Magazine Le Mensuel

Nº 2887 du vendredi 8 mars 2013

general

Réfugiés syriens. Bientôt un million au Liban

C’est une barre symbolique en passe d’être franchie. Aux dizaines de milliers de travailleurs syriens qui se sont installés au Liban ces dernières années, s’ajoutent désormais les centaines de milliers de réfugiés fuyant les combats. Un véritable défi pour l’Etat libanais.

Plus de 40000 Syriens fuient leur pays chaque semaine et le total des exilés dépassera probablement le million dans moins d’un mois, a déclaré la semaine dernière Antonio Guterres, haut commissaire de l’Onu aux réfugiés, devant le Conseil de sécurité. Pour le moment, 936 000 réfugiés syriens ont été recensés au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Leur nombre a été multiplié par trente depuis avril. «Nous nous attendons à avoir 1,1 million de réfugiés syriens d’ici juin. (…) Le nombre de réfugiés est stupéfiant, mais il ne donne pas la pleine mesure de la tragédie. Les trois quarts sont des femmes et des enfants. Beaucoup ont perdu des membres de leurs familles. La plupart ont tout perdu», a-t-il souligné.
Vendredi dernier, Marwan Charbel a donné, pour le Liban, des chiffres impressionnants. Selon ceux qui sont actuellement disponibles auprès de la Sûreté générale «le nombre de ressortissants syriens ayant traversé la frontière vers le Liban se situe aux alentours de 907 000». Au-delà des nombres, le ministre de l’Intérieur a dressé le portrait de ces ressortissants. «Ils sont divisés en trois catégories: les déplacés fortunés ayant les moyens de louer des appartements et pouvant vivre sans l’aide de la communauté internationale ou du gouvernement libanais, les journaliers qui travaillaient au Liban et qui y sont restés à cause du conflit et ont appelé leurs familles à les rejoindre, ainsi que les réfugiés pauvres – constituant la catégorie la plus importante – qui ont besoin urgemment de l’aide du Liban et de la communauté internationale».

+400%, selon le Pnud
Le représentant du Pnud au Liban, Robert Watkins, explique qu’au «cours des derniers mois, le nombre de réfugiés a nettement augmenté. Ainsi, une hausse de 400% a été observée en comparaison avec les chiffres enregistrés il y a moins d’un an». Le plus gros problème pour l’Etat libanais est sans doute les centaines de milliers de réfugiés qui ne sont pas enregistrés auprès d’une quelconque autorité. Selon les derniers chiffres de l’UNHCR, seuls 317000 réfugiés ont été enregistrés. Les organisations internationales disent que le même nombre de réfugiés, au moins, a échappé à leurs écrans radars. Cette situation alarmante a conduit le ministre des Affaires sociales, Waël Abou Faour, à sonner l’alarme. «Que ferons-nous si le nombre de réfugiés double ou triple ou si, encore à l’avenir, avec la fin du conflit en Syrie, un certain nombre d’entre eux décidaient de rester au Liban? Quel que soit le régime qui sera mis en place après celui du président Bachar el-Assad, il y aura inévitablement des opposants qui préféreront rester dans les pays voisins, dont le Liban».
Ragheb Assi, directeur des projets de développement au Pnud, brosse un tableau de la situation dans le Akkar et la Békaa, qui accueillent la très grande majorité des nouveaux arrivants. Dans cette zone, explique-t-il, «les dépenses des familles ont augmenté et les revenus ont baissé. Les agriculteurs libanais ayant des terrains à la frontière n’y ont plus accès. Les communautés hôtes se sentent lésées car la majorité des aides est versée aux réfugiés syriens, alors qu’elles, aussi, vivent dans l’indigence. Les Libanais font face à la compétition des ouvriers syriens qui sont des journaliers ou encore qui ouvrent de petits commerces comme des boulangeries et des épiceries faisant ainsi baisser le maigre chiffre d’affaires des commerçants libanais».
Constatations faites, la «solvabilité» de ces réfugiés pose un véritable problème. La pression est aussi économique que sécuritaire, selon les dires du ministre Charbel. Le chantier s’annonce gigantesque.

Julien Abi Ramia

Les aides tardent à venir
Valerie Amos, secrétaire générale adjointe pour les affaires humanitaires, également entendue par le Conseil de sécurité, a quant à elle invité les pays donateurs ayant pris des engagements lors de la conférence du 30 janvier au Koweït à débloquer les fonds. Sur le milliard et demi de dollars promis, seuls 200 millions ont effectivement été versés. «Il s’agit d’une crise qui dépasse complètement nos capacités. Je suisextrêmement inquiète de son coût croissant. Nous avons sollicité 1,5 milliard de dollars pour les six prochains mois. Ce chiffre n’est déjà plus d’actualité».

 

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