dans les pays arabes, bien au contraire ceux-ci ont totalement conscience de l’importance de la présence des chrétiens dans la région».
Son épouse Julie Najem, à moitié européenne, a vécu une grande partie de sa vie à l’étranger. Elle a fortement contribué à l’ouverture d’esprit de Fadi Karam. Il est père de deux garçons: Marc Abdallah (16 ans) et Matthew (12 ans). «Ma relation avec eux est très amicale. Elle est basée sur le dialogue et la franchise. Mes nombreuses occupations ne me donnent plus l’occasion de leur consacrer beaucoup de temps», se désole Karam. Depuis son élection, il a fermé son cabinet dentaire. «Je suis sérieux dans tout ce que je fais. Aujourd’hui je n’ai plus le temps d’accorder aux patients l’importance qu’ils méritent, sans parler des conditions sécuritaires. Je me consacre entièrement à ma tâche de député», souligne-t-il. Totalement engagé en politique, il est prêt à se présenter aux élections si le parti en décide. Mais y aura-t-il des élections en 2013? Une question à laquelle seul l’avenir nous apportera une réponse…
Joëlle Seif
Ce qu’il en pense
-Technologie: «Je possède une page sur Facebook et un compte Twitter mais je ne m’en occupe pas faute de temps, mais je considère que ce sont de très grands moyens de communication qui assurent le maintien des relations sociales, réduisent les distances et transmettent les idées d’une belle manière».
-Loisirs: «Je viens d’une famille de sportifs car mon père était professeur de sport. Dans ma jeunesse je jouais de manière professionnelle au basketball, football et volleyball. J’aime marcher dans la nature et j’essaie toujours de le faire malgré un emploi de temps très chargé, surtout que j’ai pris du poids dernièrement. Je lis également beaucoup d’ouvrages sur la philosophie, les sciences politiques et l’histoire. Je retiens également beaucoup de proverbes et de citations que je note sur un carnet».
-Sa devise: «Ce qui me gêne c’est le manque de sérieux et non pas le rejet de la responsabilité, l’hésitation et non pas la lenteur, la peur de l’échec et non pas l’échec lui-même. Ce qui me gêne c’est la concurrence négative et non pas positive, c’est l’insolence et non pas la franchise, la mauvaise compréhension et non pas la différence d’opinion».
Limitation de liberté
Le souhait du député de Koura est que l’action politique soit positive, une compétition entre les différentes parties en vue du meilleur. «Il faut que l’homme politique devienne libre d’exercer son activité sans peur. Je suis très gêné par la limitation de ma liberté et de mes mouvements pour des raisons sécuritaires et par la présence des gardes du corps. J’évite de sortir et lorsque je le fais je suis dérangé par l’idée que des gens m’attendent dehors dans le froid ou dans la chaleur. Je ne peux même pas me rendre seul au supermarché. Mon vœu le plus cher est de pouvoir circuler un jour tout seul tranquillement dans la rue».