Les accrochages à Saïda entre les partisans d’Ahmad el-Assir et ceux du Hezbollah ont fait craindre le pire, dimanche 11 novembre. La perspective d’une fracture supplémentaire entre sunnites et chiites inquiète, malgré l’appel unanime de la classe politique au calme.
Les pluies torrentielles, tombées dimanche sur le Liban, n’auront pas freiné les ardeurs de certains à sortir les fusils. Cette fois, le théâtre des affrontements n’est pas au Nord, à Tripoli, mais au Sud, à Saïda. A l’origine, une sombre histoire d’affiches. Dès vendredi, dans son prêche intitulé Notre paix et leur agression, le cheikh salafiste Ahmad el-Assir, connu pour ses positions clairement anti-Hezbollah, lance un ultimatum aux sympathisants du mouvement chiite dans la ville. Il leur demande d’ôter toutes les affiches à la gloire du parti, disséminées dans Saïda à l’occasion de la Journée des martyrs et de la commémoration de Achoura. Assir et ses partisans souhaitent également que soit déplacé le char israélien exposé sur l’un des ronds-points de Saïda, depuis la guerre de 2006. De leur côté, les autorités, inquiètes, tentent d’apaiser la situation.
Si certains posters sont effectivement enlevés sur les artères principales de la ville, ce n’est pas suffisant au goût de l’imam de la mosquée Bilal Ben Rabah. L’ultimatum de 48 heures arrivant à terme, dimanche, sans être exécuté totalement, les supporters du cheikh salafiste se rassemblent à la mosquée à l’appel de leur leader. Entre-temps, un autre événement intervient. Il concerne le fils d’Ahmad el-Assir, Omar. Celui-ci est interpelé par les FSI, au volant d’une voiture aux vitres fumées. Les officiers l’arrêtent, car le jeune homme, âgé de 15 ans, n’est pas en mesure de présenter de permis de conduire ni l’autorisation du ministère de l’Intérieur de rouler dans un véhicule aux vitres teintées. Cette interpellation n’est visiblement pas du goût d’Assir qui, quelques minutes plus tard, arrive sur les lieux avec quatre véhicules, pour demander qu’il soit libéré. Manu militari, Assir et ses partisans menacent les FSI qui obtempèrent et libèrent Omar.
La preuve par la vidéo
Le cheikh et sa bande, appuyés par d’autres jeunes sympathisants qui les ont rejoints, prennent la direction d’al-Taamir, un quartier pauvre, ouvertement pro-Hezbollah, à proximité du camp palestinien de Aïn el-Heloué. Un portrait de sayyed Nasrallah est déchiré, les premiers coups de feu retentissent. Un jeune Egyptien de 14 ans qui se trouvait au mauvais endroit, Ali Charbini, tombe le premier sous les balles. La fusillade se poursuit, provoquant d’abord la panique parmi les résidants d’al-Taamir, avant d’entraîner des ripostes. L’un des représentants locaux du Hezbollah, le cheikh Zeid Daher tente de calmer la situation, sans succès. Il se prend deux balles, à l’estomac et à l’épaule. Deux hommes, Loubnan el-Izzi et Ali Samhoun, présentés d’abord comme des gardes du corps d’Assir, sont tués. Les violences gagnent du terrain à tel point que des tirs sont également entendus autour du domicile de cheikh Maher Hammoud, le chef du Rassemblement des ulémas musulmans, ou encore dans le quartier d’Abra, fief d’Assir. Au total, les clashs de dimanche auront fait trois morts et sept blessés.
Fort heureusement, l’armée a pu rapidement intervenir et calmer le jeu, en multipliant les patrouilles et les barrages. Car ce qui s’est passé à Saïda aurait pu très vite dégénérer, rendant la situation incontrôlable. Au niveau politique aussi, les appels à l’apaisement se sont aussitôt multipliés.
