La célèbre prison de Roumié, dont la construction a duré plusieurs années, a été au cœur d’un scandale qui a secoué la scène politique au début des années soixante-dix.
Le 27 octobre 1970, le Premier ministre, Saëb Salam, soulève un scandale: la construction de la prison, supposée coûter six millions de L.L., aura coûté quarante-trois millions. L’affaire met en cause le Conseil exécutif des grands projets présidé par Malek Salam, frère du chef du gouvernement.
Le 3 mars 1961, le directeur des Bâtiments aux Travaux publics, Mitri Nammar, déclare que trois millions de L.L. ont été allouées pour entamer des travaux d’une prison modèle à Roumié. Elle comportera des ailes séparées pour hommes, femmes et jeunes délinquants, ainsi qu’un hôpital, des ateliers, une bibliothèque, une salle de conférences et des terrains de sport. Elle sera considérée comme une prison centrale et recevra les condamnés à plus de trois mois. Le coût total du projet est évalué entre six et huit millions L.L., et la durée des travaux estimée à deux ans et demi.
Un an plus tard, le 16 mars 1962, le ministre Pierre Gemayel pose la première pierre du projet, conçu par l’architecte Pierre Khoury qui avait remporté le premier prix au concours lancé par le Conseil exécutif des grands projets. Le délai de l’achèvement définitif des travaux est fixé à trois ans. Les coûts sont majorés et atteignent dix millions de L.L.
D’une superficie de 30000 mètres carrés, la prison est conçue pour recevoir 2500 à 3000 prisonniers au maximum. Le complexe pénitencier est également équipé d’un hôpital, d’ateliers et de terrains de sport. La prison des femmes est prévue dans une enceinte séparée. Elle est composée de cellules individuelles et d’autres collectives.
Propos «fantaisistes»
Dans une entrevue télévisée, le président Salam révèle le scandale et la polémique éclate. Malek Salam qualifie les propos de son frère de «fantaisistes». Il affirme que le coût des travaux avait été estimé dès le début à plus de trente-cinq millions de L.L, et qu’il n’a jamais été question qu’il soit de six millions de L.L seulement.
Un rapport du ministre des Travaux publics sur ce scandale parle de dilapidation et de détournements de fonds. Une enquête est ouverte. Elle devait préciser la manière dont ont été gérés les travaux de la prison de Roumié. Mais Malek Salam refuse de collaborer et de fournir les chiffres et le processus selon lequel les travaux sont exécutés.
Le 25 novembre 1970, le Conseil des ministres prend la décision de révoquer Malek Salam et Henri Naccache, respectivement président et membre du Conseil exécutif des grands projets, pour non-collaboration dans l’enquête mise en place. Deux jours plus tard, la police envahit les lieux du Conseil exécutif des grands projets pour empêcher la destruction des documents relatifs à l’affaire qui prend de l’ampleur. La révocation de Malek Salam et d’Henri Naccache est définitive. Le 9 décembre, le Conseil des ministres nomme Mosbah Natour président du Conseil exécutif des grands projets, et Georges Maroun remplace Henri Naccache. L’affaire est réglée. C’est une affaire unique du genre et une première que le frère du chef du gouvernement soit accusé et révoqué dans le cadre d’un scandale administratif de cette envergure.
Arlette Kassas
Les informations citées dans cet article sont tirées des articles sur Internet et du Mémorial du Liban: mandat Sleiman Frangié de Joseph Chami.
4760 prisonniers
La prison de Roumié est conçue d’abord pour recevoir 1000 prisonniers, puis 2500 et 3000 au maximum. Elle héberge actuellement plus de 4760 détenus. La prison connaît des troubles depuis des années. Elle est confiée à un commandant de brigade des prisons centrales. Elle requiert des travaux énormes pour être modernisée. Depuis quelques mois, des commissions ont été formées pour étudier en profondeur le problème de cette prison et d’autres. Des suggestions sont avancées pour des solutions au surpeuplement, à l’augmentation du nombre de médecins en charge de la santé des détenus, à la construction d’une cuisine moderne dans laquelle seront assurées une bonne cuisine et une saine nourriture à tous les prisonniers. Mais ces réformes attendent toujours.