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Nº 2869 du vendredi 2 novembre 2012

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Edmonde Charles-Roux présidente de l’Académie Goncourt «Pour l’égalité mais pas pour l’agressivité»

Une femme d’action qui défend avec acharnement de grandes causes. Edmonde Charles-Roux milite pour les droits de l’Homme et, notamment, ceux de la femme. A 92 ans, elle a ce style qui la caractérise, celui d’une femme libre qui assume ses choix. Rencontre avec  la  présidente de l’Académie Goncourt, personnalité hors norme.

L’Académie Goncourt est l’invitée d’honneur du Salon du livre francophone. Quelle place occupe le Liban au sein de la grande famille francophone?
On peut dire que, pas à pas, la place qu’occupe l’Académie Goncourt est devenue d’année en année plus importante. Elle se situe en opposition de l’Académie française qui occupe un magnifique palais sur les bords de la seine. Nous, nous n’avons pas de bâtiment. Nous nous réunissons dans un restaurant. Nous n’avons pas d’uniformes. Nous n’avons pas de capital. Nous vivons comme des nomades depuis 1904. L’Académie Goncourt compte dix membres qui se réunissent le premier mardi du mois au restaurant Drouant, dans le 2e arrondissement de Paris. On ne pose pas sa candidature à l’Académie Goncourt: les académiciens se donnent le temps de discuter entre eux pour choisir un écrivain à qui ils proposent de se joindre à la Compagnie.
Pour en revenir à votre question, Le Liban occupe une des premières places du fait de la langue. Le français étant énormément utilisé dans ce pays. Les Libanais connaissent la langue et ne l’abîment pas en l’utilisant.
 
Qu’est ce qui fait que le prix Goncourt est le plus prestigieux des prix de littérature française?
C’est le fait qu’il est libre et ne dépend pas d’une subvention du gouvernement. Ce sont aussi les critères pris en considération: nous ne couronnons que les romans placés si possible dans leur époque avec un regard sur la société contemporaine au roman.

Comment jugez-vous le niveau des romans libanais?
 Très bon. Amin Maalouf,  à titre d’exemple, est un écrivain à part entière, ce n’est pas un accident de parcours.

Militante passionnée pendant la Deuxième Guerre mondiale, vous faisiez partie de la résistance française. Vous avez défendu par ailleurs les droits de la femme et contribué à son évolution. Quel rôle peut jouer la femme arabe dans les bouleversements qui secouent le Moyen-Orient?
Si cela ne dépendait que d’elle, tout aurait été différent. Il ya un barrage, une volonté de ne pas laisser passer la femme, de la stopper. Ce n’est pas forcément méchant. Mais il y a une habitude qui fait que la femme doit être au second rang. Quand elle est numéro «un», elle étonne et cela ne fait pas forcément plaisir. Mais cela s’améliore partout au monde. Le nombre et la qualité des femmes remarquables qui viennent de rentrer au gouvernement en France constituent un exemple flagrant. Je  dirais tout simplement à la femme: veille à ce que tu aies à gagner la première place. C’est une véritable bataille mais qui doit être gagnée de façon pacifique. Les femmes doivent être prêtes à affirmer leur liberté, à tenir la place qui leur revient avant qu’on la lui octroie. Les hommes doivent écouter ce que les femmes ont à dire. Cela est une nécessité pour l’avenir des enfants, des sociétés, de la culture.

Epouse d’un éminent politicien –Gaston Defferre, plusieurs fois ministre sous les IVe et Ve Républiques- qu’est ce que cela vous a apporté?
Le fait d’être sa femme m’a ouvert beaucoup de portes. Par exemple, les femmes socialistes françaises, quand elles ont su que je me mariais avec lui, sont devenues très amicales et presque familiales. J’ai eu une chance formidable d’être si bien entourée et cela m’a donné l’énergie d’entreprendre tout ce que j’ai entrepris.

Que retenez-vous de votre expérience en tant que rédactrice en chef du magazine Vogue?
La connaissance de l’Amérique et précisément de New York, ce qui pour une jeune Française est inhabituel. J’avais à 20 ans une liberté qu’avaient les femmes de 40 ans. Cela m’a ouvert beaucoup d’horizon sur le plan culturel.

Daniele Gerges

Bio en bref…
Fille de l’ambassadeur de France, François Charles-Roux, Edmonde Charles-Roux est infirmière volontaire pendant la Seconde Guerre mondiale, elle est blessée à Verdun en portant secours à un légionnaire. Elle entre ensuite en résistance, toujours en tant qu’infirmière. En 1945, elle est décorée de la croix de guerre, promue chevalier de la Légion d’honneur, elle reçoit la distinction de «vivandière d’honneur» du régiment de marche de la Légion étrangère. La guerre finie, Edmonde Charles-Roux retrouve la vie civile et entre à la rédaction du magazine Elle. Elle s’occupe de l’édition française de Vogue et en devient la rédactrice en chef. Elle signe sa première œuvre, Oublier Palerme et obtient le prix Goncourt. C’est alors qu’elle rencontre Gaston Defferre et l’épouse en 1973. Plusieurs fois ministre, il donne son nom à deux lois importantes, la loi-cadre de 1956 portant sur la décolonisation en Afrique et la loi sur la décentralisation. Edmonde Charles-Roux connaît ensuite une carrière littéraire prestigieuse, ce qui lui permet de devenir membre de l’Académie Goncourt en 1983, puis présidente en 2002. En parallèle, elle s’implique auprès des légionnaires les plus démunis et reçoit en 2007 le grade de caporal d’honneur de la Légion étrangère.

Le prix Goncourt
Pour ses 20 ans et pour la première fois au Moyen-Orient, le Salon du livre francophone accueille en invitée d’honneur, l’Académie Goncourt. Six de ses membres -Edmonde Charles-Roux, Tahar Ben Jalloun, Didier Decoin, Pierre Assouline, Bernard Pivot et Régis Debray-  sont donc à Beyrouth pour participer aux différents débats organisés, rencontrer les étudiants du Choix de l’Orient, tenir des tables rondes avec des écrivains libanais, mais aussi sélectionner les quatre livres parmi lesquels sera choisi le Prix Goncourt qui sera décerné à Paris le 7 novembre. Après maintes délibérations, leur choix s’est porté sur les romans suivants: Peste et choléra (Seuil) de Patrick Deville, récit de la vie d’un homme qui a consacré son existence au progrès dans tous les domaines qu’il a explorés, Alexandre Yersin. La Vérité sur l’affaire Harry Québert (Fallois) de Joël Dicker, jeune romancier suisse déjà lauréat du Grand Prix du roman de l’Académie française. Egalement sur la liste: Jérôme Ferrari pour Le Sermon sur la chute de Rome (Actes Sud), magnifique retranscription de la tragédie humaine dans un bar corse, et Linda Lê pour Lame de fond (Bourgois). Mais le favori semble être Peste et Choléra. Cette leçon d’écriture et de littérature, déjà récompensée par le prix du roman Fnac succèderait à L’Art français de la guerre, d’Alexis Jenni, dont il partage de magnifiques pages sur l’Indochine.
Le prix a une valeur symbolique: 10 euros, mais le livre couronné est assuré d’être en tête des ventes, un prix Goncourt se vendant en moyenne à 30000 exemplaires. Ce prix récompense chaque année un auteur d’expression française. C’est le plus prestigieux des prix de littérature française.

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