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Nº 2879 du vendredi 11 janvier 2013

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Sleiman juge anticonstitutionnel le projet orthodoxe. Retour à la case départ?

Alors qu’à Bkerké, les partis chrétiens avaient fini par s’entendre sur la loi électorale de la Rencontre orthodoxe, mettant ainsi leurs alliés musulmans devant leurs responsabilités, les craintes constitutionnelles exprimées par le chef de l’Etat et l’absence de véritable consensus ramènent le débat à sa mouture initiale.
 

A la bourse des projets de loi électorale, mis sur la table, celui qui recueillerait virtuellement le plus de suffrages serait sans doute la proposition de la Rencontre orthodoxe. Dimanche, sous l’égide du patriarche Béchara Raï, le Courant patriotique libre (CPL), les Forces libanaises, les Kataëb et les Marada se sont mis d’accord. Les partis chrétiens de la majorité ont certifié qu’ils entraîneraient avec eux leurs alliés. Sur le plan arithmétique, l’affaire aurait été emballée haut la main au Parlement. Mais les déclarations du chef de l’Etat, Michel Sleiman, s’interrogeant sur le site de l’hebdomadaire du PSP, al-Anbaa, sur la constitutionnalité du projet, ont refréné les possibilités d’une issue rapide. La teneur des débats à la réunion de la sous-Commission parlementaire, chargée de plancher sur la loi électorale, l’a clairement démontré. Une aubaine pour Walid Joumblatt, le plus réfractaire des leaders du pays au changement de la loi électorale. Ce retour à la case départ aura au moins permis à chaque parti de clarifier ses préférences en la matière.
 

L’unanimité chrétienne
La séquence a-t-elle sonné le glas d’un processus tacite? Il y a plusieurs mois, les acteurs politiques du pays se sont entendus pour laisser aux chrétiens le choix de la loi électorale. Mais les désaccords politiques, qui les opposent, ont presque fait oublier qu’ils pouvaient s’entendre. D’abord, parce que leur place dans le pays est devenue un défi pour les représentants de la communauté, surtout parce que l’horloge tourne et qu’ils sont d’accord pour remplacer la loi de 1960, remise au goût du jour lors des dernières élections.
Dimanche, au siège patriarcal, Béchara Raï a reçu, aux côtés des évêques Boulos Sayyah et Samir Mazloum, les députés Alain Aoun, Georges Adwan, Sami Gemayel et les anciens ministres Youssef Saadé et Ziad Baroud qui ont échangé des idées. L’opposition refuse la proportionnelle présentée par le gouvernement Mikati et la majorité, le projet des 50 circonscriptions, présenté par les chrétiens du 14 mars. Le patriarche prend alors la parole et décrit ce que serait une loi juste qui assurerait la représentativité des chrétiens. Aoun, Saadé et Gemayel, très à cheval sur la question communautaire, se déclarent favorables au projet orthodoxe. Adwan suit le mouvement. Mais, pour détendre le cadre de la négociation, les quatre réunis à Bkerké mettent au point une stratégie de négociation. Si le projet de la Rencontre ne faisait pas l’affaire, le deuxième choix se porterait sur une loi à la proportionnelle sujette à amendements -malgré les fortes réticences de Gemayel et de Geagea- le troisième serait un projet mixte proportionnelle-majoritaire, sur le modèle du projet Fouad Boutros.
Restait aux membres de la majorité et de l’opposition de convaincre leurs alliés. Lundi, les cadres de la majorité gouvernementale se sont réunis à deux reprises. D’abord au Parlement où les députés du CPL, du Hezbollah, du mouvement Amal, des Marada et du Tachnag ont parlé d’unifier les positions sur la question. Une discussion fructueuse puisque les participants se sont mis d’accord pour appuyer la loi, quelle qu’elle soit, qui obtiendra l’aval de l’ensemble des partis chrétiens. Une position relayée par le président du Parlement, Nabih Berry, auprès du patriarche. Dans la soirée, une autre séance de travail a eu lieu au domicile de Gebran Bassil, à laquelle ont notamment participé les deux médiateurs Hussein et Ali Hassan Khalil. Du côté de l’opposition, on est beaucoup moins enthousiaste.
Mardi, pour la deuxième fois dans la semaine, la sous-Commission parlementaire présidée pour l’occasion par le député Robert Ghanem s’est  réunie. Huit députés: Georges Adwan pour les FL, Sami Gemayel pour les Kataëb, Serge Toursarkissian pour le bloc arménien, Alain Aoun pour le CPL, Ahmad Fatfat pour le Futur, Ali Fayad pour le Hezbollah, Ali Bazzi pour Amal et Akram Chéhayeb pour le bloc de Walid Joumblatt. Ghanem a qualifié les discussions de «sérieuses et objectives», ajoutant qu’«aucune proposition n’avait été rejetée».

