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Nº 2890 du vendredi 29 mars 2013

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Berry peaufine le scénario. Mikati revient mais sans gouvernement

Si la démission de Najib Mikati arrange toutes les parties prenantes, elle les oblige aussi à mettre en place, dans les jours qui viennent, un calendrier qui devra comporter consultations parlementaires, table de dialogue et adoption d’une loi électorale. Le débat a commencé de manière tonitruante.

La démission du gouvernement désormais digérée, les partis politiques ont eu une semaine pour préparer la suite; et la suite, c’est tout de suite. La première salve a été lancée ce mardi avec Marwan Charbel qui explique que son ministère a besoin de vingt millions de dollars pour organiser les élections. «Pour débloquer cet argent, il faut un gouvernement. Sans ce budget et sans un comité chargé de superviser les élections, je suis dans l’incapacité de les organiser à la date prévue, c’est-à-dire le 9 juin prochain». Oui, la démission de Mikati a remis les compteurs à zéro et sans doute a-t-elle fait office d’électrochoc. Le contexte est favorable mais tout reste à faire. Il y a un gouvernement chargé d’expédier les affaires courantes, mais il n’est pas habilité à organiser des élections. Comme certains habitants de Tripoli, par des tirs de joie, l’opposition a vivement salué l’initiative de Mikati, notamment par la voie de l’ancien Premier ministre Saad Hariri et du chef du bloc parlementaire du Futur, Fouad Siniora, qui explique que la démission du gouvernement Mikati «ouvre la possibilité à un nouveau dialogue».

Le choc pas totalement absorbé
En l’absence du président Michel Sleiman, qui s’est rendu au Qatar pour participer à la session de la Ligue arabe cette semaine, et en vue des fêtes de Pâques, la fenêtre d’activités de la semaine était réduite à une peau de chagrin. Le week-end aura été l’occasion pour le désormais Premier ministre démissionnaire de clarifier sa position après avoir remis au chef de l’Etat sa lettre de démission. «La vérité de ma décision, c’est tout simplement le cumul des dossiers qui a eu lieu: il n’existait aucune intention de tenir les élections, les appareils de sécurité se dirigent vers le vide, l’inconnu… c’est pourquoi, il était grand temps de mettre un terme à tout cela». Jugeant primordiales la reprise du dialogue national et la formation d’un gouvernement de salut national, Mikati a martelé que sa décision était personnelle.
Les réactions ont été immédiates. Quelques heures après l’annonce de Mikati, le leader du CPL, Michel Aoun, et le chef du bloc parlementaire du Hezbollah, Mohammad Raad, ont regretté que le Premier ministre n’évoque pas «les vraies raisons de sa démission», le député du Kesrouan accusant aussi le président Sleiman de vouloir tuer la proposition orthodoxe dans l’œuf. Dimanche, le chef de l’Etat recevait un appel du secrétaire d’Etat américain John Kerry qui a salué ses efforts.
De leur côté, les tenants du pôle centriste, rejoints dans ce sens par le président du Parlement, estiment aujourd’hui que la démission constituait une opportunité à faire fructifier.
Au cours du week-end, l’ensemble des partis politiques ont défini leur priorité. Le CPL et le Hezbollah insistent sur l’adoption d’une nouvelle loi électorale, l’opposition sur l’urgence de former un nouveau gouvernement. Les centristes préfèrent insister sur l’importance d’un dialogue national visant à pacifier le pays.
Dans cette course à trois, c’est la loi électorale qui semble avoir pris la tête et ce, grâce à l’impulsion du président du Parlement.

 

