Le moins qu’on puisse dire c’est qu’il est très actif et présent sur la scène libanaise. Depuis quatre ans qu’il est au Liban, l’ambassadeur de Roumanie est parfaitement adapté au pays d’autant plus qu’il parle couramment le français, l’anglais et l’espagnol. Portrait de Daniel Tanase. Les liens entre la Roumanie et la région méditerranéenne sont très forts et remontent au XVIIe siècle. La principauté roumaine, riche à l’époque, a fourni la première imprimerie pour le Proche-Orient, en vue d’éditer les livres religieux tels que l’Evangile. «La première imprimerie arabe fournie par la principauté roumaine était à Alep avant d’être transférée par la suite à Balamand. Ceci est une contribution importante de la Roumanie à la vie religieuse chrétienne dans la région», explique Daniel Tanase.
Né à Bucarest, Daniel Tanase est roumain à part entière comme il le précise. «J’ai obtenu une licence en sciences économiques et en droit puis j’ai continué un master en relations internationales à l’Académie diplomatique espagnole à Madrid», dit l’ambassadeur. Les Roumains possèdent une grande aptitude à apprendre des langues étrangères. «Comme les Libanais, nous sommes habitués à nous ouvrir au monde à travers les langues. En Roumanie, on apprend deux langues étrangères, moi j’en ai appris trois». Daniel Tanase décide très jeune de s’engager dans le corps diplomatique: «C’était l’époque de la récupération de la démocratie en Roumanie, au début des années 90. J’ai eu la chance de travailler en tant que diplomate dans des pays tels que l’Espagne, la France et le Venezuela». Dans tous les pays où il a été, il a rencontré des Libanais, surtout au Venezuela où vit une communauté libanaise importante. «J’ai beaucoup appris du Liban avant de venir à Beyrouth» dit-il. Selon lui, pour être diplomate il est indispensable d’avoir une vaste culture. «Il faut savoir un peu de tout, de l’histoire, de l’économie, de la politique, du droit et même posséder des notions artistiques et culturelles. Ceci aide à tisser des liens avec la société libanaise très éduquée et cultivée», estime Daniel Tanase.
Vie de diplomate
La vie d’un diplomate n’est pas toujours facile selon l’ambassadeur de Roumanie: «Nous sommes partagés entre plusieurs pays et nous devons souvent nous faire accompagner de nos familles, alors que chacun a des circonstances particulières. Ma femme vit à Bucarest pour son travail, ma fille vit en France où elle fait ses études. Je suis ainsi partagé entre Beyrouth, Bucarest et Paris. Ce n’est pas la meilleure solution mais nous essayons de nous voir le plus souvent possible. Je viens de passer les vacances de Noël en Roumanie avec toute la famille. Ma femme et ma fille me rejoindront à Beyrouth». Pour lui, être au Liban est un privilège. «Ici, nous sommes gâtés, c’est comme chez nous. Le Liban est une deuxième patrie où nous nous sentons intégrés dans la société libanaise. J’ai des amis libanais et des relations professionnelles très étroites. J’ai également la possibilité de mieux connaître les Libanais en dehors de la vie professionnelle. Ce sont des gens très ouverts qui nous accueillent avec chaleur et enthousiasme et partagent leur temps avec nous», dit-il. L’ambassadeur considère le Liban comme un très beau pays où se côtoient la montagne et la mer et dont l’héritage historique fait partie du patrimoine universel, «sans oublier la cuisine libanaise l’une des meilleures du monde». Son but est de participer à la vie sociale libanaise. «J’aime avoir des interactions avec les Libanais mais j’ai aussi des amitiés dans le cercle diplomatique». Infatigable, Daniel Tanase est également très actif sur le plan politique et effectue des visites auprès de tous les pôles libanais. «Je cherche à faire connaître la position de la Roumanie aux responsables libanais. Notre approche est celle de l’Union européenne mais nous sommes plus proches du Liban et de la région car nous en avons une plus grande expérience, compte tenu de notre histoire et de nos liens avec tous les pays de la région», souligne l’ambassadeur.
