Magazine Le Mensuel

Nº 2869 du vendredi 2 novembre 2012

LES GENS

Wu Zexian. Infatigable explorateur

Grand francophone, il avoue être habitué à parler de ses dossiers plus que de lui-même. Depuis son arrivée à Beyrouth, en février 2011, il est tombé sous le charme du Liban et se considère très heureux d’y avoir été muté. Amoureux du pays, il consacre son temps libre à le découvrir. Portrait de l’ambassadeur de Chine au Liban Wu Zexian.

L’ambiance à l’ambassade de Chine est très amicale. Pas de mesures de sécurité draconiennes, où matériel, photographe et journaliste sont passés au peigne fin. Tout sourires, l’ambassadeur arrive brandissant le dernier numéro de Magazine et nous dit de but en blanc être un fidèle lecteur de notre revue. Pour avoir vécu en France et en République démocratique du Congo, il maîtrise parfaitement la langue de Molière, alors qu’il dit posséder un anglais très rudimentaire. L’ambassadeur Wu Zexian a passé de longues années à Paris, où il a occupé diverses fonctions diplomatiques. «J’ai également effectué un stage à l’Ena, dans le cadre d’un programme pour les étudiants francophones. Cet échange entre les Français et les étrangers avait pour but de promouvoir des liens entre les étudiants et d’approfondir leurs connaissances sur un plan personnel en vue d’une meilleure collaboration entre les fonctionnaires. J’ai beaucoup appris au cours de ce stage. Ceci a contribué à faciliter ma tâche car, à l’époque, j’étais en charge des relations bilatérales entre la Chine et la France», confie l’ambassadeur. C’est à Kinshasa qu’il est nommé par la suite. «L’Afrique est différente de l’Europe. Je découvrais alors un monde nouveau, très intéressant et l’avenir prometteur car il restait encore beaucoup à faire», dit-il. Après quatre années passées au Congo, il est muté au Liban. «Mes collègues m’en avaient parlé. Ils m’avaient dit que c’était un pays magnifique et j’ai découvert un véritable bijou. Je suis amateur de beaux paysages et d’histoire et cela ne manque pas au Liban. Je suis ravi de pouvoir y travailler», nous dit le diplomate.
 

Amoureux de la nature
Il consacre ses moments libres à explorer le pays d’un bout à l’autre. «J’ai été au Nord au Sud, à l’Est à l’Ouest. J’ai longé toute la côte. J’ai visité Byblos une dizaine de fois au moins, cinq fois Baalbeck, le Chouf, la vallée de Lamartine… Tout est tellement beau», estime le diplomate. L’impression qu’il a des Libanais est fort positive et c’est avec beaucoup de chaleur qu’il en parle. «Ils sont tous extrêmement gentils, ouverts, chaleureux et hospitaliers. J’adore goûter à la cuisine libanaise, rencontrer de nouvelles personnes. Je suis bien accueilli partout et les gens s’intéressent à la Chine». Il est conquis par le pays et le peuple, à tel point que, depuis qu’il est en fonction, il a déjà amené deux fois visiter le Liban sa fille unique de 25 ans qui vit à Pékin. «Ma fille a beaucoup aimé le pays et ma femme vit ici avec moi. Elle a eu envie de me suivre à Beyrouth», affirme Wu Zexian. Avec beaucoup de tendresse, il parle des instants passés avec sa fille, d’un déjeuner au pied de la citadelle à Byblos, d’une visite aux sites archéologiques de Tyr. «J’ai conduit, raconte-t-il, moi-même la voiture jusqu’à Tyr et nous nous sommes promenés dans la ville. J’ai visité aussi le couvent du Saint- sauveur au Sud». Espiègle, il ajoute: «C’est ainsi que je passe tous mes week-ends! Je suis amateur de tourisme, je joins l’utile à l’agréable. J’aime les Libanais car ce sont de bons vivants et j’essaie de faire comme eux».

