Quelques minutes après l’annonce de l’attentat qui a visé Wissam el-Hassan, la presse étrangère, les sites alternatifs et les réseaux pullulaient de conjectures sur ses commanditaires. Petit aperçu du foisonnement de la Toile.
Juste après la mort du chef des services de renseignements des FSI, le général Wissam el-Hassan, la presse internationale brossait à peu près le même portrait. Reprenant les dépêches d’agence, elle explique, comme dans le journal Le Monde que «ce musulman sunnite était un proche de Saad Hariri, chef de l’opposition libanaise hostile au régime de Damas, pressenti pour prendre la tête des FSI à la fin de l’année. Il avait dirigé l’enquête qui a conduit, en août, à la mise en examen de l’ancien ministre Michel Samaha et de deux Syriens, poursuivis pour complot en vue de faire exploser des bombes préparées en Syrie dans le but d’inciter à la violence religieuse» au Liban. Tous rappellent son rôle dans l’enquête sur l’assassinat de Rafic Hariri et dans l’acheminement d’armes aux rebelles syriens, via le Liban.
Deux heures seulement après l’assassinat, The Washington Post donnait les cinq raisons qui pourraient expliquer la mort de Hassan. Quelques minutes avant, sur Twitter, Michael Ross, un ancien agent des services israéliens, déclarait que «le Hezbollah voulait la peau de Hassan depuis longtemps. La Syrie lui a donné une bonne excuse». Mais sur son blog, le journaliste du Figaro Georges Malbrunot, spécialiste de la région, cite un agent des renseignements français, qui privilégie plutôt la piste d’une manipulation par le service de Hassan, expliquant que «Samaha était bien trop malin pour se laisser embarquer en personne dans une telle opération», affirme un agent. Ce ne serait pas la première fois que celui-ci trempe dans un tel montage: après l’assassinat de Rafic Hariri, le service des FSI avait déjà fabriqué un faux témoin à charge contre Damas, en la personne de Zouheir Siddiq, avec la collaboration d’autres services dans la région, lesquels se retrouvent aujourd’hui comme par hasard engagés dans la lutte pour faire tomber Bachar el-Assad en Syrie.
Elias Muhanna, professeur à l’Université américaine de Brown et blogueur de l’actualité politique libanaise, écrivait en août dernier au moment de l’affaire Samaha, qu’il semble «se dérouler une guerre silencieuse entre les différentes branches libanaises du renseignement. Jusqu’à présent, il y a eu peu de victimes publiques de cette guerre, mais si les enjeux ne cessent d’augmenter, cela peut changer rapidement». Dans le cercle des contempteurs des monarchies pétrolières, les accusations vont bon train. Ainsi, Angry Arab explique que Hassan «a été chargé par le renseignement saoudien de faciliter l’armement et le financement de l’Armée syrienne libre au Liban. Cet ancien garde du corps de Rafic Hariri est rapidement monté en grade et est devenu le chef d’un appareil sécuritaire principalement sunnite qui a reçu des dizaines de millions de financement américain occulte».
L’écrivain et journaliste René Naba dessine une ligne partant de Johnny Abdo, ancien chef du service des renseignements de l’Armée libanaise, jusqu’à Bandar Ben Sultan. «L’élimination du chef d’un service de renseignements à la dévotion de la famille Hariri paraît devoir fragiliser considérablement le leadership politique du clan Hariri au Liban, rendant même problématique le retour dans l’immédiat à Beyrouth du chef du clan, l’ancien Premier ministre Saad Hariri, en exil depuis le début du «Printemps arabe», il y a deux ans.
Personnage clé des opérations de déstabilisation anti-syriennes, interlocuteur privilégié des services français et américains, artisan de l’arrestation de l’ancien ministre libanais prosyrien Michel Samaha, maître d’œuvre du rapprochement franco-syrien sous la présidence de Nicolas Sarkozy, Wissam el-Hassan était surtout et avant tout la dague sécuritaire du dispositif régional saoudien. Son assassinat revêt dans cette perspective un magistral camouflet au maître d’œuvre de la contre-révolution arabe, le prince Bandar Ben Sultan, le chef des services de renseignements saoudiens en ce qu’elle le prive de l’un de ses plus fidèles lieutenants».
Julien Abi Ramia
Le jour d’après
Ceux qui pointent les accointances de Wissan el-Hassan avec l’Arabie saoudite sont les mêmes qui, après la manifestation autour du Sérail, ont pointé la forte présence d’islamistes. Le blogueur Nidal postait lundi ce message ironique. «La question que tu ne dois surtout pas te poser: mais pourquoi diable des salafistes brandissant le drapeau d’al-Qaïda étaient-ils aux funérailles à Beyrouth et pourquoi des jihadistes obligent-ils la population de Tripoli à «pleurer la mort» de celui qui, officiellement, était censé lutter contre les groupes islamistes armés au Liban?»