Parler de déconfessionnalisation au Liban tient de l’utopie. Preuve en est l’affaire du mariage civil optionnel qui, pour la deuxième fois, est mise sur le tapis et toujours rejetée des autorités religieuses, mais pas seulement. Une affaire ridicule s’il en est. Ce n’est, certes pas la première du genre, mais c’est, sans doute, la plus incompréhensible pour les esprits même les plus éclairés. Les couples libanais mariés à l’étranger devant M. le maire ou un notaire, sont inscrits aux registres de l’Etat-civil de leur pays et sont soumis à ses lois. Ils en sont privés s’ils se marient devant une autorité civile de leur propre patrie. Une mascarade qui remonte loin dans notre Histoire. Ceci fait sans doute l’affaire des pays qui accueillent les candidats au mariage civil. Mais quelle hypocrisie! Une de plus.
Partant de là, comment ne pas comprendre la difficulté de s’entendre sur une loi électorale? Chaque communauté ne chercherait-elle pas à garantir ses propres intérêts à travers les urnes? Ne rêvons pas. Nous ne sommes pas près de pouvoir vivre en commun au sein d’une administration laïque tout en respectant les croyances religieuses de chacun. Les exemples qui étayent cette conviction ne manquent pas. Mais la terre s’est arrêtée de tourner au Liban. Les citoyens retiennent leur souffle. Et ce n’est certainement pas dans l’attente d’un projet de loi électorale. Car tout laisse croire que l’on reviendra, sauf surprise ou même miracle de dernière minute, aux formules du passé, amendées «exceptionnellement et pour une fois». Rares sont ceux qui, au Pays du Cèdre, croient encore au changement. On en est arrivé même à souhaiter un retour en arrière lorsque les nationaux ne rêvaient que d’une chose: aller de l’avant et moderniser les institutions. Autre utopie.
Les grèves et les manifestations continuent de menacer les gouvernants qui croient pouvoir faire diversion en mettant des problèmes sur le tapis, les uns chassant les autres, dans l’espoir de fatiguer et de lasser les citoyens. La crise économique et sociale touche de plus en plus toutes les couches de la société et non uniquement les moins nantis. A la veille de chaque Conseil de ministres, les sujets inscrits à l’ordre du jour impressionnent par le nombre. Ils portent en général sur des questions d’ordre secondaire qui ne sont pas pour autant facilement réglées. Optimistes, malgré tout, les Libanais attendent toujours des décisions susceptibles d’améliorer leur quotidien. Mais en vain. Les rumeurs vraies ou fausses sur des faillites de tous genres, le chômage sans cesse en hausse, l’insécurité physique et morale qui plane sur l’ensemble du territoire, autant de facteurs d’angoisse pour les chefs de familles qui craignent pour le présent de leurs enfants avant de s’inquiéter de leur avenir. Tout semble se figer dans l’attente de cette loi magique qui fera parvenir sur les bancs de l’hémicycle les élus. Ils seront, hélas à peu d’exceptions près, comme tout semble l’annoncer, en 2013 les mêmes qu’en 2009 et, peut-être qui sait, en 2017. Le Liban, qui peut se vanter des qualités incontestables de ses citoyens, dont les talents et les compétences sont reconnus dans le monde, perd d’année en année cette richesse humaine. Les multiples alertes n’ont pas empêché le pays de vieillir. Plutôt que de bénéficier des galons prestigieux que lui offrent quatre grandes universités, jadis enviées de tous ses voisins, il se transforme au fil des ans en «pays de retraite». De plus en plus, ne restent dans le pays que ceux qui n’ont pas d’autre choix. Ou ceux qui ont fait la richesse des pays d’accueil et qui, nostalgiques, rentrent au bercail pour retrouver la douceur de vie qu’ils y avaient jadis connue.
On ne fera jamais assez appel à la jeunesse d’aujourd’hui. Il serait temps qu’elle se soulève contre ce qui lui est imposé. Elle seule peut faire bouger les choses et dynamiser les structures vieillissantes et croulantes.
Face à cette situation qui s’enlise, de jour en jour, dans une routine dont se contentent ceux qui restent dans le pays, les coups de gueule, expressions des déceptions mais aussi des ambitions, ne varient pas non plus.
Mouna Béchara