Son étoile brille dans le monde de la boxe professionnelle après s’être imposé pendant des années en amateur à Montréal. Quatre fois champion du Québec, deux fois champion du Canada, boxeur de l’année en 2001, il fait un saut chez les professionnels en 2006. Après avoir mis entre parenthèses sa carrière de 2007 à 2011, il revient en force, après avoir remporté une victoire contre le boxeur canadien Tyler Asselstine, dans un match retransmis en direct par la chaîne Espn2. Portrait de Baha Laham.
Du Liban, sa terre natale, il a gardé des souvenirs bien ancrés dans sa mémoire. Celle d’une enfance où la famille occupait une grande place et qu’il retrouve aujourd’hui à travers des milliers de photos qu’il possède. Les pique-niques à Nabeh el-Safa, l’odeur du kafta et du chich taouk que son père faisait cuire sur le gril, les bouteilles qu’il plongeait avec son frère dans l’eau du fleuve et qu’ils ressortaient bien fraîches. «Mes jours au Liban sont certainement les plus beaux instants que j’ai passés en famille». Celle-ci émigre au Canada en 1986 alors que Baha n’a que cinq ans. Son insertion se passe facilement, d’autant que dans les années 80 le Canada accueillait un grand nombre d’immigrants. «Mon adaptation fut, somme toute, assez simple. J’ai passé ma première année scolaire dans un établissement pour nouveaux arrivants. Mes premiers amis dans ce pays furent en grande partie des Libanais», confie Baha Laham.
Entre le droit et la boxe
Son histoire avec la boxe remonte au jour où, à 15 ans, il rentre à la maison, un œil au beurre noir. A quelque chose malheur est bon. Ce jour-là, son père décide de l’entraîner à la boxe. «Le sport, dit-il, a toujours fasciné mon père et il rêvait d’avoir un fils qui joue au football ou fait de la boxe, deux sports qu’il pratiquait lui-même au Liban».
Baha Laham fait des études de droit à l’Université du Québec et réussit à concilier deux mondes très différents. «C’était très difficile car les deux disciplines requièrent énormément de travail, de concentration et de persévérance». Avec beaucoup d’humour, il décrit le contraste entre les deux. «J’ai pris le meilleur de chacun des deux mondes. Au gymnase, avec les boxeurs au regard perçant, peu souriants, une ambiance d’entraînement intense, un entraîneur qui hurle et à l’université avec les étudiants, aux allures de philosophes, heureux et souriants, tirés à quatre épingles». Tout cela fait de lui l’homme qu’il est aujourd’hui. «Je ne savais plus quelle attitude adopter. C’est ainsi que je suis super souriant, sociable, tiré à quatre épingles dans la vie quotidienne mais sur le ring, la boxe remonte à la surface. Bref, un homme parfait!», répond avec amusement Laham. Pourtant, il n’a pas pratiqué le droit et ne s’est pas inscrit au barreau. «J’ai choisi de me concentrer sur la boxe. Mais si jamais… Non, il faut rester positif! Je deviendrai champion du monde et je ne serai jamais avocat!».
The Mayhem
C’est tout récemment que Baha Laham vient d’être surnommé «The Mayhem», par Pierre Bernier, l’annonceur des galas de la série Fight Club. «Il aimait me voir sur le ring et se désolait tout le temps du fait que je ne m’étais pas encore choisi un surnom. Chaque fois qu’il me rencontrait, il me demandait quand est-ce que j’en aurai un. J’ai fini par lui demander de m’en trouver un et il m’est revenu avec The «Mayhem», qui signifie la pagaille. Il cherchait ainsi un qualificatif propre à mon style de boxe. De plus, ce surnom rime avec mon nom de famille Layhem tel qu’il est prononcé au Canada au grand désespoir de mon père».
Pour le boxeur libano-canadien, Mohammad Ali, est une légende à laquelle il n’oserait pas se comparer. «Il était grand de taille alors que je mesure tout juste 5’4’! Mais de par son éthique de travail, sa détermination, son humilité et son sens de l’humour, il reste pour moi un modèle et me pousse à me dépasser chaque jour. Je ne cherche pas nécessairement à lui ressembler mais j’aimerais certainement suivre ses traces». D’ailleurs, le style de Baha Laham est très différent de Mohammad Ali. «Je ne vole pas comme un papillon et je ne pique pas comme une abeille. Je fonce comme un ours et je mords comme un loup. J’aime mettre la pression sur mon adversaire et offrir un joli spectacle offensif tout en étant agressif. Je laisse les papillons et les abeilles à la légende. Je préfère l’ours et le loup». Selon Laham, un match requiert une préparation mentale aussi bien que physique. «Je m’entraîne quatre heures tous les jours de la semaine. En matinée c’est la course à pied, le sprint et la musculation et l’après-midi c’est la boxe sous toutes ses facettes. Au niveau psychologique, je fais beaucoup de méditation et de visualisation. Je regarde aussi les combats de mes futurs adversaires». Sa dernière victoire contre le boxeur canadien Tyler Asselstine, retransmise par la chaîne Espn2 et regardée par des millions de spectateurs, lui procure une grande satisfaction, à tel point qu’il en a toujours la chair de poule. «J’ai le sourire large jusqu’aux oreilles lorsque des inconnus m’approchent pour me féliciter. Je me pince pour m’assurer que c’est bien la réalité et non pas un rêve. Une victoire peut bouleverser complètement la vie d’un boxeur, mais je dois garder mes pieds sur terre et me dire qu’une défaite peut également changer ma vie. Je laisse donc cette victoire derrière moi et je continue à m’entraîner afin de poursuivre mon rêve et mon ascension jusqu’au sommet».