40 ans de relation
Nous avons célébré, cette année, le quarantième anniversaire des relations entre la Chine et le Liban et le bilan est très positif selon le diplomate. Le développement de cette relation repose sur les visites réciproques à différents niveaux. L’ancien Premier ministre Rafic Hariri s’était rendu deux fois en Chine ainsi que le président Nabih Berry. De leur côté, des chefs des blocs parlementaires et des ministres chinois sont venus au Liban. «Je prépare actuellement une visite du ministre des Affaires étrangères, Adnan Mansour, en Chine. Il existe également des échanges politiques et diplomatiques, ainsi que des concertations entre les délégations chinoises et libanaises à New York dans le cadre des Nations unies», selon Zexian. Sur le plan économique, les relations entre les deux pays se développent et le montant de ces échanges a atteint un milliard sept cents millions de dollars dernièrement. «Il faut reconnaître qu’il existe un déséquilibre dans cette relation car ce sont principalement les hommes d’affaires libanais qui importent des produits de Chine. Mais nous pouvons développer cette collaboration sur le plan du tourisme en amenant les Chinois au Liban», estime l’ambassadeur. Le développement des relations entre la Chine et le Liban serait donc réalisé par la multiplication des visites à plusieurs niveaux entre les deux pays et une présence chinoise plus affirmée sur le plan de l’économie libanaise. Wu espère aussi voir un jour augmenter le nombre des touristes chinois au Liban à l’instar des pays tels que l’Egypte et la Turquie.
Sur le plan des réseaux sociaux (Facebook et Twitter), Wu Zexian n’y est pas très familier. «De toute façon, ceci prend beaucoup de temps et il faut s’y consacrer. Par contre, j’utilise Internet pour l’échange de mails et pour suivre l’information en continu», dit-il. Sa devise est d’être travailleur, «puisque c’est finalement le but de notre présence ici, honnête, franc et gentil». Des qualités qui ne manquent sûrement pas à l’ambassadeur de Chine…

 

Joëlle Seif


Relations culturelles
Sur le plan culturel, il existe également des échanges entre les deux pays. Des peintres libanais en quête d’inspiration visitent les sites touristiques en Chine et des troupes artistiques chinoises donnent des représentations au Liban. Ces spectacles de danse et de chant, accompagnés d’instruments de musique chinoise traditionnelle, connaissent beaucoup de succès. Cette année, quatre spectacles ont été donnés dont deux à Beyrouth, un à Saïda et un à Tripoli. «Ce genre d’échanges est très favorable. Il faut que les peuples se connaissent davantage. Il y a également des professeurs chinois qui viennent rencontrer leurs homologues libanais», affirme le diplomate. Le Liban accorde cinq bourses aux étudiants chinois pour étudier l’arabe et il existe à Pékin quatre universités qui enseignent l’arabe. Les Chinois qui apprennent cette langue disent  trouver très facilement du travail. Quant à la Chine, elle offre neuf bourses aux étudiants libanais qui veulent y faire leurs études. «Au Liban, il y a actuellement beaucoup d’enfants qui souhaitent apprendre le chinois et nous recevons à l’ambassade beaucoup d’appels à ce sujet. Des étudiants libanais étudient également la médecine chinoise traditionnelle», dit Zexian. Ils épousent souvent des Chinoises et les ramènent au Liban. «Le mélange est très beau et donne des enfants adorables qui parlent couramment les deux langues», déclare le diplomate. L’intérêt porté à la langue chinoise a poussé l’Université Saint-Joseph à créer l’Institut Confucius dont la  mission première est d’enseigner la langue chinoise et de promouvoir la culture chinoise à travers des événements culturels. C’est également un lieu d’échanges libano-chinois.

Ce qu’il en pense
-Le Printemps arabe: «La Chine a des relations amicales avec tous les pays. L’Egypte a été le premier pays arabe à reconnaître en 1956 la Chine et, depuis, nous nous intéressons à la région et nous essayons de développer des relations avec tous les pays. La présence chinoise est importante en Algérie et en Arabie saoudite. Nous suivons l’évolution de la situation mais notre politique est claire: nous ne nous mêlons jamais des affaires intérieures d’un pays. Nous ne nous écartons pas de cette ligne de conduite. Nous respectons le choix de chacun des peuples. Tout le monde veut vivre mieux et ceci est tout à fait légitime, mais il appartient aux peuples de voir comment et de décider de leurs choix. En Egypte par exemple, nous avons eu des liens avec tous les présidents égyptiens et nous allons continuer à le faire avec le président Morsi».
-Risque de guerre régionale: «Elle dépend des décideurs dans la région mais les négociations et le dialogue demeurent la meilleure solution. L’Iran a le droit d’utiliser le nucléaire à des fins civiles. La Chine œuvre en faveur des négociations. Il faut discuter. L’usage de la force mène à des catastrophes. Nous avons vu les victimes innocentes tomber en Irak et en Afghanistan. Nous nous opposons à tout usage de la force».
-Crainte pour les chrétiens d’Orient: «La visite du pape au Liban a démontré que les chrétiens veulent vivre en harmonie avec les autres communautés sans être inquiétés. Il faut vivre ensemble car il est absurde de diviser les êtres humains par des critères superficiels tels que l’ethnie ou la croyance. Ce n’est pas une raison de se séparer et de s’affronter. C’est le même principe également pour les relations internationales. Les gens peuvent vivre ensemble sans se battre. Ceci est valable pour tout le monde. La Chine a publié un livre blanc pour donner un concept de paix à la diplomatie chinoise et calmer les inquiétudes concernant son développement. La Chine ne prétend pas à une hégémonie mondiale. Elle n’a jamais agressé les autres, bien au contraire c’est elle qui fut agressée et envahie».

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