Si quelques heures après les faits, le cheikh Assir a déclaré que ses militants et lui s’étaient rendus à Taamir pacifiquement pour ôter les affiches du Hezbollah, avant de tomber dans une embuscade, les vidéos réalisées durant les clashs et diffusées par la LBC ou New TV prouvent le contraire. On y voit un véritable assaut de la part des partisans d’Assir, lui-même se réfugiant entre deux voitures. Malgré cela, le cheikh salafiste ira jusqu’à dénoncer, via un communiqué, «une volonté claire de vouloir l’assassiner». Le Hezbollah, lui, ne s’exprime pas sur l’incident.
La fièvre qui s’est emparée de Saïda dimanche inquiète. D’où l’appel de plusieurs personnalités politiques de tous bords, à faire de la capitale du Sud une zone militaire. Le ministre de l’Intérieur qui s’est réuni depuis avec le chef de l’armée Jean Kahwagi a, d’ores et déjà, annoncé que les services de sécurité se montreront fermes «et tireront sur tous les éléments armés qui refusent de coopérer avec les agents déployés sur le terrain». Une fermeté qui n’a toutefois pas empêché les partisans du cheikh Assir de se montrer ouvertement, munis d’armes, lors des funérailles de Loubnan el-Izzi et Ali Samhoun, lundi après-midi.
En filigrane, c’est le spectre d’une fitna qui se profile à Saïda, une discorde entre sunnites et chiites qui pourrait être lourde de conséquences, non seulement pour le Liban, mais pour la région tout entière. Pourtant, pour le cheikh sunnite Maher Hammoud, proche du Hezbollah: «on ne peut pas faire la comparaison avec les tensions également très vives à Tripoli». «Bien sûr, on peut craindre beaucoup d’autres clashs, mais Tripoli est différent de Saïda», explique-t-il à Magazine. Du point de vue géographique, démographique et politique. Cheikh Hammoud se dit favorable tout de même à ce que Saïda devienne une zone militaire. «L’armée doit empêcher toute nouvelle aventure de ce type». Assir, selon lui, est quelqu’un de «très fanatique dans sa vision politique. Il s’imagine que le Hezbollah est contre le sunnisme et la ville de Saïda, mais il se trompe. Il interprète tout comme une agressivité vis-à-vis des sunnites, mais il ment, il sait très bien que ce n’est pas la vérité», juge-t-il sévèrement. «C’est très grave, d’autant qu’il a réussi à convaincre une certaine partie de l’opinion publique», poursuit Hammoud. A l’origine de cette popularité d’Ahmad el-Assir, se trouvent, selon lui, les positions affichées du Hezbollah en faveur du régime syrien. Pour autant, le cheikh salafiste, sous ses dehors d’action individuelle, est de son point de vue, manipulé par des forces extérieures, «comme par un remote control», dit-il.
Une position partagée par Ghassan el-Ezzi, professeur de sciences politiques à l’Université libanaise. Lui, estime que la provocation d’Assir est menée en sous-main par «des forces obscures qui tentent de faire exploser la situation au Liban». «Il y a je ne sais quel service de renseignements étranger derrière cet homme, je pencherai plutôt du côté d’Israël», estime-t-il. «Je vois en tout cas un intérêt commun entre Israël et la Syrie à faire éclater le Liban. Je ne crois pas qu’un autre pays, l’Arabie saoudite ou le Qatar, ait intérêt à cela», juge Ezzi.
Pour autant, les événements de dimanche et l’unanimité de toutes les parties politiques à chercher l’apaisement, prouvent qu’il existe une limite à ne pas dépasser. «Je crois que c’était aussi l’objectif de la visite du président français, François Hollande, de dire que la stabilité au Liban est une ligne rouge à ne pas franchir». Cette position de la France mais aussi des Etats-Unis et de l’Onu, permet à l’Etat libanais, ainsi qu’à l’armée de se doter de la couverture politique nécessaire pour intervenir sur le terrain.
