L’ambassade d’Espagne, en collaboration avec le Conservatoire supérieur national de Musique et la Fondation Résonnance, présente un concert interprété par l’Orchestre philharmonique libanais dirigé par le chef d’orchestre espagnol Jordi Mora, le vendredi 8 mars, à 20h30, à l’Eglise Saint-Joseph des Pères jésuites, rue Monot.
Vous avez étudié la direction d’orchestre avec Sergiu Celibidache, l’un des plus grands de l’histoire. Que vous a apporté cet enseignement? Et comment l’intégrez-vous dans vos propres cours?
Apprendre avec Celibidache m’a permis, non seulement de comprendre en grande profondeur les structures musicales, mais aussi la vie elle-même: la musique et la vie sont intimement liées. Comprendre, ou plutôt, vivre la musique, nous aide à nous comprendre et à donner un sens à tout ce que nous faisons. Etudier avec lui exigeait un dévouement total et chaque jour présentait une occasion unique et nécessaire pour apprendre. Tous ses préceptes peuvent se résumer en une seule phrase: apprendre à «écouter» et ce, depuis la plus petite phrase musicale jusqu’à l’expérience de l’œuvre entière. Avec lui, l’intégration du savoir n’a de sens que si vous faites de ces connaissances acquises les «vôtres». Il ne s’agissait pas d’imiter ce qu’il disait ou ce qu’il faisait, mais de comprendre que ce qu’il enseignait était d’une essentialité assez profonde, et que ses instructions n’auraient pas de sens si on ne réalise pas que toute vraie connaissance est pour tous et de tous. C’est le message le plus important que j’essaie de transmettre et d’enseigner à mes élèves: la musique comme expérience directe de l’unité, créée à partir d’une relation correcte entre une multiplicité de rythmes, mélodies et harmonies.
Vous avez été membre du jury de plusieurs concours. Quels sont, selon vous, les critères d’un bon chef d’orchestre?
Le critère le plus important pour évaluer un directeur est d’observer sa capacité d’«écouter», c’est-à-dire sa capacité de rassembler les musiciens autour d’un discours musical unique. Ensuite, il y a le niveau de connaissance de l’œuvre, la clarté et la fonction du geste et, finalement, la force de la communication.
Quels compositeurs seront mis à l’honneur lors du concert du 8 mars prochain?
Le programme est assez varié et intéressant. D’abord, l’extraordinaire symphonie N°3 de Brahms, un monument musical du romantisme allemand. Ensuite, une attachante œuvre musicale appelée Ison,d’un compositeur libanais actuel, Zad Moultaka, suivie d’un morceau intitulé, Nocturne, du meilleur compositeur catalan du XXe siècle, Eduard Toldrá, où celui-ci décrit impeccablement la vie nocturne de la mer Méditerranée. Et enfin, l’une des plus grandes œuvres du répertoire orchestral espagnol: Sombrero de Tres Picosde Manuel de Falla.
Est-ce votre première collaboration avec l’Orchestre philharmonique libanais? Et avez-vous des attentes particulières?
En effet, c’est la première fois que je dirige l’Orchestre philharmonique libanais. J’ai déjà entendu dire beaucoup de bien de cet orchestre et je suis convaincu qu’on sera très à l’aise durant les essais et que le concert sera un succès.
Vous avez collaboré avec plusieurs orchestres de par le monde. Avez-vous à chaque fois une approche différente?
Chaque pays a une façon d’être différente et, à partir de ce fait, il faut savoir comment traiter et se connecter avec les différents musiciens qu’on rencontre dans le monde. Un orchestre allemand ou américain est beaucoup plus discipliné dans ses essais que les orchestres des pays du Sud, comme l’Espagne, la Grèce, l’Argentine et le Venezuela. Cependant, l’avantage des orchestres de ces pays est leur grande capacité à être spontanés, surtout au moment du concert. Les orchestres qui réussissent à combiner ces deux qualités sont naturellement les plus riches en ressources et où la production de la musique est particulièrement fascinante.
Vous venez au Liban, malgré la situation trouble du pays…
J’ai connu le Liban il y a quelques années et j’ai adoré sa beauté et l’esprit ouvert de ses habitants, ainsi que leur sympathie et leur hospitalité extraordinaires. Quand la Fondation Résonnance-Liban, que je remercie profondément, m’a suggéré la possibilité de contacter l’ambassade d’Espagne au Liban et l’Orchestre philharmonique libanais, je n’ai pas hésité un instant à accepter cette invitation très spéciale, souhaitant même que cette collaboration puisse se répéter dans un proche avenir. La musique est un moyen idéal de s’unir et de créer l’harmonie. Si la situation dans le pays est délicate, cela nous donnera une raison de plus pour vivre, avec encore plus d’intensité, la paix et la sérénité créées par la musique.
Propos recueillis par Nayla Rached