Pour sa 31e édition, le Festival libanais du livre a été inauguré le samedi 2 mars, à Antélias. Activités, signatures, tables rondes et conférences diverses auront lieu tous les jours, de 10h à 21h, et ce, jusqu’au 17 mars. Les principaux thèmes concernent la culture, les religions, l’environnement, l’art, la littérature, le rôle de la femme dans le monde, l’enseignement, le domaine juridique, le théâtre…
«Tant que la lecture est pour nous l’initiatrice dont les clés magiques nous ouvrent au fond de nous-mêmes la porte des demeures où nous n’aurions pas su pénétrer, son rôle dans notre vie est salutaire».
Mais, pour la plupart des Libanais, lire est devenu synonyme de vieillir. La preuve: des livres gisant sur les étagères des stands au Salon du livre à Antélias, dont les mots, le savoir et la culture attendent d’être inspirés par un quelconque lecteur. C’est avec beaucoup de peine qu’écrivains, éditeurs, peintres et vendeurs ont fait part de leurs impressions quant à ce sujet.
Farès Ghossoub, peintre, dessinateur et sculpteur au rayon el-Farabi, affirme avec regret qu’une grande partie des Libanais ne s’intéresse plus à la lecture, et pour cause, l’invasion de ce dieu surnommé la technologie. Les nouvelles générations sont désormais obnubilées par Internet, et tout leur intérêt n’est porté que vers ce que leur procure l’écran. «Heureusement qu’il existe encore et toujours quelques intellectuels que la passion pour les livres attire vers ces rayons avides de lecteurs», soupire-t-il. De son côté, Carla Hassoun, étudiante en sciences politiques et relations internationales à l’Université La Sagesse, constate que le pourcentage des gens qui se rendent régulièrement au Salon du livre diminue d’année en année. Ceci est principalement dû à la disponibilité de livres gratuits sur les différents sites, de manière à ce que tout le monde puisse y avoir accès. A la question «Que faites-vous pratiquement pour encourager les jeunes à lire?», Hassoun insiste sur la réduction du prix des livres.
Professeure de sociologie à l’Université Saint-Joseph, Annie Tabet préfère les pages des bouquins, accordant beaucoup d’importance au contact avec le livre. Interrogé sur l’importance de la lecture, Joseph Moufarrej, écrivain et éditeur à el-Ajyal, études et éditions, présente les multiples activités que son équipe et lui organisent fréquemment pour inciter les générations à s’intéresser aux livres. En effet, la maison culturelle à Delb Country Club propose des conférences et des débats à tous les niveaux: culturel, historique, politique, etc. Des discussions portant sur la sortie de nouveaux livres ont lieu également dans cette maison culturelle au sein d’un «cénacle». «Très peu de gens achètent des livres de nos jours. Mais l’essentiel, c’est de résister à cette crise afin de protéger la valeur et le patrimoine culturels», martèle-t-il. Selon lui, chaque livre est susceptible de créer une atmosphère unique baignant son lecteur dans un univers exceptionnel. Internet est, certes, indispensable aujourd’hui, mais lorsque nous exposons les livres dans les écoles par exemple, dans les clubs, dans la presse et dans les festivals, nous encourageons les jeunes à se tourner vers la lecture et à éviter la violence et la guerre. «Ceux qui brûlent des livres finissent tôt ou tard par brûler des hommes», disait Heine. Et nous ne voulons pas en arriver là, ou plutôt, continuer dans cette voie. Les médias accélèrent effectivement le processus de régression du niveau de culture au Liban, vu qu’ils n’accordent pas assez d’importance à ce domaine. Loin d’être dans un esprit culturel, tendant plutôt vers le commercial, les médias feraient mieux d’encourager les maisons d’édition et les librairies, en présentant des émissions culturelles. Espérons finalement que le Liban réussira à se libérer de cette toile arachnéenne qu’est la technologie, et à dépasser sa soif de l’instantané…
Natasha Metni
Le Salon transformé en lieu de prière
Derrière les livres du stand Dar An-Nahar, un journal étalé sur le sol; à côté, des chaussures. Pieds nus, un jeune homme se tient bien droit sur le journal, yeux fermés, doigts croisés, chuchotant quelques mots, s’apprêtant à s’agenouiller pour la prière de midi…
La biographie du Pr Philip Salem
Rebelle, homme de sciences, humaniste
C’est sous cette triple qualification que le plus célèbre des oncologues et chercheurs libanais est décrit, en titre de sa biographie, écrite par notre consœur Maha Samara. Le livre, publié par al Saqi et Dar annahar, retrace non seulement les moments phare de la vie du professeur Philip Salem, mais également sa vision du monde et du Liban. Celle d’un libre penseur.