Une nouvelle milice
L’éclatement d’une guerre civile, et encore plus entre sunnites et chiites, aurait de lourdes répercussions régionales. «Saïda n’a pas la même configuration que Tripoli, mais sur le plan symbolique, ce qui s’est passé est plus dangereux, car la ville est la porte du Sud, c’est sur les terres du Hezbollah, et en même temps il y existe une mixité confessionnelle», explique Ezzi. A l’instar des Occidentaux, «le Hezbollah ne veut pas d’une guerre civile», juge-t- il. «Le Hezbollah n’a ni l’intérêt ni la volonté de participer à une fitna, car au Moyen-Orient, les chiites sont minoritaires. Par ailleurs, le parti a déjà essuyé beaucoup de pertes politiques à cause de ses positions à l’égard de la Syrie. Une guerre ne ferait qu’achever le Hezbollah», estime cet analyste. «Ce serait une joie pour Israël de voir le Hezbollah tomber dans une guerre interne au Liban».
Quant au phénomène hautement médiatique -et médiatisé- Ahmad el-Assir, Ezzi souligne qu’il tente sans doute de «récupérer le leadership sunnite, en jouant sur les déceptions de quelques-uns avec des discours populistes». En l’espace de quelques mois en effet, ce salafiste que personne ne connaissait, a fait de la lutte contre le Hezbollah son cheval de bataille. Et cette lutte risque de prendre un tournant encore plus dangereux dans les semaines et les mois qui viennent. Assir a affirmé devant ses partisans vouloir créer, lui aussi, une milice armée pour «lutter contre le projet iranien et ses alliés». Une milice dirigée par Khaled Kablaoui, qui serait d’ailleurs déjà en gestation, depuis quelques semaines. Les entraînements ayant lieu au Liban-Nord.
Avec l’apparition de cette nouvelle frange armée au moment où la situation sécuritaire est plus que tendue, les heurts devraient se poursuivre et continuer de rythmer le quotidien des Libanais. Jusqu’à quand? «Tout dépendra de l’issue de la crise syrienne et de ce qui se passera ensuite en Syrie, ainsi que de qui sera alors au pouvoir», juge Ghassan el-Ezzi, qui présage encore de nouveaux accrochages, sans que, malgré tout, la situation n’explose totalement.
Jenny Saleh
Nasrallah: «Tant pis pour eux»
Dans son discours prononcé à l’occasion de la Journée des martyrs, sayyed Nasrallah a balayé l’idée d’un cabinet neutre, arguant qu’une «telle formule n’existe pas et n’a aucun sens au Liban, où tout est politisé». «A Doha, nous avons réclamé un gouvernement d’union, et après la désignation de Najib Mikati, nous avons prôné un gouvernement d’union. Mais c’est l’autre camp qui refuse», a-t-il dit. Très critique à l’égard du chef des FL, Samir Geagea, qu’il n’a pas nommé, Hassan Nasrallah a dénoncé «ceux qui veulent faire oublier leur passé de collaboration avec Israël et ceux qui cherchent à provoquer une confrontation sunnite-chiite dans le pays».
Concernant le refus du 14 mars de revenir à la table du dialogue, Nasrallah a déclaré que «La Résistance fait preuve de grandeur d’âme en acceptant de dialoguer avec ce genre de personnes qui boycottent le dialogue. Quand ils voudront reprendre le dialogue, ils seront les bienvenus, sinon tant pis pour eux».
Commentant la situation à Saïda, Nasrallah a appelé les chiites comme les sunnites à être patients et surtout, à faire preuve de retenue. «Saïda est la capitale du Sud et reste celle de la Résistance».
Entre Farès Souhaid et les Kataëb
Tout n’est pas réglé
Certes, le geste en lui-même ne peut être perçu que comme une main tendue, un appel à tourner la page de la mésentente et à redémarrer sur des bases saines. C’est ainsi que la visite du secrétaire général du 14 mars à Bickfaya, Farès Souhaid, en début de semaine, a été interprétée. Mais suffira-t-elle à assainir durablement l’ambiance?
