A l’occasion du mois de la Francophonie, Aurélien Lechevallier, diplomate, conseiller de coopération et d’action culturelle et directeur de la Mission culturelle française, répond aux questions de Magazine.
Selon Philippe Van Parijs, professeur d’éthique économique et sociale à l’UCL, pour «démocratiser la communication à l’échelle européenne, il est impératif d’avoir une langue commune, l’anglais», ajoutant que «le français deviendra de plus en plus une langue vernaculaire, parlée uniquement par les natifs»…
Je ne partage pas tout à fait cette vision des choses. D’abord, on oppose souvent les langues les unes aux autres. On pense que si, dans un pays, l’anglais progresse, les autres langues devraient nécessairement reculer. En réalité, les choses se passent différemment. Les langues se complètent, notamment au Liban, pays qui baigne dans un environnement linguistique très spécifique, dans un contexte plurilingue où la langue maternelle diffère selon les individus: pour certains, c’est l’arabe qui constitue la langue mère, pour d’autres c’est le français, l’anglais, l’arménien ou même l’espagnol. Nous sommes donc dans une situation à la fois très complexe et très riche. L’anglais est très utile voire indispensable. C’est la langue de la mondialisation et des échanges. Mais cela ne veut pas dire pour autant que le français va décliner, puisqu’on se rend compte que, dans un monde globalisé et d’échange, ceux qui réussissent sont ceux qui peuvent parler plusieurs langues. Comme on dit en bon français, ici au Liban, «French is a must». On pensait avant que les langues devaient être apprises de manière très cloisonnée. Pourtant, en utilisant la richesse plurilingue des élèves pour faire des passerelles entre les cours et en faisant évoluer les méthodes d’apprentissage, non seulement les résultats scolaires sont meilleurs mais aussi les élèves deviennent capables de progresser non seulement dans une langue mais aussi dans toutes les autres. Je trouve que l’avenir du Liban est plurilingue. Il n’y a pas une langue qui avance et d’autres qui reculent; il y a, au contraire, une nécessité d’apprendre les langues étrangères, de rester plurilingue et de profiter de cette richesse extraordinaire des Libanais.
Comment la francophonie participe-t-elle à l’instauration et au développement de la démocratie et à la mise en valeur de la diversité culturelle?
La diversité culturelle concerne toutes les civilisations, toutes les cultures et toutes les langues du monde. La francophonie en fait évidemment partie et dans toutes les réunions francophones, nous insistons sur les valeurs de démocratie, de liberté, de tolérance et de fraternité (principes qui font partie du socle commun de l’espace francophone).
Pratiquement, comment ça se passe?
Il existe pratiquement un niveau d’échange politique avec des rencontres et des forums organisés entre les dirigeants de la francophonie, dans le but de promouvoir les libertés et la démocratie. D’autre part, la dimension culturelle joue un rôle aussi important dans l’atteinte de ces objectifs; c’est celle dont nous nous occupons ici à l’Institut français du Liban à travers des rencontres, des débats d’idées, des spectacles, des programmes de mobilité de jeunes, favorisant ainsi cette réflexion sur la liberté, l’égalité et la fraternité.
La composante francophone de nos identités s’inscrit-elle réellement au sein d’une «diversité culturelle et linguistique»?
Dans notre esprit, oui. Il est erroné et même dangereux à mon avis de penser que la langue française doit être défendue comme la seule langue identitaire dans un pays comme le Liban par exemple. La langue française est très présente au Liban. Nous constatons, à travers les effectifs dans les écoles francophones ou encore à travers les demandes de cours de langue française dispensés dans les neuf sites de l’Institut français du Liban, qu’il y a une vraie demande de la part des Libanais de parler français, d’apprendre la langue quand ils ne la maîtrisent pas toujours.
Pourtant, dans les médias libanais, le français est quasi absent.