Au Liban, Baha Laham commence à être connu et fait parler de lui, ce qui le remplit d’une énorme joie. «C’est vraiment un rêve qui devient réalité! Je porte fièrement les couleurs du Liban sur mon uniforme de boxe en espérant également attirer le plus possible de Libanais. C’est un pays qui a toujours combattu, survécu et resté fier. C’est exactement mon attitude. Et comme disait Gebran Khalil Gebran, si le Liban n’était pas mon pays j’aurais choisi le Liban pour patrie!». Il est en contact permanent avec sa famille au Liban et leur promet chaque année une visite. «Je devais m’y rendre en 2009 avec la délégation canadienne, en tant que spectateur pour les jeux de la francophonie, mais une blessure m’en a empêché. Plus les années passent, plus l’envie de visiter le Liban grandit. Ma grand-mère me demande depuis des années de venir la voir. Elle vieillit et ma visite devient une priorité. Je pourrai par la même occasion passer par le marchand de knéfé pour retrouver les bonnes odeurs de mon enfance».
Avec son manager Camille Estephan, ils présentent une belle image du Liban: celle de deux jeunes hommes qui ont connu une belle réussite. Dès leur première rencontre, une forte complicité s’installe entre eux. «Nous sommes deux Libanais, deux fonceurs qui travaillons dur et refusons la défaite. Notre association était donc un gage de succès. Sans lui, je n’en serai pas là aujourd’hui. Il est non seulement mon gérant mais mon mentor, mon conseiller et mon grand frère. Il a largement contribué à ma réussite et je lui en serai reconnaissant à jamais. On entend parler de nous partout au Canada, dans le monde de la boxe, et au sein de la communauté libanaise. Peu importe les croyances de chacun, notre but est le même: que je devienne champion du monde! Cela fait la force de notre équipe, celle de croire à un même rêve! J’espère vraiment que les Libanais vont enfin s’unir et comme Camille et moi, croire à ce même rêve!»
Joëlle Seif
Double mariage
Baha Laham est marié, depuis plus de deux ans, à la Portugaise Tawnia Marie Ferreira. Ils sont parents d’une petite fille de 2 ans, Alyssia. Lui est musulman, elle est
chrétienne. Ils se sont mariés une première fois selon la tradition musulmane devant le cheikh et une deuxième fois à l’église en présence du prêtre. «Cela fait deux ans que nous vivons en parfaite harmonie, peu importe nos religions respectives. Un proverbe arabe dit: ‘‘A chacun sa religion et Dieu lui pardonnera’’. Nous vivons selon notre conscience et dans le respect d’autrui indépendamment de la couleur, du sexe, de la religion ou de la classe sociale. J’espère qu’un jour, la majorité des Libanais
penseront comme nous pour enfin espérer une vie meilleure».
Ce qu’il en pense
Le sport au Liban: «Pour être honnête, je n’entends pas beaucoup parler de sport au Liban. J’ai essayé toutefois de suivre de près les athlètes libanais aux derniers Jeux olympiques à Vancouver au Canada. J’ai même écrit des messages d’encouragement sur Facebook à quelques skieurs. Si quelqu’un voudrait faire de même et m’écrire, je me ferai un plaisir d’y répondre».
Message à ses fans libanais: «Gardez vos oreilles grandes ouvertes. Vous allez entendre parler d’un jeune boxeur libanais dans les prochaines années. Certains diront même est-ce un oiseau? Est-ce un avion? Non. C’est Baha Laham».
La place du Liban dans son cœur: «Le Liban occupe une très grande place dans mon cœur comme vous pouvez le constater. Je crois que nous avons une identité qui nous est propre. Nous aimons la vie, la bonne chère, les rires entre amis… De plus, nous sommes un peuple accueillant et extrêmement chaleureux. Il est primordial pour moi d’inculquer ces valeurs à mes enfants. D’ailleurs, Alyssia comprend
parfaitement l’arabe et je compte l’inscrire à des cours pour apprendre la lecture et
l’écriture puisque malheureusement j’ai
moi-même des lacunes à ce niveau. J’insiste pour qu’elle n’ait pas d’accent!».