Les différends entre le parti Kataëb et le secrétariat général du 14 mars ne sont pas nouveaux. Les Gemayel, père et fils, ont multiplié, en effet, les prises de position contradictoires avec la ligne de conduite choisie par la coalition de l’opposition, depuis près de trois ans. Le parti Kataëb s’est ainsi distingué de ses alliés en ce qui concerne le tiers de blocage au gouvernement, la déclaration ministérielle, l’accord avorté entre la Syrie et l’Arabie saoudite, pour arriver, plus récemment, à des désaccords de fond, sur le dialogue national et sur le mode de fonctionnement du secrétariat général du 14 mars.
Pour unifier les rangs
Il semblait même, lors du dernier passage du jeune député Sami Gemayel à l’émission Kalam el-nas, de la LBC, que la hache de guerre était loin d’être enterrée. L’ancien député Souhaid avait en effet cité nommément le jeune parlementaire en des termes très critiques, quelques fois même, vifs. Le secrétaire général du 14 mars avait affirmé que Sami Gemayel avait une vision «fédérale» du Liban, qui ne cadrait pas avec la vie en commun préconisée par le mouvement de l’opposition. Il avait même jugé, en termes clairs, le comportement de Gemayel comme manquant de modestie. La réponse s’est évidemment faite sur le vif et l’écart paraissait trop creusé pour laisser entrevoir une détente.
Elle est pourtant arrivée il y a quelques jours, à l’occasion de la visite de Souhaid à Bickfaya, où il a été reçu par Sami Gemayel et le secrétaire général du parti Kataëb. Une rencontre longue et fructueuse, si l’on se fie à l’ambiance positive qu’ont voulu afficher les deux hommes. L’idée de base, à travers le rapprochement, est bien entendu d’essayer de dépasser les différends pour unifier les rangs. Car, au final et au-delà des différences de ton et de stratégie, le parti Kataëb et la coalition issue du 14 mars œuvrent dans le même sens: combattre les armes illégales, promouvoir la défense d’un système démocratique, défendre le Tribunal spécial pour le Liban, etc.
L’urgence d’un rapprochement et d’une réinsertion du parti Kataëb au sein du 14 mars, s’est fait ressentir, bien évidemment, au lendemain de l’attentat d’Achrafié et dans la crainte d’un embrasement généralisé.
Mais pas seulement. L’échéance électorale de juin 2013 a certainement joué dans la réconciliation, puisqu’il y va de l’intérêt des deux parties de se rapprocher, pour proposer d’une même voix une seule loi électorale et pour se donner des chances réelles de remporter le scrutin.
Toujours est-il que la démarche de Souhaid et la franche conversation qu’il a eue avec les Gemayel, ne sont pas encore suffisantes pour aplanir toutes les difficultés. Une proposition tangible a été faite par le député Sami Gemayel, pour améliorer le travail au sein du 14 mars. Proposition que Souhaid a promis de soumettre à ses pairs. Va-t-elle être adoptée, ou au moins paver la voie à un assainissement profond et durable de la relation entre les protagonistes? L’avenir prochain le dira.
Joumana Nahas
La proposition des Kataëb
Au cours de la réunion de Farès Souhaid et Sami Gemayel, à laquelle s’est joint plus tard l’ancien président Amine Gemayel, une proposition en bonne et due forme a été remise à l’intention du secrétariat général du 14 mars. Proposition qui s’apparente quelque peu à une sorte de conditionnement d’un éventuel retour des Kataëb au sein de la coalition. Le document remis à Souhaid comprend notamment quatre points, tous d’ordre purement organisationnel. D’abord, il s’agit de créer un cadre spécial pour les députés et les ministres du 14 mars, dans le but de coordonner les stratégies parlementaires et gouvernementales. Ensuite, un second cadre devrait grouper tous les sympathisants du 14 mars qui n’appartiennent à aucun parti et ne sont pas représentés au Parlement ou au gouvernement. Le premier groupe et le second devront être représentés clairement par un nombre restreint de membres, au sein du secrétariat général. Enfin, le document propose la création d’un directoire groupant les chefs de partis et les représentants de la société civile. En somme, il s’agit d’une feuille de route qui mérite d’être étudiée, dans le but de parvenir à une parole plus unifiée du 14 mars.