Je regrette qu’il n’y ait pas plus de français dans les médias. Nous travaillons sur plusieurs projets de partenariat avec la télévision, les magazines et les journaux. Dans la presse au Liban, la langue française continue d’occuper une place importante, mais à la télévision et sur Internet, c’est un vrai enjeu. Nous avons affaire à des partenaires qui ont une vision souvent commerciale des choses. Il est plus simple pour eux de créer des programmes en libanais, puisque les francophones libanais, les anglophones et ceux qui ne maîtrisent pas toujours la langue française comprendront le contenu de ces émissions. Ce qui fait que d’un point de vue commercial, il est plus rentable et plus intéressant de toucher tout le public d’un seul coup. Contre cette logique purement commerciale, il faut que nous apportions d’autres arguments visant à mettre en relief cette diversité linguistique au Liban, tout en entrant dans leur logique parfois commerciale. Un programme en français sur une thématique particulière est susceptible d’assurer des publicités haut de gamme touchant dans ce sens un public bien déterminé. Il faut cependant être très imaginatif et ne jamais renoncer à proposer des idées pour que les chaînes de télévision acceptent de monter des programmes en français. Au Liban, il y a beaucoup de chaînes de télévision françaises piratées et accessibles dans les foyers libanais. Il serait toutefois toujours très intéressant d’avoir des programmes en français sur les chaînes libanaises, pour des émissions purement libanaises, avec des thèmes choisis en fonction de l’actualité du pays, ou bien des jeux associant des étudiants, des acteurs et des chanteurs connus.
La francophonie pourrait-elle offrir une dimension complémentaire ou un autre choix que l’anglais dans la recherche d’une modernisation?
Les langues et les cultures sont complémentaires. Elles s’enrichissent mutuellement.
Pouvez-vous nous parler du mois de la Francophonie?
Le mois de la Francophonie est devenu un rendez-vous traditionnel. Chaque année depuis trois ans, en mars, nous organisons une grande fête avec des expositions, des rencontres artistiques, des tables rondes portant sur la langue française avec nos différents partenaires, les universités, les écoles, etc. Nous allons ouvrir ce mois sur le thème Rêvons la francophonie. Ce qui est très important aussi, c’est que nous organisons le mois de la Francophonie avec le ministère de la Culture et avec les autres ambassades francophones comme la Belgique, la Suisse, la Roumanie, le Canada et l’Agence universitaire de la francophonie (AUF).
Pourquoi avez-vous choisi les Fables de La Fontaine comme thème?
C’est un thème très intéressant qui touche les enfants. Les Fables comportent une certaine sagesse qui fait aussi réfléchir les grands. La salle d’exposition sera décorée avec des motifs des Fables de La Fontaine qui nous font penser à l’avenir de notre pays, de la langue, de la culture et des relations des uns avec les autres.
Propos recueillis par Natasha Metni
Rêvons la francophonie
Une édition étoffée et diversifiée
Après le succès du mois de la Francophonie 2012, les services de l’ambassade de France à Beyrouth se mobilisent pour développer une programmation 2013 étoffée et diversifiée, accessible à tous. Intitulée Rêvons la francophonie, cette dernière sera évoquée autour du thème des Fables de Jean de La Fontaine, à travers des activités pluridisciplinaires durant tout le mois de mars 2013. A vos agendas.
Vendredi 1er
– Exposition de l’artiste graffeur Tanc. Vernissage à 18h30, à la médiathèque de l’Institut français du Liban (IFL). Se poursuit jusqu’au 23.
– Quatorze fables de La Fontaine, exposition autour des œuvres de Willy Aractingi. Vernissage à 19h. Se poursuit jusqu’au 23, dans le hall d’entrée du théâtre Montaigne.
– Manège des fables, exposition de Nicole Bouldoukian. Se poursuit jusqu’au 23 mars, à la salle d’exposition de l’Institut français du Liban.
– Carole Bouquet lit Lettres à Génica, à partir d’extraits d’œuvres d’Antonin Artaud, à 20h, au Théâtre Montaigne.
