Magazine Le Mensuel

Nº 2872 du vendredi 23 novembre 2012

Musique

Fête royale. Le roi du saxophone à l’honneur

A l’occasion de la Journée du roi des Belges, l’ambassade du royaume de Belgique a donné un concert à l’Université américaine de Beyrouth, le 15 novembre dernier. Une soirée à l’effigie du saxophone, créé par le Belge Adolphe Sax et mis à l’honneur par le musicien Yiannis Miralis, accompagné par la pianiste Olga Bolun.

Depuis un siècle et demi en Belgique, le 15 novembre, on célèbre la Fête du Roi. «Ce jour revêt un rôle important pour nous, introduit l’ambassadeur de Belgique, Colette Taquet, toujours aussi naturelle, au pupitre de l’Assembly Hall de l’AUB. Nous avons décidé de dédier cette soirée à un Belge peu connu et encore moins reconnu, le génie Adolphe Sax, continue-t-elle.
Car, qu’on se le dise, le saxophone a été inventé par un Belge. Ami des plus grands compositeurs du XVIIIe siècle, à l’image du grand Hector Berlioz, Adolphe Sax a baigné dès sa plus tendre enfance dans l’univers de la musique. Tout jeune déjà, il a l’habitude de rester des heures dans l’atelier de son père, confectionneur en titre des instruments de la cour des Pays-Bas. A l’âge de 15 ans, le génie belge a déjà reçu nombre de distinctions pour son travail de perfectionnement notamment de la clarinette et de sa grande sœur, la clarinette basse. C’est en 1840 qu’il invente le saxophone, cet instrument à hanche qui, contrairement à ses collègues en bois, est alors façonné en laiton. Parmi les grands musiciens du XIXe siècle, Gioacchino Rossini déclara que le son du saxophone «était le plus merveilleux qu’il ait jamais entendu». Quant à son ami Hector Berlioz, il souligna qu’il ne connaissait «pas d’autres instruments qui puissent être comparés à celui-là, avec sa sonorité pleine, sucrée, énergique et immensément puissante, capable de devenir douce dans le même temps».
A l’instar des grands noms de la musique, Adolphe Sax n’aura pas eu une vie à la hauteur de sa contribution, son succès ayant généré des jalousies quasi criminelles de la part des autres fabricants d’instruments; il finit sa vie sans un sou. C’est donc en hommage à ce grand homme, éminemment important pour le développement du jazz et de la musique populaire, que cette Fête du Roi a été consacrée.
«Le programme du concert de ce soir met en valeur toutes les facettes de l’instrument, à travers des œuvres connues ou plus confidentielles», conclut Taquet, avant de laisser place aux deux artistes.
Après une petite levée de sourcil pour un départ synchronisé, Yiannis Miralis au saxophone et Olga Bolun au piano emmènent leur public dans une ballade musicale d’une heure. Les partitions du duo sont signées de compositeurs haut en couleur, français, espagnols, américains, chypriote, anglais, japonais, argentin ou encore belge, du XIXe et majoritairement du XXe siècle.
Rien de plus doux, à la fin d’une habituelle tumultueuse journée beyrouthine, – dont même les klaxons de la rue Bliss rappellent l’agitation, transperçant les murs de la salle -, que de fermer les yeux pour profiter de ces instants de sérénité, offerts par l’ambassade de Belgique.

Dans l’ambiance tamisée de l’ancienne chapelle de l’AUB, la lueur des quelques lanternes descendant du plafond boisé, scintille sur l’habit du saxophone, lui donnant tout naturellement la place d’honneur. La diversité des courants musicaux des deux derniers siècles est abordée par les duettistes, jusqu’à entonner deux des airs les plus connus de la comédie musicale West Side Story, dans un dialogue incessant entre le piano et le saxophone. Quand l’un donne le rythme, l’autre fait entendre sa tessiture suave presque charnelle, dans le Tango d’Isaac Albéniz. Les drapeaux libanais et belge en profitent pour effectuer un rapprochement, flirtant sous les yeux du drapeau européen et sous le regard du majestueux orgue de l’Assembly Hall aux contours très géométriques.
Avant de conclure leur démonstration par des rythmes latins, entre un tango, un paso doble, une rumba ou encore une suite hellénique aux sonorités andalouses, le saxophoniste Yiannis Miralis entreprend de surprendre ses auditeurs par un solo emprunté à la musique expérimentale et contemporaine du Japonais Ryo Noda dans une interprétation de son Improvisation 1. Dans une harmonie fascinante, le maestro se joue des nuances, de la mesure et s’amuse à montrer l’étendue de sa gamme et de son talent dans des fluctuations d’embouchure et de gorge.
Le concert est déjà fini. Les convives sont alors invités à poursuivre la soirée par une réception; de quoi célébrer comme il se doit la Fête du roi des Belges.

 

Delphine Darmency
 

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