Sous sa houlette, un site a été créé où toutes les informations concernant l’ambassade sont présentées. Une version arabe existe également pour en faciliter l’accès à tous. L’association Roumanie-Levant, interface en quelque sorte de l’ambassade vers le Liban, possède une page sur Facebook. A part les grands échanges économiques, entre la Roumanie et le Liban, de nombreux étudiants libanais ont fait leurs études en Roumanie. Ils sont rassemblés dans l’Association des anciens étudiants libanais dans les universités roumaines. «Ils sont quelque quatre mille et la plupart sont médecins. Beaucoup d’entre eux ont épousé des Roumaines et forment des familles mixtes. Ils sont tous très proches de l’ambassade», précise Daniel Tanase. Il est présent sur la scène culturelle à travers des événements organisés par l’ambassade ou en tant que spectateur. Pour lui «La vie culturelle libanaise est très riche et le Liban a beaucoup à offrir sur ce plan». Le plus important reste à ses yeux la relation entre le Liban et la Roumanie et le développement de celle-ci dans tous les domaines. «La communauté libanaise en Roumanie est très dynamique et prospère. Les Libanais ont une grande faculté d’adaptation, il est très facile pour eux de vivre et de travailler en Roumanie. La communauté maronite est en train de construire une église dédiée à saint Charbel. C’est la première église maronite en Roumanie et en Europe orientale. Elle va bientôt être achevée et je me suis entretenu avec le patriarche Béchara Raï, qui s’est montré favorable, au sujet d’une visite qu’il pourrait effectuer en Roumanie en vue de l’inauguration de cette église», annonce Tanase. Il réaffirme la nécessité d’être optimiste: «Chaque jour j’entends des propos pessimistes concernant le futur du Liban. Je pense que le Pays du Cèdre aura un bel avenir et qu’il possède une place bien déterminée. Dans l’immédiat, tout le monde a intérêt à ce que le Liban soit épargné par le conflit dans la région. C’est le moment opportun pour tous les politiciens libanais de prendre leurs décisions eux-mêmes en toute unité et dans le cadre d’un consensus national. Au Liban, il est vrai qu’il ne peut y avoir de vainqueur et de vaincu».
Joëlle Seif
Un grand sportif
Sportif, l’ambassadeur de Roumanie participe chaque année au marathon de Beyrouth. «C’est une manière de
s’intégrer à la vie sociale à travers des activités sportives. Le marathon de Beyrouth est devenu un événement mondial et les ambassadeurs ont formé une équipe de relais qui participe au marathon. Je participe aussi au tournoi de tennis organisé par les associations libanaises pour les ambassadeurs. J’ai remporté cette année la troisième place», souligne le diplomate. Il joue également au foot avec des Roumains, installés au Liban et qui, de plus, font partie de l’orchestre philharmonique du Liban. Ils sont une trentaine de Roumains à jouer dans cet orchestre.
Ce qu’il en pense
Le Printemps arabe: «Le monde arabe avait besoin d’un printemps même si, à mon avis, il existe des difficultés temporaires dans le processus de transformation
démocratique qui fait son chemin au
Proche-Orient. Cependant, à moyen terme, les résultats vont se transposer dans la vie
quotidienne des Arabes. Il y a des problèmes et il est certain que l’opinion publique
s’interroge sur ce que le Printemps arabe a apporté. Mais je considère que des avancées démocratiques importantes sont enregistrées telles que l’adoption de nouvelles
Constitutions. Dans quelques années, toute la région connaîtra la stabilité. Je viens d’un pays qui a connu la transition vers la démocratie dans les années 90. Ce n’est pas un processus facile mais le chemin vers la démocratie est irréversible. La stabilité
économique sera également au bout du chemin, ainsi qu’une prospérité partagée par toute la société arabe».
Risque de guerre régionale: «Je suis
optimiste. Le dialogue finira par s’imposer dans la région comme seul moyen de
solution. Des signes positifs existent et je ne pense pas qu’une partie quelconque veut la guerre à tout prix. C’est dans l’intérêt de la Roumanie d’ouvrir le chemin vers le
dialogue entre tous les facteurs régionaux
et internationaux».
Crainte pour les chrétiens d’Orient: «Il n’y a pas de crainte pour les chrétiens. Ils sont là depuis plus de 2 000 ans. Ils ont toujours résisté et fait preuve de leur sagesse. Ils font partie intégrante du tissu confessionnel du Proche-Orient et représentent l’héritage de la région pour toute l’humanité. C’est le berceau de la chrétienté. J’estime également que c’est dans l’intérêt des autres religions d’avoir une forte présence chrétienne dans la région. Le Liban est l’exemple le plus révélateur
concernant les avantages d’un rôle politique, économique et social de la communauté chrétienne. Je suis rassuré concernant leur avenir au Proche-Orient. D’ailleurs, la visite de Sa Sainteté le pape Benoît XVI a
considérablement contribué au
rassemblement de tout le peuple libanais. Sa présence était un message pour le Liban».