Le mardi 26 février dernier, un hôte de marque était attendu par une foule d’amis, de personnalités et de journalistes, à l’hôtel le Bristol, à Beyrouth. On attend fébrilement le fils du pays, celui qui a brillamment réussi sa carrière de médecin et de chercheur, celui qui a un centre médical pour l’oncologie en son nom, à Houston, aux Etats-Unis. Un médecin, mais aussi, et peut-être encore plus, un humaniste, mondialement réputé et reconnu pour son acharnement à lutter contre la maladie du siècle, le cancer sous toutes ses formes.
Il a su rester lui-même
A l’occasion de la signature de sa biographie, une table ronde a été organisée, au cours de laquelle les principales étapes du parcours médical du Pr Salem ont été passées en revue. De ses premiers pas dans la médecine jusqu’au jour, historique pour tous les malades atteints de cancer, où il en a parlé comme d’une maladie qu’on peut vaincre, à l’instar d’autres pathologies.
Son secret tout au long de ce parcours jalonné de succès? Il a su rester lui-même, de bout en bout. C’est d’ailleurs certainement ce qui lui a permis, non seulement de pousser ses recherches, mais aussi de savoir rester avant tout humain avec les patients.
C’est le patient, en effet, qui constitue le pivot de toutes les recherches et de tout le travail assidu du professeur Salem.
C’est toujours le patient qui le poussera à contrer les idées reçues, à croire en une issue presque toujours possible, à mener tous les combats, même les plus difficiles.
Le centre Salem pour l’oncologie, situé à Houston depuis 1991, est aujourd’hui largement reconnu dans le monde entier comme pratiquant une approche aussi scientifique qu’humaine envers les malades.
Dans les pages de l’ouvrage de Maha Samara, on découvre aussi une autre passion du Pr Salem: la politique. En bon humaniste, le cancérologue s’intéresse au monde qui l’entoure, notamment à la politique libanaise, dont il a une vision très libre et très pure. Une vision et un intérêt très certainement portés par les épreuves vécues en temps de guerre. Le pays divisé en cantons, le passage difficile de sa résidence à Halate vers son lieu de travail, alors l’Université américaine de Beyrouth, l’enlèvement heureusement manqué… Autant de souvenirs qui ont laissé une trace indélébile chez Salem, qui rêve non seulement de guérir tous ses patients, mais aussi d’aider le Liban à se relever de tous ses maux.
Joumana Nahas
Une philosophie de la médecine
La biographie de Philip Salem est non seulement agréable à lire, mais elle est par ailleurs passionnante, en ce qui concerne la vision des choses d’un homme de bien. C’est que pour le professeur Salem, la médecine reste avant tout une véritable mission, une intercession entre la main du Créateur et les malades.
Pour parvenir à soigner les gens en donnant le meilleur de soi-même, il faut avant tout se munir du savoir. Ce que l’oncologue qualifie de pilier de la médecine. Or, la recherche et le savoir ne doivent jamais trouver de limites. Ils se doivent d’aller de pair, et tout médecin se doit de rechercher toujours plus loin des solutions. A ce niveau, Salem relève que la modestie est l’une des clés de la réussite, puisque c’est elle qui va servir de levier à la recherche.
Pour un homme de cœur, la recherche et le savoir seuls ne suffisent cependant pas. Car pour soigner, il faut encore savoir le faire avec le cœur autant qu’avec la raison. Ainsi, les plus beaux moments de la carrière du professeur Salem sont, de son propre aveu, ceux, nombreux, où il a vaincu la maladie et redonné une nouvelle vie à des personnes atteintes de cancer. Les médailles et autres distinctions de mérite ne sont plus alors qu’une simple reconnaissance, certes agréable, mais secondaire. L’essentiel étant la vie, sacrée. Non pas celle du praticien, mais bien celle du seul malade.