 

Le Niet du Moustaqbal et du PSP
Selon certaines sources, à l’étude du projet orthodoxe, Fatfat et Chéhayeb ont été extrêmement critiques. Le Courant du futur et le PSP sont les deux partis qui s’y opposent le plus fermement. Mardi, le Bloc parlementaire du Futur a expliqué se positionner «contre tout projet de loi qui n’assure pas une juste représentativité de toutes les composantes et qui va à l’encontre de l’accord de Taëf et de la parité entre chrétiens et musulmans», soit la proportionnelle et le projet orthodoxe.
De son côté, Walid Joumblatt s’est montré encore plus ferme. Reçu mardi soir à Aïn el-Tiné par Nabih Berry, en présence du ministre Waël Abou Faour, le leader du PSP a catégoriquement rejeté le projet du Rassemblement orthodoxe, affirmant que cette proposition «comporte de nombreux risques qui mèneraient à l’extrémisme et l’isolement des communautés», mettant en péril «la coexistence et l’accord de Taëf».
Se dressent donc face au projet orthodoxe, le Futur, le PSP et donc le président Sleiman qui a qualifié le projet orthodoxe d’anticonstitutionnel. Telle est la situation du moment. Pour quelles perspectives?
Compte tenu des positions exprimées par l’ensemble des partis politiques, l’équilibre des forces au sein du Parlement permettrait qu’une majorité numérique se dégage pour voter une nouvelle loi électorale. Il faudrait pour cela que Nabih Berry accepte de convoquer à une séance afin d’organiser un vote, comme le réclament les partis chrétiens.
Dès lors, plusieurs questions se posent. Le chef de l’Etat pourra-t-il continuer à se positionner contre l’ensemble des partis chrétiens? Walid Joumblatt utiliserait-il l’arme de la démission face au «péril» du projet orthodoxe? Le Courant du futur arrivera-t-il à infléchir la position de ses alliés chrétiens afin de casser le consensus? Si d’aventure, le Hezbollah, ses alliés et les partis chrétiens de l’opposition se mettaient d’accord pour voter le projet de loi de la Rencontre orthodoxe, provoquant le retrait des députés du Courant du futur et du PSP, que ferait le chef du Parlement? Lorsque cela s’était passé, dans le cadre du débat sur les dépenses des gouvernements Siniora et Hariri, Berry avait levé la séance.
A écouter les élus, une véritable incertitude plane encore. Ils en sont convaincus, ces élections vont avoir lieu. Mais pour cela, disent-ils, il va falloir qu’un acteur fasse des concessions. L’occasion de profiter d’un accord entre les chrétiens est trop belle pour la gâcher, subodorent-ils. Malgré les réticences de certains, le projet orthodoxe a toujours la cote. Reste à savoir qui, de ses contempteurs, cédera en premier.

Julien Abi Ramia

 

Le dialogue reporté sine die  
Sans surprise, ce samedi, Michel Sleiman a reporté sine die la session du dialogue national prévue le lundi, face au refus d’une partie de l’opposition d’y participer. Selon un 
communiqué de la présidence, le chef de l’Etat a informé tous les participants au dialogue de sa décision de le reporter sans fixer une nouvelle date. Le président de la République a arrêté sa décision à la suite d’un entretien 
vendredi soir avec le Premier ministre Najib Mikati et Walid Joumblatt. La veille, le bloc des députés du Futur avait réaffirmé son refus de retourner à la table de dialogue national. «Nous y retournerons après la démission du gouvernement en place et après que le Hezbollah acceptera l’idée que le dialogue a pour objectif de réorganiser le statut de ses armes pour les placer sous les ordres de l’Etat et permettre ainsi son intégration dans cet Etat».

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