Magazine Le Mensuel

Nº 2875 du vendredi 14 décembre 2012

POLITIQUE

Affaire Okab Sakr. Parole contre parole

La révélation des enregistrements audio d’Okab Sakr par le journal al-Akhbar n’en finit plus de faire couler de l’encre. Le principal intéressé a répondu aux accusations par d’autres, protestant contre la «manipulation».

Sans doute «sonné» au départ par les révélations de ses enregistrements téléphoniques avec plusieurs chefs rebelles syriens, le député de Zahlé Okab Sakr n’avait, dans ses premières déclarations, fait qu’authentifier sa voix et ses propos sur les bandes. Mais quelques jours plus tard, Okab Sakr a effectué un rétropédalage en règle, depuis la Turquie. Dans une conférence de presse savamment orchestrée, l’élu du Moustaqbal s’est insurgé contre une «machination montée de toutes pièces».
Très virulent dans ses propos et dans ses gestes, Sakr a entrepris de démonter une par une les affirmations relayées par al-Akhbar et la OTV, conseillant même à ces médias de «troquer leurs reporters contre des avocats, parce qu’ils vont en avoir besoin». Selon lui donc, les enregistrements des conversations téléphoniques auraient été «volés de son ordinateur», puis auraient subi «un montage spécial» afin de le faire passer pour un trafiquant d’armes. Pour appuyer son propos, le député a exposé chacune des bandes originales dans leur intégralité, avant montage, selon lui.
Des copies des enregistrements donc qu’il a affirmé vouloir remettre à la justice libanaise afin de prouver son innocence. Pourtant, vendredi 9 décembre, le bureau du procureur général Hatem Mati n’avait toujours pas reçu lesdits enregistrements, selon des sources judiciaires haut placées.
Se posant en victime d’un complot orchestré par les forces et les médias du 8 mars, Sakr a expliqué durant sa conférence de presse que «les voleurs possèdent actuellement plus de 500 minutes d’enregistrement, donc 109 environ qui me concernent, ainsi que des enregistrements vidéo et photos dont la plupart ont été exposés». Sûr de son fait, il est allé jusqu’à défier «tous ceux qui ont initié le débat d’en reparler et d’assurer un suivi de l’affaire jusqu’au bout. Vous allez vous en mordre les doigts et ravaler votre bagout».
Selon la version d’Okab Sakr, le soutien procuré par ses soins et par son parti se compose uniquement d’un volet «humanitaire». Dans le premier enregistrement «original» qu’il a diffusé lors de sa conférence de presse et au cours duquel Abou Nehman lui réclame «du plomb», on entend donc Sakr lui rétorquer qu’il est «de tout cœur avec la révolution, mais je n’ai aucune capacité en matière d’armement». Plus loin, alors que son interlocuteur insiste, il poursuit: «Je peux vous offrir de l’argent, des aides humanitaires et médicales, mais pas des armes. Nous n’entrerons pas dans la question des armes et nous n’en avons pas».
Dans un deuxième enregistrement qui aurait lui aussi subi un montage de la part des médias proches du 8 mars, Sakr affirme, lui, qu’il n’est question que de livrer «du lait pour les enfants, des couvertures et de l’aide médicale qui seront assurés au plus vite». L’élu s’en est ensuite pris avec virulence à Jamil Sayyed, Wafic Safa, le responsable de la sécurité du Hezbollah, mais aussi à al-Akhbar et son directeur Ibrahim el-Amine», à la chaîne OTV – accusés d’être les chabihha des médias libanais – ainsi que, sans le nommer, à Michel Aoun.
Saad Hariri a en tout cas félicité son poulain au sortir de la conférence de presse, ajoutant qu’il continuerait à soutenir le peuple syrien. Du côté du Moustaqbal, où le soutien se faisait un peu timide au départ, on a relevé la tête, comme en témoigne cette déclaration du parti mardi: «La diffusion d’enregistrements falsifiés nécessite des mesures de la part du pouvoir judiciaire et du Conseil médiatique national, qui doit poursuivre chaque fraudeur».
Du côté d’al-Akhbar, on maintient que les enregistrements parvenus au journal sont «authentiques». Dans l’un des articles parus depuis, le quotidien révèle avoir fait appel à des «experts audio» qui relèvent que les bandes présentées par Sakr «ont été plus trafiquées que nécessaire», en s’appuyant sur des faits techniques. Des segments de voix auraient été ajoutés aux bandes originales.
Pour trancher, la justice libanaise, qui a demandé depuis, des enregistrements de Sakr aux chaînes al-Jadeed, Future TV et OTV aura donc fort à faire. Et en tout cas, elle devra s’appuyer sur des experts indépendants et de haut niveau pour décrypter le vrai du faux.

Jenny Saleh

 

Mandats d’arrêt
L’avocate May Khansa avait déjà porté plainte contre Okab Sakr et Saad Hariri la semaine dernière pour «terrorisme et crimes contre l’humanité».
Mardi, le bureau d’Interpol au siège des FSI à Beyrouth a reçu par mail des mandats d’arrêt émis par les autorités judiciaires syriennes contre Saad Hariri, Okab Sakr et le porte-parole de l’Armée syrienne libre, Louaï Mokdad, tous trois accusés d’armer la rébellion syrienne.

 

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