Tarifs: 20 000 L.L. (tarif étudiant) –
40 000 L.L. (tarif plein).
Renseignements et réservations
au (01) 420 200.
Jeudi 7
– Les pâtissières, pièce de Jean-Marie Piemme, mise en scène par Nabil el-Azan, à 20h30, au théâtre Tournesol, Tayouné. Se poursuit jusqu’au 10.
Tarifs: 20 000 L.L. (tarif réduit) –
30 000 L.L. (tarif plein).
Renseignements et réservations
au (01) 381 290.
Mercredi 13
– Histoires d’arbres, spectacle de marionnettes par la compagnie Les amis des marionnettes, à 17h, au théâtre Montaigne. A partir de 7 ans.
Informations et réservations au (01) 420 234.
Tarifs: 10 000 L.L. – gratuit pour les accompagnateurs.
Séances scolaires, les 6 et 22 mars à 9h30 et 11h30.
Informations et réservations auprès de Ketty Abboud au (01) 420 274.
Jeudi 14
– Tous les hommes dansent, conte musical de Zad Moultaka, à 20h30 à l’auditorium Emile Boustany.
Tarifs: 45, 55, 75 et 85 $.
Points de vente: hôtel al Bustan, Librairie Antoine ABC Achrafié, ABC Dbayé, Beirut Souks, Hamra.
Informations et réservations
au (04) 972 980 / 1/ 2.
Vendredi 15
– Concert de Karim Gharbi, avec le soutien de Wallonie-Bruxelles International, à 20h, au théâtre Montaigne.
www.karimgharbi.com
Jeudi 21
- Wagons libres, de Sandra Iché. Production: association Wagons Libres. Les 21 (en français) et 22 mars (en anglais), à Ashkal Alwan, à 20h30.
Entrée libre – nombre de places limité. Réservations au (01) 423 879.
victoria@ashkalalwan.org
Vendredi 22
– Les Indomptables, musique des mondes, jazz, danse, acrobatie, génétique ou astrophysique. Ce spectacle est présenté dans le cadre du festival La voix est libre.
Durée: deux heures avec entracte.
Tarifs: 15 000 L.L. (tarif étudiant) –
30 000 L.L. (tarif plein).
Renseignements et réservations
au (01) 420200.
Vendredi 22
– Rhizomes, spectacle musical présenté dans le cadre du festival La voix est libre.
Durée: deux heures avec entracte.
Les 22 et 23 mars au théâtre Montaigne.
Tarifs: 15000 L.L. (tarif étudiant) –
30000 L.L. (tarif plein).
Renseignements et réservations
au (01) 420200.
Prolongation des festivités pour un after inoubliable, produit par L’Onde & Cybèle, à partir de 23h, au Métro al-Madina (Hamra).
Tarif: 25000 L.L.
Informations et réservations au (76) 309363.
www.facebook.com-MetroAlMadina?ref
=ts&fref=ts
www.jazznomades.net
LES ATELIERS DES ENFANTS
Renseignements et inscriptions au (01)420234.
Nombre de places limité. Tarif: 10000 L.L.
Chaque vendredi, les artistes reçoivent simultanément un groupe d’enfants pour une heure, de 15h à 16h. L’heure suivante, de 16h à 17h, les groupes permutent d’ateliers.
Ecriture et initiation au graffiti
Vendredi 8. Public: 11-15 ans.
– Atelier d’écriture, avec Valérie Cachard, au théâtre Montaigne.
– Atelier d’initiation au graffiti, avec l’artiste Tanc, en salle d’exposition.
Initiation au théâtre et sculpture sur fer
Vendredi 15, à l’espace des Lettres de l’Institut français de Beyrouth.
Public: 9-11 ans.
– Atelier d’initiation au théâtre, avec Camille Brunel-Aoun, au théâtre Montaigne.
– Atelier Fablobouédoi, sculpture sur fer, avec Nicole Bouldoukian, en salle d’exposition.
