Magazine Le Mensuel

Nº 2886 du vendredi 1er mars 2013

general

Scandale al-Madina. Retour sur le tapis judiciaire

Le scandale de la banque al-Madina refait surface. Le procureur général près la Cour de cassation, Hatem Madi, a ordonné la réouverture du dossier qui avait occupé le pays pendant des mois, voire des années et qui n’avait jamais vraiment été résolu.

L’affaire de la banque al-Madina s’était arrêtée net il y a quelques années, alors que tout le monde attendait que la vérité soit faite. Des rumeurs ont couru pendant longtemps sur le rôle de l’héroïne du scandale, l’ancienne secrétaire exécutive de l’établissement, Rana Koleilate. D’autres ont porté sur le travail des juges. Puis tout est tombé dans l’oubli. La récente décision du procureur Hatem Madi ramène l’affaire sur le devant de la scène.
La crise de la banque remonte au début de l’année 2001. Le procureur général de l’époque, Adnan Addoum, y avait mis fin, alors que le gouvernement belge dénonçait un blanchiment d’argent. En mars 2001, la Commission de contrôle des banques recommande une intervention des instances compétentes de la Banque du Liban (BDL) dans la gestion de l’établissement. Mais le Conseil supérieur bancaire, soucieux d’éviter la panique, a laissé à la banque le soin de régulariser sa situation.
Cependant en février 2003, la banque connaît des difficultés de solvabilité et la commission d’enquête de la BDL décide de lever le secret bancaire. Un nouveau délai lui est accordé pour lui permettre de régler les sommes dues. Le scandale éclate dans la première semaine de juillet 2003. La Banque du Liban  accuse les propriétaires de la banque, mise sous tutelle pour soupçon de blanchiment, d’avoir détourné plusieurs centaines de millions de dollars.
Le 17 septembre 2003, un mandat est lancé contre Adnane Abou Ayache. Ibrahim Abou Ayache, son frère, est arrêté et libéré fin 2004 mais repris en 2006 par les autorités jordaniennes.
En 2009, deux lettres sont adressées par les frères Abou Ayache à la Commission supérieure des banques. Ils proposent de régler l’affaire à l’amiable. Ainsi, les pourparlers ont abouti à un compromis: liquider les deux banques, contre le règlement des pertes et des dettes des deux frères. En 2010, ces derniers publient deux annonces séparées, appelant les actionnaires de la banque al-Madina et la United Credit Bank à tenir deux assemblées générales extraordinaires pour trancher la liquidation des deux institutions.
Rana Koleilate, elle, est accusée d’être l’initiatrice d’une fraude financière, qui aurait provoqué le gaspillage de plus d’1,2 milliard de dollars. Elle est présumée avoir exécuté une série de faux visant à transférer des fonds sur des «comptes» fictifs. De décembre 2002 à février 2003, elle aurait émis plus de 400 chèques, tirés sur son compte, entraînant une crise de liquidités et l’effondrement de la banque. Koleilate, et neuf autres personnes, sont inculpées par les autorités libanaises dans le scandale. Elle est arrêtée et mise derrière les barreaux. Elle réussit à s’enfuir du Liban en 2005. Le 12 mars 2006, elle est arrêtée à Sao Paulo. Elle tente de se suicider en se tranchant les poignets. Cependant, elle ne fait l’objet d’aucune demande formelle d’extradition car entre le Liban et le Brésil, il n’existe pas de traité d’extradition. Quelques mois plus tard, elle est relâchée par les autorités brésiliennes.
La nouvelle décision du procureur général permettra-t-elle de rouvrir le dossier ou subira-t-elle le même sort que les précédentes?

Arlette Kassas

Dans le magazine Fortune
Un article paru le 15 mai 2006 dans le magazine économique Fortune, établit un rapprochement entre l’affaire al-Madina et l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri. Selon l’auteur, ce dernier aurait été assassiné pour avoir eu l’intention d’ouvrir ce dossier une fois de retour au pouvoir.
Toujours selon Fortune, la banque aurait été impliquée dans de nombreuses affaires de corruption touchant les plus hautes sphères économiques et politiques, principalement libanaises et syriennes. L’article évoque un réseau de blanchiment d’argent permettant la réinjection de dollars dans le circuit bancaire international, issus aussi bien des trafiquants de diamants d’Afrique de l’Ouest que des réseaux mafieux, ou des proches de Saddam Hussein, violant l’embargo sur l’Irak.

 

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