L’Amicale des anciens de Jamhour, convaincue de l’importance de trouver un terrain de partage commun entre les différentes communautés du pays, organise, depuis 2007, le 25 mars, jour de la fête de l’Annonciation, une rencontre islamo-chrétienne autour de Marie. Cette journée est d’ailleurs devenue Journée nationale par décision du Conseil des ministres en 2010.
«En ces moments de tous les extrémismes, en cette période d’intolérance et de tensions, en ces heures de toutes les peurs, où l’on se sent en insécurité, non seulement physique mais morale… la fête de l’Annonciation revêt tout son sens, «ensemble autour de Marie, Notre-Dame, nous nous rassemblons comme des enfants autour de leur mère, pour lui demander aide et protection». C’est en ces termes que Nagy el-Khoury, secrétaire général de l’Amicale des anciens de Jamhour, secrétaire général de la Rencontre islamo-chrétienne autour de Marie et président de la Fédération libanaise des anciens élèves des écoles catholiques, a donné le ton de la rencontre. Cette année, la 7e édition est d’autant plus importante que la région connaît des tensions et des conflits et que l’avenir semble de plus en plus incertain pour la nouvelle génération. «Nous avons une lourde responsabilité vis-à-vis des générations futures, insiste Khoury. Ces générations qui ne demandent qu’à construire un monde nouveau dans la paix et la sérénité. C’est à elles que nous devons nous adresser en ce jour. C’est pour elles que demain est fait».
L’invité d’honneur, son éminence sayyed Ali Mohammad Hussein Fadlallah, a insisté, dans son intervention, sur l’importance de l’amour et du dialogue. «Notre foi en l’amour, le dialogue et la paix mondiale, dit-il, ne doit pas durer un petit moment où nous faisons face à des crises. Il s’agit d’une foi enracinée dans la base de la foi islamique et chrétienne dont l’objectif est de construire une image complète de l’homme parfait». «Ce qui est attendu de cette culture chrétienne-islamique est la contribution à la naissance de nos territoires déchirés par des divisions, poursuit-il. Ces divisions ont des slogans religieux qui n’ont rien à voir avec l’essence de la religion… Il ne faut pas faire de la religion un moyen de diviniser et diriger le pouvoir… Le Liban ne peut pas continuer sans notre prise de conscience de la sainteté de la citoyenneté ou de la valeur de la Constitution dans nos vies».
Le cheikh Mohammad Nokari, secrétaire de la Rencontre, s’est adressé à la Vierge Marie lui demandant d’unir toutes les religions, malgré leurs différences. «A l’époque, nous ne faisions qu’un, chrétiens et musulmans, partageant les joies et les peines. Mais aujourd’hui, la cupidité, l’égoïsme, l’ivresse du pouvoir et les armes se sont insidieusement infiltrés dans nos vies, écrivant les pages noires d’une ère où le doute et les accusations de trahison règnent en maîtres… Puissent les artisans du mal se taire à tout jamais. Puisse le Tout-Puissant nous unir, loin des conflits et de leur cortège de slogans haineux. Puisse-t-Il nous rassembler malgré nos divergences, afin que nous sachions enfin que nos différences ne sont pas des malédictions, mais grâce et miséricorde. Puisse-t-Il nous pousser à bâtir, avec tous nos compatriotes, un Liban à l’avenir prometteur, un Liban d’espoir et de changement, un Liban qui résiste par la force de l’armée et de tous ses enfants».
Ces manifestations spirituelles ont eu lieu au collège Notre-Dame de Jamhour. Elles regroupent environ un millier de chrétiens et musulmans, venus de tout le pays et même de l’étranger, pour un moment de partage incluant chants, prières, témoignages, interventions… ayant la Vierge Marie pour sujet. La cérémonie a débuté aux sons des cloches et du muezzin, puis toute l’assemblée guidée par deux enfants, l’un chrétien et l’autre musulman, a entonné la fatiha et le Notre Père avec ferveur et concentration. Le père Bruno Sion, recteur du collège, a accueilli les participants leur rappelant au passage l’implication de Notre-Dame de Jamhour et des pères jésuites dans cet événement d’envergure. Le cardinal Peter Turkson a transmis un message du Vatican. Mgr Henri Teissier, ancien archevêque d’Alger et président de la Conférence des évêques du nord de l’Afrique, s’est adressé aux présents pour souligner l’importance de cette fête islamo-chrétienne. Plusieurs témoignages de personnes qui ont évoqué l’importance de Marie dans leur vie dont celui de Fatima Chenaif, juge et avocate algérienne, ceux de quatre jeunes de l’association Linaltaki, celui de Najwa Husaiky Andary et un message du président d’Uniapac, Pierre Lecocq. La cérémonie a pris fin par la prière commune entonnée d’une même voix par dix-sept hommes de religion, représentant les dix-sept communautés du Liban, accompagnés sur l’autel de volontaires de l’association OffreJoie portant des drapeaux libanais.
La rencontre était ponctuée de chants et de musiques dont un duo de prières chantées par le cheikh Khaled Yammout et le père Chéhab Attalah. Des chants de l’orchestre de jeunes de l’Association libanaise pour la diffusion de la musique orchestrale, accompagnés de quelques chanteurs de la chorale Fayha’ et de personnes âgées. Jihad Zeidan a chanté un hymne à la Vierge. Un solo du violoniste Jihad Akl. Le chanteur Ramy Ayache a entonné un Notre Père à la façon de l’Adhan. Des chants religieux de Daline Jabbour et Zeina Hallak, la chorale des Mabarrat, le groupe de musique En Fa Mi.
Danièle Gergès
Un Centre marial islamo-chrétien
Dans le but de sortir cette initiative du cadre de Jamhour pour atteindre davantage l’espace national, surtout que la journée du 25 mars est devenue une fête nationale officielle, une association verra bientôt le jour, présidée par Michel Eddé, ancien ministre de la Culture. Elle sera baptisée Rencontre islamo-chrétienne autour de la Vierge Marie. Ses fondateurs seront les membres de la Commission spirituelle de l’Amicale des anciens de Jamhour et elle sera animée par Nagy el-Khoury, Ibrahim Chamseddine, cheikh Mohammad Nokari et les deux secrétaires généraux du Comité national de dialogue islamo-chrétien, Mohammad Sammak et Hareth Chéhab. Ses membres seront les fondateurs et les représentants des associations œuvrant dans le domaine marial et le dialogue islamo-chrétien. L’un des projets ambitieux des organisateurs pour l’avenir est également de construire – idéalement sur un waqf chrétien avec un financement musulman – un Centre marial islamo-chrétien, à Beyrouth, non loin de la place du Musée, pour en faire son siège, mais aussi un lieu de convergence mariale islamo-chrétienne et un lieu de rencontre des différentes associations et initiatives œuvrant dans ce sens. Les organisateurs envisagent également de faire les démarches nécessaires auprès des responsables afin d’émettre un timbre à l’effigie de cette rencontre en souvenir des sept ans de sa naissance. Le Conseil municipal de Beyrouth a consacré, en 2010, un espace de 172 mètres carrés sur la place du Musée national où un petit jardin a été aménagé et un monument représentant l’emblème de la Rencontre construit, espace qui représente désormais le symbole de la Rencontre islamo-chrétienne. Un projet sera présenté au Conseil municipal pour que cette place du Musée soit baptisée place de Marie.