Hadi Hobeiche, député du Akkar
«Les menaces ne nous effraient pas»
Pour le député du Courant du futur, les incidents sécuritaires à Saïda sont le résultat de la force excessive que possède le Hezbollah. Du sort de la loi électorale aux relations de Saad Hariri et de Walid Joumblatt, aux menaces adressées aux députés, autant de sujets de l’actualité passés en revue avec Hadi Hobeiche.
Que pensez-vous de l’incident sécuritaire à Saïda qui a opposé les partisans du cheikh Ahmad el-Assir au Hezbollah sur fond de panneaux accrochés par le parti?
Les Libanais sont habitués à ces pratiques pourtant contraires à celles qu’ils devraient avoir. La cause en est la force du Hezbollah qui place son parti au-dessus de tous et ne respecte pas la volonté des autres, pensant qu’il lui est permis ce qui ne l’est pas aux autres. La réaction d’autodéfense des partisans de cheikh Assir était normale et il est arrivé ce qui devait arriver. Tout cela nous ramène à l’anarchie qui règne dans le pays et dont la raison principale est l’armement que possède le Hezbollah.
Le général Aoun dit que les armes illégales se trouvent à Tripoli et au Akkar et il ne parle pas du Hezbollah.
Il vaut mieux que personne n’écoute le général Aoun. Mais si nous voulons répondre à cette logique tordue, nous disons que toutes les armes que possèdent les Libanais ont pour cause principale le Hezbollah mais, évidemment aussi, la guerre libanaise et les armes individuelles qui restent entre les mains des citoyens. Mais, aujourd’hui, si quelqu’un pense acheter une arme pour se défendre, c’est à cause des armes du Hezbollah utilisées à l’intérieur du pays à chaque étape quotidienne de notre vie politique. Décidons de ramasser toutes les armes qui existent au Liban, y compris celles du Hezbollah, et nos problèmes seront résolus. Les armes laissées au Hezbollah donnent le prétexte à chaque Libanais d’en posséder pour assurer sa défense et sauvegarder sa dignité, notamment dans certaines occasions, telles que celle du 7 mai où l’Etat n’a pas pu garantir la sécurité à laquelle chaque Libanais a droit.
Le député Walid Joumblatt a déclaré que les incidents qui se succèdent de Tripoli à Saïda confirment la nécessité d’une nouvelle formule gouvernementale pour protéger le pays. Qu’en dites-vous?
Walid Joumblatt n’a jamais été contre le changement du gouvernement, mais il disait vouloir une entente préalable sur un nouveau gouvernement. Nous ne sommes pas opposés à cet avis mais nous ne pouvons pas accepter un gouvernement de trente ou de vingt ministres dans le sens où on s’entendrait sur les noms avant la démission du gouvernement actuel et la désignation d’un nouveau Premier ministre qui, selon la Constitution libanaise, doit mener des concertations pour former son équipe ministérielle. Ceux qui disent vouloir un nouveau gouvernement avant la démission de l’actuel veulent ignorer la loi et la Constitution.
Les relations entre le président Saad Hariri et le député Walid Joumblatt ont-elles repris leur cours normal?
A mon avis, ce qui unit Saad Hariri et Walid Joumblatt est beaucoup plus fort que ce qui les sépare. Même s’ils ont certaines divergences de points de vue sur les affaires internes, leurs orientations politiques sont beaucoup plus proches que ce qui peut les éloigner.
Pour le député Mohammad Raad, ceux qui pensent mettre en place une autorité opposée à la ligne de la Résistance se font des illusions…
C’est son avis et nous le respectons. Mais ils doivent eux aussi respecter l’avis des autres. Pour ma part, je lui dis qu’il existe un autre point de vue qui veut que le gouvernement doit respecter la politique de l’Etat et non celle de la Résistance. Pour le gouvernement, l’objectif ce sont les institutions.
