Magazine Le Mensuel

Nº 2875 du vendredi 14 décembre 2012

Presse étrangère

Le Liban, ses communautés, ses défis

Cette semaine, la presse étrangère traite de l’actualité du pays en la déclinant selon des critères communautaires. A chaque communauté, ses interrogations et ses doutes. Revue d’effectif.

New York Times
Le correspondant attitré du New York Times dans la région, Josh Wood, publie un article au titre sobre: Les minorités au Liban se méfient de la guerre syrienne. Extraits.
Alors que le conflit en Syrie, qui dure depuis plus de vingt mois, continue d’aggraver les tensions entre les communautés sunnite et chiite au Liban, d’autres communautés, notamment les minorités chrétiennes et druzes du pays, cherchent à prendre leurs distances.
 Cette dynamique est devenue évidente après l’attentat à la voiture piégée qui a fauché, dans le quartier chrétien d’Achrafié, le chef des services de renseignements Wissam el-Hassan. Plutôt que d’appeler à la révolte, les habitants du quartier et les leaders religieux ont joué l’apaisement. En revanche, les sunnites anti-syriens ont fait de Hassan un martyr. Des affrontements sporadiques ont fini par éclater, notamment dans les zones habitées par les sunnites et les chiites. Mais en dehors de la communauté sunnite, tous ont condamné ces débordements. «Je crois que ni la colère des sunnites, ni celle des chiites ne mèneront quelque part», a expliqué Walid Joumblatt.
 Bien que s’opposant au régime d’Assad, le leader druze n’a rien fait pour se rapprocher du 14 mars dont il s’est distancié depuis les affrontements de la Montagne, en 2008. Il a fini par nouer des liens avec la coalition du 8 mars dirigée par le Hezbollah. Mais le soulèvement en Syrie l’a conduit à se mettre à l’écart de ces deux camps.
 Alors que certains combattants druzes ont exprimé leur frustration quant au refus de leur leader de se mesurer au Hezbollah, Joumblatt les a mis en garde contre le piège du conflit syrien. «Prendre parti ne fera que ruiner et détruire le pays».
Samir Geagea, le chef du plus important parti chrétien du 14 mars, a été très clair. «Notre but n’est pas d’affronter le gouvernement en tant que tel, car il est un détail. Notre vrai combat, c’est la lutte contre l’influence de l’Iran et de la Syrie au Liban».

La Croix
Le quotidien français La Croix, très en pointe sur l’actualité libanaise depuis plusieurs mois, se demande si «une nouvelle voie chiite est possible».
L’affaire Okab Sakr vient de secouer l’échiquier politique libanais. Député du Bloc du futur de l’ancien Premier ministre Saad Hariri, Sakr a reconnu avoir participé à des livraisons d’armes en faveur des rebelles syriens. Mis en cause par une série d’enregistrements, lui, le chiite, s’est défendu et a surtout tenu à disculper son chef de file sunnite.
L’arrivée d’Okab Sakr dans le paysage politique libanais lors des législatives de juin 2009 avait déjà fait beaucoup de bruit. Car les chiites pro-14 mars se comptent sur les doigts de la main. Et Sakr se retrouve en première ligne lors de la bataille électorale.
Depuis la fin de la guerre civile en 1990, la communauté chiite se partage politiquement entre Amal et Hezbollah. Autre figure chiite du paysage politique libanais, Ibrahim Chamseddine est considéré comme un modéré, proche du 14 mars.
D’autres chiites indépendants se sont également unis au sein du Rassemblement civil libanais. En octobre dernier, plusieurs d’entre eux -Yasser Ibrahim, Karim Mroué, Rached Hamadé -, ont dénoncé les campagnes médiatiques visant à les discréditer. Deux mois plus tôt, des intellectuels chiites avaient également signé un texte commun, soutenant l’aspiration du peuple syrien «à la liberté et à la justice».
 Dans la banlieue de Beyrouth, dans le quartier à majorité chiite de Chiyah, des citoyens ne cachent plus leur défiance vis-à-vis du Hezbollah. «J’ai toujours soutenu le Parti de Dieu dans sa résistance contre Israël, explique Wadih Darwiche, un médecin généraliste. Mais son soutien au régime de Damas est insupportable. J’ai pris mes distances. Il serait intéressant de creuser dans une autre direction, plus laïque. Avant, les chiites libanais étaient très impliqués dans d’autres formations nationalistes. Aujourd’hui, même si le Hezbollah a pris soin d’écarter la concurrence, celle-ci ne manque que d’un vrai tribun pour se faire entendre».
 De nombreux chiites libanais commencent à chercher une troisième voie, loin du Hezbollah et d’Amal. Une option soutenue aussi par des figures religieuses chiites de premier plan, comme le cheikh Hani Fahs: «Il existe chez les chiites des velléités de créer un nouveau mouvement, moins sectaire, plus modéré. Plus en phase avec l’idée d’arabisme».