Théâtre en carton, danse
Vendredi 22 mars, à l’Espace des Lettres de l’Institut français de Beyrouth.
Public: 6-9 ans.
-Atelier de marionnettes, théâtre de carton, avec l’association Les amis de la marionnette, en salle d’exposition.
– Atelier de danse avec Lisette Chéhadé, au théâtre Montaigne.
Sur les sentiers du gout
Avec le Dr Noha Baz et le chef Sylvain Arthus. Public: 4-8 ans.
Mercredi 6 mars et mercredi 20 mars, de 15h à 16h30 en salle d’exposition.
LES ATELIERS DES SCOLAIRES
Ateliers artistiques destinés aux élèves des niveaux primaire et complémentaire.
Les ateliers auront lieu du lundi au jeudi, de 10h à 12h.
Nombre de places limité.
Informations et réservations auprès de Ketty Abboud au (01) 420274.
Du lundi 4 au jeudi 7
– Atelier d’écriture avec Valérie Cachard, au théâtre Montaigne.
Public ciblé: élèves de 5e, 4e, 3e et 2nde.
– Atelier d’initiation au graffiti avec l’artiste français Tanc, en salle d’exposition.
Public ciblé: élèves de 5e, 4e, 3e et 2nde.
Du lundi 11 au jeudi 14
– Atelier d’initiation au théâtre avec Camille Brunel-Aoun, au théâtre Montaigne.
Public ciblé: élèves d’EB4, EB5 et EB6.
– Atelier Fabloboudédoi, sculpture sur fer, avec Nicole Bouldoukian, en salle d’exposition.
Public ciblé: élèves d’EB4, EB5 et EB6.
Du lundi 18 au jeudi 21
– Atelier de danse avec Lisette Chéhadé, au théâtre Montaigne.
Public ciblé: élèves d’EB1, EB2 et EB3.
– Atelier de marionnettes, théâtre de carton, avec l’association Les amis de la marionnette, en salle d’exposition.
Public ciblé: élèves de 6 à 9 ans.
Vendredi 15
L’apprentissage du débat public, de la formation citoyenne et de la défense des valeurs d’égalité, de 8h30 à 15h, en salle de conférence et au théâtre Montaigne de l’IFL.
Entrée libre, les établissements conventionnés et homologués partenaires du réseau AEFE (Agence pour l’enseignement français à l’étranger).
La voix est libre
«Manifeste pour la musique libre, créative, reconnue vivante, vibrante et respirante, La voix est libre offre asile aux artistes hors pistes, mais aussi aux scientifiques
et penseurs porteurs d’un éclairage salvateur sur un monde en pleine mutation.»
Julie Bordenave – Mouvement
Célébration du «libre-étrange», hymne à la rencontre lancé tel un geste vital contre le clivage des genres et des identités humaines, La voix est libre est une manifestation connue pour mélanger des créateurs, poètes et scientifiques dans un théâtre prestigieux : les Bouffes du Nord, où Peter Brook donna asile à des générations d’artistes venus d’ailleurs. Paroles savantes et populaires, langage musical et corporel… le festival propose des rencontres tantôt mûrement préparées, tantôt confiées à la grâce de la spontanéité, en
associant des artistes de tous horizons (Josef Nadj, Camille Boitel, Archie Shepp, Brigitte Fontaine, Louis Sclavis, Arthur H…), partageant un même amour pour le dialogue transculturel et les chemins de traverse.
Joué chaque année devant un public fervent, voyageant de ville en ville (Théâtre Garonne/Toulouse, scènes nationales de Calais et
d’Annecy…), le festival est accueilli pour la première fois à l’international pour deux soirées au ton fureteur et atypique, honorant la liberté d’expression au sens le plus
intransigeant. Les prodiges de la jeune
génération se feront l’écho des paroles
essentielles d’Edouard Glissant et d’Albert
Jacquard, prouvant que l’art n’est jamais loin de la pensée, ni la pensée de l’humain…