Quelle est votre vision du futur gouvernement entre ceux qui avancent l’idée d’un gouvernement de technocrates et d’autres celle d’un gouvernement d’union nationale?
Nous sommes pour un gouvernement formé de ministres indépendants acceptés par le 8 et le 14 mars, tels que le ministre Marwan Charbel et l’ancien ministre Ziad Baroud. A condition que son président soit aussi indépendant.
Vous écartez donc la possibilité d’un retour du président Najib Mikati que vous accusez de couvrir les crimes, alors qu’il réactive l’action gouvernementale à travers les nominations et la gestion des affaires du pays.
Ce gouvernement n’est pas capable de gérer les affaires après les crises économiques, financières et sécuritaires. Faire porter au président Mikati la responsabilité du sang versé ne signifie pas qu’il en soit lui-même l’auteur mais que ce gouvernement doit en assumer la responsabilité morale d’autant qu’il est le fruit des deux régimes syrien et iranien.
Qu’y a-t-il de nouveau à propos des menaces dont vous et le député Khaled Daher êtes la cible, ainsi que celles qui ont été adressées aux députés Ahmad Fatfat et Ammar Houri?
Le but de ces menaces est d’effrayer les hommes politiques. Or, je pense que ceux qui s’y sont essayés ont échoué. La politique et les opinions sont les mêmes. Rien n’a changé sinon les assassinats de nombre de nos grands hommes et de citoyens innocents qui ont payé de leur sang ces actes terroristes.
De quelle manière l’Etat libanais a-t-il traité ces menaces?
Le ministre de l’Intérieur et le commandant en chef de l’armée ont réagi et pris certaines mesures mais nous n’avons pas eu de résultat à ce jour concernant les auteurs des menaces. J’ai pris certaines précautions sécuritaires et je pense que chacun peut assurer sa propre protection mieux que l’Etat ne peut le faire. Les méthodes utilisées dans les attentats dépassent les capacités des services de sécurité ou du nombre d’agents de protection. Les explosions dont les politiciens sont la cible frappent nombre de citoyens et détruisent des voitures. L’ennemi agit dans la logique de la lâcheté et non dans celle de la force. Le fort vous prend de front alors que le faible se cache derrière une fenêtre ou même une poubelle pour presser le bouton lié à l’explosif.
A la lumière des menaces dont les députés du Courant du futur ont été la cible, le retour du président Saad Hariri est-il encore possible?
Cheikh Saad Hariri est tenu de rentrer du moins dans les prochains mois en vue des législatives tout en prévoyant de très grandes mesures de sécurité.
Il est question d’une nouvelle tentative du patriarche Béchara Raï de réunir les leaders maronites à Bkerké, y croyez-vous?
Je l’espère. Il est également question d’une rencontre chrétienne. Nous sommes toujours aux côtés de Sa Béatitude.
Quel est le sort de la loi électorale?
Nous sommes d’accord sur un non-retour à la loi de 1960 mais, en même temps, nous sommes supposés nous réunir pour nous entendre. Reste qu’il faut assurer la protection des députés et des politiciens qui participeront à l’élaboration de la loi électorale. Le président Farid Makari a suggéré une image, quoique caricaturale, que chaque député du 8 mars accompagne son collègue du 14 mars à la réunion assurant ainsi sa sécurité.
Que pensez-vous de la réactivation des commissions à laquelle appelle le président Berry?
Si le président Berry garantit la protection des participants, je pense que son projet est possible.
Comment avez-vous réagi au scandale des médicaments?
Je souhaite que les bureaux des importateurs impliqués soient immédiatement scellés à la cire rouge et que les coupables soient jugés surtout que le ministre Fneich a affirmé ne couvrir personne. Les mesures prises par le ministre de la Santé restent timides.
Propos recueillis par Saad Elias