 

Le Monde
Dans son courrier des lecteurs, le quotidien Le Monde a reçu une lettre de Beyrouth, signée par Tahani Khalil Ghemati. Un cri de colère magistralement écrit.
Cessons d’entretenir ce conte qui mijote dans le formol et la naphtaline depuis quelques décennies. Le Liban n’est pas la Suisse du Moyen-Orient et la Suisse ne sera jamais le Liban. Personne ne croit plus à ce rapprochement au même titre qu’un Père Noël à la hotte de plus en plus éventrée par les guerres, la crise économique et autres malheurs indécents.
 Dans le temps, notre système bancaire flirtait avec les montagnes helvétiques. Un petit pays aux multiples confessions. Une tour de Babel à la punition interminable. Un paradis à la fois béni et maudit sur cette terre aux rêves brisés. Une liberté plus libre que la liberté elle-même. De belles brunes chaloupées aux chevilles rehaussées sur des échasses à rompre le silence d’un moine chartreux. Cela s’arrête là.
 La Suisse du Moyen-Orient a peu de choses en commun avec les terres helvétiques. En tant que citoyenne suisse résidant à Beyrouth depuis deux ans, je cherche désespérément les similitudes véhiculées par un Pinocchio reparti depuis belle lurette retrouver Gepetto quelque part entre le Canada ou la Côte d’Ivoire.
Le rêve des jeunes citoyens libanais, c’est de s’envoler loin de cette Suisse meurtrière où la citoyenneté n’est qu’un vulgaire écrit sur un parchemin écorné depuis trop longtemps. Un gouvernement d’apparat comme les dentelles des napperons ornant les accoudoirs des vieux fauteuils. Une insécurité agrémentée d’attentats. Une mort à la valse sans musique. Une résignation citoyenne. Un civisme inexistant. Une agressivité machiste impunie sur les routes. Une jungle où il faut se signer à chaque trajet. Des inégalités sociales terrifiantes. La maltraitance esclavagiste d’une main-d’œuvre pauvre où même le vieux film Racines fait figure d’enfant de chœur. Des routes défoncées et inondées à chaque orage. Un congé maternité anecdotique. Pas d’assurance chômage ni de retraite. Des hôpitaux à la pointe mais uniquement pour les nantis. Des associations et des initiatives exclusivement privées.
La Suisse du Moyen-Orient? Faut-il mériter ce label uniquement pour quelques chaînes de montagne et un système bancaire libéral? La Suisse où j’ai vécu c’est celle du «bonjour», «merci», «au revoir» et «bonne journée». Celle où il n’y a aucun arbitraire ni ce que l’on appelle plus communément la wasta –le piston en français. Aucune lecture entre les lignes. Tout est limpide dans un système huilé où le devoir citoyen est aux antipodes de la Suisse du Moyen-Orient.

Julien Abi Ramia

 


Réfugiés en hiver
Les réfugiés syriens craignent l’hiver, c’est le constat du reporter du Daily Telegraph, Ruth Sherlock.
 Beaucoup sont déjà obligés de s’abriter sous des sacs de pommes de terre et de se nourrir de légumes pourris. Comment les enfants des réfugiés syriens pourraient-ils survivre à l’hiver qui arrive?
Oum Krayem et ses enfants ont troqué leur confortable maison de famille à Homs pour un abri fait de sacs de pommes de terre, montés sur une plaque de terre boueuse au Liban.
 Les vêtements de ses enfants sont sales, leurs joues portent les stigmates de la fatigue et des premiers frimas de l’hiver. Leurs pieds gèlent dans leurs sandales en caoutchouc.
 Mme Krayem et ses quatre enfants font partie des milliers de réfugiés syriens qui souffrent de faim et de froid cet hiver – et que les agences d’aide internationales ne peuvent aider.
 Un rapport publié par Save the Children révèle que les organisations humanitaires n’ont apporté que la moitié de l’argent nécessaire pour aider les 366000 réfugiés au Liban.

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