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Nº 2881 du vendredi 25 janvier 2013

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Le mariage gay en France. Le non d’un homosexuel libanais

Pendant la campagne présidentielle, il y a quelques mois en France, François Hollande s’était engagé à légaliser, au cours de son mandat, le mariage gay. L’union entre deux personnes du même sexe sera-t-elle bientôt reconnue en France? Plus d’un Français sur deux envisage volontiers le mariage pour tous, particulièrement les sympathisants de gauche, selon un sondage CSA. Ce genre de débats pourrait-il un jour se poser au Liban? Pas si sûr! Témoignage d’un homosexuel libanais.

Que pensez-vous du mariage pour tous en France?
«Vu d’ici, j’ai l’impression que c’est beaucoup de bruit pour quelque chose qui devrait être plus discret. On a aussi l’impression que c’est une mesure plutôt imposée par le gouvernement sans que l’initiative bénéficie d’un grand soutien public. J’approuve que l’on puisse fonder une famille avec la personne qu’on aime. Toutefois, vu l’importance de l’institution «traditionnelle» du mariage pour la majorité, il faudrait user de plus de tact et plus de délicatesse du côté des législateurs. Je ne suis, à la limite, pas d’accord pour utiliser le mot «mariage» pour une union homosexuelle -sans trop savoir pourquoi. L’amour entre deux personnes dépasse la sexualité. Il ne faut pas oublier qu’un couple hétérosexuel a quand même une «validité» naturelle que je trouve incorrect à attribuer à d’autres genres de couples. Je ne dis pas qu’un couple gay n’est pas valable, mais il y a mille façons de faire pour donner aux couples gay des droits aussi égaux que ceux d’un mariage, sans pour autant les désigner par les mêmes termes. Le mot «mariage» porte un sens et un bagage historiques tels qu’on se doit presque de protéger cette institution. Donc au final, «égalité pour tous» mais pas mariage!
D’un point de vue plus large, je trouve que c’est dans la diversité des styles de vie -en l’occurrence leurs différentes reconnaissances légales- qu’une société devient réellement ouverte aux différences des autres et vraiment riche, et non dans la «démocratisation» systématique de tout pour tout le monde. Souvent, on trouve deux ou plusieurs concepts légaux identiques dans la pratique (disons une adoption et une naissance), mais qui ont un prélude totalement différent, et c’est ça qu’on devrait faire pour l’union gay.
Aux Etats-Unis et dans d’autres pays d’Europe, ça n’a pas fait autant de bruit. Je me demande pourquoi.

Pensez-vous que ce genre de débats puisse un jour avoir lieu au Liban?
Certainement pas de sitôt! De plus en plus d’homosexuels vivent librement au Liban. Mais nous existons dans un pays soucieux de maintenir une entente malgré tout, nous abusons de discrétion et nous prenons le temps de nous faire accepter plutôt que de nous confronter. C’est plus une politique de «fais ce que tu veux tant que ça ne dérange personne» plutôt que «j’ai le droit de faire ce que je veux et je vais l’imposer au monde entier». D’ailleurs, plus de gens acceptent les couples gay normaux que les couples gay militants. Il faut savoir se créer une place dans ce monde sans indisposer les autres. Ça marche mieux.
Quant au timing, nous savons tous que les autorités religieuses, autant chrétiennes que musulmanes, tiennent les affaires familiales d’un poing de fer et ne sont pas prêtes à lâcher! Déjà marier un couple hétéro multi-religieux est impossible… Qu’en est-il d’un couple homo?
Il est alors possible d’avoir un tel débat à Beyrouth. C’est assez libre quand il s’agit d’expression, mais ça ne passera pas dans la législation.

Quels challenges rencontrez-vous au Liban en tant qu’homme gay?
Grâce à Dieu, je n’ai jamais eu trop de problèmes liés à ma sexualité. La plupart des gens autour de moi -famille, amis, même certains collègues- ont appris assez tôt que j’étais gay et ont compris ce fait, sans vraiment en parler ni en faire une histoire. Au contraire, le jour où je leur ai confirmé cela, ils étaient heureux que je puisse me sentir à l’aise! En revanche, le challenge le plus important, voire le plus lourd, c’est l’appréhension et la peur de se faire rejeter, puisque c’est plus souvent une peur qu’on imagine plutôt qu’un rejet authentique. La majorité de ceux qui m’entourent savent que je suis homosexuel et cela ne m’empêche pas de vivre librement ma sexualité. Je n’ai jamais eu de confrontation avec quiconque puisque, en général, cela ne se manifeste en rien dans mes rapports avec les gens. Un jour, on a demandé à  quelqu’un, en anglais: «Are you gay?» (Etes-vous homosexuel?) Et il a répondu: «Yes, but only below the belt and only in the bedroom!» (Oui, mais seulement au-dessous de la ceinture et dans la chambre à coucher». Selon moi, ça résume un peu la vérité.

Affichez-vous librement votre homosexualité en dehors de votre entourage?
C’est là que je ressens le vrai challenge. Lorsque je sors dîner en couple ou que je vais au cinéma, j’ai souvent envie de montrer ou de partager de l’affection avec la personne que j’aime. Je me retiens de le faire en public, même s’il ne s’agit que de se tenir la main si l’envie nous prend, se serrer ou se faire un bisou. Même les couples hétéros ne se font pas de bisous ici! C’est très frustrant, parce qu’à la longue, c’est là que ça devient lourd et on a l’impression d’étouffer. La frustration que nous ressentons en public nous pousse à vouloir rentrer pour enfin nous dire que nous nous aimons. A mon avis, cela nous mènerait à devenir très claustrophobes. Je n’ai jamais été dans une relation assez longue pour savoir, mais j’estime que ça me dérangerait beaucoup. A ce moment, je vivrais ailleurs ou voyagerais souvent. Ou encore avoir le courage de faire la guerre en ville? Faut-il encore que la loi abolisse la menace d’emprisonnement avant de s’affronter aux personnes dans la rue… En tout cas, j’appréhende que cette pression déforme une relation… à voir!
Sinon, éventuellement, si je me trouve avec quelqu’un que j’aime et que nous ayons envie de fonder une famille, je ferais toute la paperasse à l’étranger. Je connais plusieurs couples gay mariés à l’étranger!

Propos recueillis par Anne Lobjoie Kanaan

 


Un prêtre approuve l’union gay!
Elie Geffray, maire d’Eréac en Bretagne, est aussi prêtre de l’Eglise catholique. Il soutient le projet de loi sur le mariage pour tous. C’est un oiseau rare! Elie Geffray avait été repéré par le quotidien régional Le Télégramme. Mariage civil et religieux… Et le mariage gay? La polémique sur l’objection de conscience pour des maires qui refuseraient de célébrer l’a fait sortir de sa réserve. «J’ai été tiré de ma torpeur, raconte cet homme vif bourré d’humour, par le journal local venu me demander mon avis. En tant que maire, je ne peux être que réglo avec la loi. Et dans ma position, je suis conscient de ce que signifie la séparation Eglise-Etat».

 

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