Berry saisit l’occasion
Dès lundi, le leader du mouvement Amal s’est mis en tête de recevoir à Aïn el-Tiné les représentants de l’ensemble des forces politiques. En compagnie du ministre Ali Hassan Khalil, il a débuté ses consultations avec les ministres sortants du PSP, Ghazi Aridi, Alaeddine Terro et Waël Abou Faour. Le lendemain, il retient à déjeuner Gebran Bassil, le conseiller politique du secrétaire général du Hezbollah, Hussein Khalil et Youssef Saadé pour les Marada; puis reçoit en début d’après-midi les députés Sami Gemayel et Georges Adwane.
C’est le vice-président des Forces libanaises qui rapportera la teneur de ces discussions. Première information: «Selon toute vraisemblance, les consultations parlementaires du président de la République auront lieu mardi et mercredi prochains». Mais Georges Adwane a également insisté sur «la nécessité d’abolir, par voie légale, la loi électorale de 1960». Les visiteurs de Berry ont, en effet, discuté de l’éventualité d’une séance plénière qui aurait lieu dans le courant de la semaine prochaine. Les députés seraient alors appelés à voter une loi qui annulerait les dispositions de la loi électorale de 1960». Cette idée semble aujourd’hui acquise, mais celle de Berry est de profiter de cette séance pour adopter une nouvelle loi électorale. Dans cette optique, la proposition orthodoxe, qui bénéficierait d’une majorité confortable à l’Assemblée, pourrait être présentée. Mais au cours de leur entretien, Adwane aurait fait comprendre à Berry que son parti est aujourd’hui plutôt enclin à se prononcer en faveur d’une loi mixte plus consensuelle.
Il semble toutefois que Berry n’organisera pas de vote sur une loi électorale, la mixte ou l’orthodoxe, sans la certitude d’obtenir le suffrage des deux tiers de l’Assemblée nécessaires à l’adoption d’une disposition constitutionnelle. Mais la solution globale est plus large et concerne aussi bien le gouvernement que la table de dialogue.

Gouvernement impossible
La question du gouvernement s’est posée dès l’annonce de Najib Mikati. Le soir même, le leader du PSP, Walid Joumblatt, indiquait qu’il était indissociable du Premier ministre sortant. Lundi, ce dernier expliquait qu’il n’imposerait pas de conditions à son retour à la tête du prochain cabinet ministériel, «mais il faudrait que ce nouveau gouvernement, si jamais on me demande de le présider, soit muni d’éléments qui contribuent à son succès».
Mais au vu de la situation, la formation d’un gouvernement semble prématurée, d’autant que les consultations parlementaires n’ont pas encore commencé. Mais pour le leader des FL, la solution est toute trouvée: «Seul un gouvernement formé de personnalités des forces du 14 mars et de centristes pourrait sauver le pays. Ce gouvernement, neutre, resterait en place jusqu’aux élections», a-t-il expliqué, avant de souligner qu’un «gouvernement politique aurait été plus approprié si les législatives n’approchaient pas à grands pas».
En démissionnant, Najib Mikati a fini par se libérer du carcan gouvernemental, chapeauté par le Hezbollah et ses alliés, pour renforcer son ancrage tripolitain et la confiance des grandes puissances diplomatiques. On pourrait même se dire que le Premier ministre démissionnaire a joué là un coup de maître. Aujourd’hui, un gouvernement sans le pôle centriste, dont il sera la principale force de frappe électorale avec Walid Joumblatt, est inconcevable. Mieux, c’est lui qui décidera du gouvernement qui devra prendre la suite. Pris en défaut par sa démission, le Hezbollah et ses alliés préfèrent concentrer leurs efforts sur l’adoption d’une loi électorale qui leur sied.
Mais comme l’a expliqué le ministre Charbel, la tenue d’élections à la date prévue requiert au minimum la mise en place d’un nouveau gouvernement. Rappelons que dans le cadre du dispositif en vigueur, le délai de dépôt des candidatures est fixé au 9 avril prochain. De ce fait, principalement en raison des divergences entre les différentes composantes politiques du pays, l’éventualité d’une prorogation, technique ou à long terme, du mandat du Parlement n’est pas à exclure.

Julien Abi-Ramia
 

Le nœud Rifi résolu?
Mercredi, une délégation du 14 mars a demandé à Nabih Berry de consacrer une prochaine séance plénière à un vote pour la prorogation du mandat d’Achraf Rifi, directeur général des FSI. Le président du Parlement a répondu qu’il était favorable à ce principe. Elle lui a remis une pétition signée par 69 députés proposant de repousser de deux ans l’âge de la retraite des chefs militaires et sécuritaires.
Par ailleurs, les services de renseignements américains ont indiqué que Berry et le commandant en chef de l’armée, Jean Kahwaji, faisaient partie d’une liste de personnalités libanaises susceptibles d’être la cible d’attentats.    

 

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