Vendredi 9 novembre, Le Rassemblement des dirigeants et chefs d’entreprises libanais (RDCL) se rassemblait à l’USJ, dans l’enceinte du nouveau campus de l’innovation et du sport. Une occasion de célébrer ces Libanais qui gagnent. Et de capitaliser sur ces forces et atouts.
Avec l’Irlande, le Liban est l’un des deux seuls pays au monde dont les ressortissants sont plus nombreux en dehors de ses frontières qu’à l’intérieur. La diaspora, par les fonds importants qu’elle renvoie au Liban, contribue à la richesse du pays. Pour dresser un portrait type de l’entrepreneur qui réussit, étaient réunis Joe Saddi, président-directeur général de Booz and Co., Georges Achi, ancien directeur de la banque Audi et Gilbert Ghostine, directeur général de Diageo pour la région Asie Pacifique. Le directeur du RDCL, Fouad Zmokhol, et les doyens des facultés de Sciences économiques et de Gestion, Joseph Gemayel et Tony Gibeily, ont assuré respectivement l’introduction, la conclusion et la modération du débat.
Chefs d’entreprises et jeunes étudiants remplissent l’auditorium François Bassil. Chaque intervention est ponctuée d’applaudissements nourris. L’audience est particulièrement attentive, ravie, presque émue d’entendre des témoignages si passionnés. Non sans humour, les intervenants relatent leur parcours personnel avec humilité et lucidité. Un vrai succès.
Sans soutiens gouvernementaux, les sociétés libanaises et les entrepreneurs ont su exploiter leurs propres ressources. Comment? Au fur et à mesure des interventions, le portrait type de l’homme d’affaires libanais émerge:
– Une grande capacité d’adaptation, de l’intuition et une savante prise de risques: le contexte libanais apprend à travailler dans un environnement souvent instable et mouvementé. Cela permet d’être constamment en éveil et de développer l’intuition et le sens du risque.
– Des qualités indéniables de leader. Ce même environnement mouvementé apprend la persévérance. L’entrepreneur libanais est dur, ambitieux et dynamique. Il est toujours en quête d’opportunités nouvelles.
– La patience et l’humilité tirées de l’expérience de l’Histoire et de la structure traditionnelle de la société libanaise permettent de nouer des relations de confiance durables et fortes. Cet atout relationnel est indispensable à l’entrepreneur.
– L’importance des racines géographiques, familiales et patriotiques donne un cap et une stabilité. Ces racines permettent aussi de créer des réseaux libanais à travers le monde. Mais ce portrait flatteur ne saurait dissimuler les enjeux économiques vitaux qui entourent le Liban. Avec l’inertie du marché public, les sociétés privées ne peuvent compter que sur elles-mêmes. 19000 offres d’emploi sont nécessaires chaque année. En s’appuyant sur le modèle de la diaspora qui réussit, le défi doit être relevé. Selon le doyen Joseph Gemayel, une triple nécessité émerge:
– Développer notre économie dans le sens de l’ouverture et de la réforme, vers son intégration dans un monde globalisé.
– Redéfinir le rôle économique de l’Etat dans le sens de l’efficience et de l’équité.
– Consolider la vocation des universités dans le sens de l’excellence et de l’internationalisation.
Le colloque nous a rappelé que la persévérance est le maître mot. A la suite des modèles expatriés, l’optimisme est de mise. C’est un point essentiel.
Antoine Wénisch
Des Libanais à Wall Street
Symbole de la réussite des Libanais à l’étranger, trois d’entre eux ont eu l’immense privilège de pouvoir ouvrir le marché américain de Wall Street, en étant invité à sonner la traditionnelle cloche. Le 28 juin 1994, Sami Antoine Khalifé, ingénieur physique, était le premier à recevoir cet hommage. Après lui Riad Salamé, gouverneur de la Banque du Liban, en 2008, et l’homme d’affaires Michel Daher, en 2010, ont également eu l’honneur de sonner la cloche. Sami Antoine Khalifé témoigne: «J’espère que cela encouragera beaucoup de jeunes Libanais à se dépasser, chacun dans son domaine respectif, et les entrepreneurs parmi eux, à faire en sorte de gagner le privilège de sonner cette fameuse cloche: c’est une belle expérience qui ne quitte pas notre mémoire».
Trois questions à Joseph Gemayel, doyen de la faculté de Sciences économiques
Que retenez-vous d’une telle rencontre?
Au Liban, on doit faire une différence essentielle entre PNB et PIB (Produit national et Produit intérieur brut). La diaspora génère des transferts de capitaux importants vers le Liban (7 à 8 milliards de dollars). On en mesure donc toute l’importance. A l’intérieur de pays, l’instabilité fragilise la confiance des investisseurs. Aujourd’hui, c’est un événement particulier que le RDCL organise en collaboration avec l’USJ. Nous avons l’occasion de tirer des enseignements de la réussite libanaise à l’étranger, il faut en profiter. Nous sommes fiers de nos compatriotes qui rencontrent le succès.
A quels facteurs attribuez-vous la réussite de la diaspora libanaise?
Je pense que les Libanais ont des facilités relationnelles qui correspondent à celles que doit avoir un bon entrepreneur. Comme l’a souligné Gilbert Ghostine, l’importance de la famille et l’attachement aux origines libanaises sont des atouts. Je ne réduis pas les relations économiques à une structure traditionnelle de la société mais cela aide en définitive. Cela est d’autant plus vrai pour les Libanais émigrés aux Etats-Unis ou en Australie. La distance accentue paradoxalement l’attachement à un retour aux sources libanaises. Ici, au Liban, il y a un attachement particulier au fameux «D’où êtes-vous?». On parle d’un village où on est né, où on vote, où l’on est inhumé.
Le rapprochement des entreprises et des étudiants a été évoqué par les intervenants.
Oui. D’une manière générale, nos universités sont privées de cette culture anglo-saxonne de grande proximité entre les étudiants et les milieux professionnels. Les intentions y sont, il faut y remédier. Il faut trouver les créneaux nécessaires qui peuvent mener les entreprises à s’impliquer aux côtés des universités. Il faut aussi que nous les valorisions auprès de nos étudiants. Les stages sont vivement encouragés.