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Nº 2880 du vendredi 18 janvier 2013

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Nady Riad Salamé à Magazine. Le «Shadow Banking» représente la moitié du système traditionnel

 

Dans une interview exclusive à Magazine à partir de Londres, Nady Riad Salamé, vice-président  de Crossbridge Capital LLP, fait le point sur les nouveaux paramètres de la finance internationale, «Shadow Banking» ou «la finance de l’ombre», «la guerre de la monnaie», les amendements inattendus apportés aux critères de Bâle III sur le double plan du calcul du ratio de liquidité des établissements de crédit et de leur entrée en vigueur etc. Toute cette nouvelle donne a modifié un tant soit peu le rôle des différents acteurs du monde de la finance et a fait planer les spectres de menaces d’une crise internationale de différente nature que celle qui a éclaté en 2008. Le terme «finance de l’ombre» est assimilé à un système bancaire parallèle qui n’a rien à voir avec le financement apporté par les banques traditionnelles. Il recouvre aussi bien des activités menées par des fonds de capital-investissement, des fonds spéculatifs, des fonds d’investissement et autres fonds monétaires. Les financiers appellent les décideurs politiques à légiférer avec prudence sur ce secteur, qui échappe au contrôle classique, mais qui peut être en même temps une importante source de crédit aux entreprises. Par ailleurs, au moment où le maître mot est l’austérité pour les conjoncturistes, le comité bancaire de supervision de Bâle III opte pour l’assouplissement des contraintes futures imposées aux établissements de crédit. En fait, les actifs liquides éligibles à faire partie du ratio de liquidité d’une banque ont été élargis. Initialement, ces actifs regroupaient les dépôts et les obligations souveraines. Aujourd’hui, ils se sont étendus pour embrasser des actions et des obligations d’entreprises ne bénéficiant pas des meilleures notes d’agence. Toutefois, cette part de nouvelles catégories d’actifs reste cantonnée à 15%. A savoir, enfin, que  l’étalement du calendrier d’entrée en vigueur de ces ratios avec une application totale est prévu en 2019 contre 2015 initialement.       

Quelles sont les raisons pragmatiques qui sous-tendent l’assouplissement de certains critères des accords de Bâle III, en l’occurrence la nomenclature et le ratio de liquidité, ainsi que le report de l’entrée en vigueur de ces accords?
Le manque de préparation d’une partie des larges groupes bancaires internationaux est probablement la raison principale. Les critères de Bâle III requièrent des augmentations et autres provisions sur le capital qui restreignent la liquidité dont une banque peut disposer. La mise en place de ces critères permet de diminuer les risques dans le système bancaire de façon uniforme. La crise de 2008, suivie de celle de la dette en Europe, n’a pas dû faciliter la tâche aux banques dans l’application d’un exercice déjà difficile. Il est cependant important de noter que nous avons vécu quelque chose de similaire lors de la mise en place des accords de Bâle II. A l’époque nous n’étions pas dans la crise.

En temps de crise dans la zone euro et aux Etats-Unis ainsi que dans la plupart des régions du monde, l’heure n’est-elle pas à une politique financière conservatrice?    
Cela dépend de l’objectif recherché. Il y a une volonté politique aux Etats-Unis et dans la zone euro de suivre une politique d’austérité pour réduire les déficits budgétaires et contrôler la dette publique. Ceci ne contribue pas à la croissance de l’économie. On a le sentiment que l’espoir des pouvoirs publics est d’arriver à la croissance à travers la politique monétaire.

Comment évaluez-vous l’impact de «ce laxisme» vis-à-vis des banques arabes puis libanaises dans un environnement tourmenté où la prudence devrait être le maître mot?
Le délai dans l’application des critères de Bâle III impose aux banques arabes de faire preuve d’autodiscipline. Dans un environnement instable, la plupart sont encouragées dans ce sens par leurs régulateurs. Au Liban, les banques appliquent déjà les critères de Bâle II et sont en grande majorité prêtes pour Bâle III.

On parle de plus en plus de «Shadow Banking», ou de système bancaire parallèle ou de l’ombre, qui pourrait constituer une nouvelle menace de la stabilité financière à un niveau mondial. Qu’en pensez-vous?
C’est plus une illustration des problèmes persistant dans le secteur financier mondial. Le «shadow banking» n’est pas un phénomène nouveau. La taille totale du système bancaire parallèle mondial aujourd’hui représente à peu près la moitié du système régulier. Selon le FMI, le «Shadow Banking» dans les pays du G20 représente à peu près 67 trillions de dollars en 2011, contre 26 trillions de dollars en 2002. Le problème principal aujourd’hui est que les institutions financières majeures dans le monde occidental, du fait de la crise de 2008, préfèrent ne pas prendre de risque de crédit et cantonnent la majorité de leurs prêts à des compagnies à large capitalisation. Avec les taux d’intérêt aux Etats-Unis et en Europe proches de 0%, ces larges compagnies ont la possibilité de se financer à moindre coût sur les marchés. Les banques se retrouvent donc avec des excès de liquidité mais ne consentent toujours pas, malgré les efforts des régulateurs, à prêter aux PME, véritable moteur d’une potentielle croissance. Ce phénomène illustre la crise de confiance qui règne encore sur les marchés plus de cinq ans après le début de la crise. Paradoxalement, il contribue à la croissance du «shadow banking» dont les PME comptent parmi les principaux clients. Le FMI estime que les Etats-Unis, la zone euro et la Grande-Bretagne représentent plus de 80% des activités de «shadow banking» dans le G20.

Les analystes financiers mettent les investisseurs en garde contre ce qu’ils appellent «la guerre de la monnaie» qui serait déjà livrée. De quoi s’agit-il au juste?
«La guerre de la monnaie» est un phénomène qui a toujours été présent dans l’économie mondiale, on l’appelle aussi: «La dévaluation compétitive». Il s’agit d’une intervention directe (comme dans le cas de la Chine, de la Suisse ou du Japon) ou indirecte (comme dans le cas des Etats-Unis) par les pouvoirs publics pour améliorer la compétitivité de leurs économies à travers la dévaluation de leurs monnaies. Les taux d’intérêt, ainsi que les interventions sur les marchés obligataires et actions, sont des armes dans cette guerre.

Liliane Mokbel

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