L’histoire du Liban, depuis l’Indépendance, a été ponctuée de crimes qui ont marqué la société par leur atrocité. De ces crimes, les Libanais se souviennent de l’assassinat du jeune bijoutier Antoine Assi.
Le 31 janvier 1968, Antoine Assi, 29 ans, rentrait chez lui en début de soirée. Il ne savait pas ce qui l’attendait. Trois individus le guettaient devant son domicile. Ils se ruent sur lui et le réembarquent dans sa voiture pour l’amener à sa bijouterie. Là, ils l’obligent à ouvrir la porte. Ils entrent et pillent ce qu’ils peuvent en argent et bijoux.
Le jeune homme, pris de court, s’interrogeait sur le sort qui lui serait réservé. Il ne savait pas ce que ses trois ravisseurs feraient de lui après ce qui, de toute évidence, était un vol. Les trois criminels avaient emporté des bijoux estimés à plus de 400000 L.L., une somme énorme pour l’époque. Ils quittèrent la bijouterie dans la voiture, en compagnie de leur victime. Sur la route de Ghazir, les criminels abattent de sang-froid le jeune homme de quatre balles et essaient de le pousser dans un ravin à l’intérieur de sa voiture. Leur tentative ayant échoué, ils abandonnent le véhicule sur le bord de la route avec le corps du bijoutier.
Le lendemain, le pays découvrait avec une très vive émotion et une indignation générale, l’odieux crime. Antoine Assi était le neveu de Habib Abi Chahla, ancien président de la Chambre, et fils de Georges Assi, ancien administrateur de la capitale. L’opinion publique bouillonnait et exigeait de connaître très vite les circonstances du crime.
Enquête rapide
Jamais enquête ne fut aussi rapidement ouverte. Quelques heures plus tard, les forces de sécurité retrouvaient les traces des trois assassins et les cueillaient au domicile d’un de leurs amis. 75% des bijoux volés se trouvaient là et les identités des trois assassins aussitôt dévoilées. Vazken Parsekhian, 20 ans; Hagop Simonian, 26 ans et Melkoun Taoukjian, 26 ans. Ils avouent aussitôt leur crime.
Les investigations permettent de découvrir que Simonian avait un casier judiciaire chargé. Il avait abattu deux mois auparavant un gardien de nuit à Jal el-Dib et organisé une évasion de criminels de la prison de Baabda.
L’affaire est déférée devant la Cour de justice. L’opinion publique, fortement secouée, réclame un jugement rapide et des peines maximales. L’acte d’accusation du juge d’instruction, Atef Fayad, émis le 8 février, soit une semaine après l’arrestation des trois assassins, réclamait la peine de mort pour les trois individus. Le procès s’ouvre le 29 février, en l’absence de l’accusé Hagop Simonian, qui avait allégué d’une maladie. Les circonstances étant ce qu’elles étaient, les procès sont allés très vite. Les criminels ayant avoué leur acte, il n’y eut pas de reconstitution du crime.
Le 16 avril, la Cour de justice condamne à mort Hagop Simonian et Melkoun Taoukjian, coupables de meurtre avec préméditation. Le troisième accusé Vazken Parsekhian est condamné à mort, mais sa peine est commuée en travaux forcés à vie. Il avait été considéré qu’il n’avait pris part qu’à la préparation du crime. Les deux complices qui ont abrité les assassins sont acquittés faute de preuves.
Un public nombreux a assisté au procès. Le frère de la victime, Nadim Assi, était au premier rang. Il attendait que la justice soit faite et que les assassins de son frère soient jugés et condamnés. C’est l’une des rares fois où la Cour de justice prononce un verdict en si peu de temps sous la pression de l’opinion publique.
Arlette Kassas
NB: Les informations de cet article sont tirées du Mémorial du Liban: Le mandat Charles Hélou, de Joseph Chami.
Séance du verdict
La Cour de justice était présidée par Albert Farhat et comprenait les membres Boutros Noujaim, Chafic Hatem, Amine Taleh et Ali Farrane. Le ministère public était représenté par Joseph Freiha, et la partie civile par Georges Philippidès, Bahige Takieddine, Chaker Abou Sleiman, Edmond Gaspard et Roger Assi. La défense fut assurée par des avocats nommés d’office, Ramez Yaacoub, Chafic Haddad, Chawki Boueiz, Rodrigue Houeiss et Chawki Boustany.