En marge de l’analyse de la démission du gouvernement, le traitement de l’actualité libanaise par la presse étrangère se focalise sur les peurs de la communauté chrétienne du pays, qui voit d’un mauvais œil l’afflux des réfugiés syriens et l’émergence du salafisme dans le pays.
Religioscope
L’institut Religioscope s’est intéressé cette semaine à l’implantation du salafisme au Liban.
Au Liban, le salafisme est d’abord apparu à Tripoli, ville où a grandi le théologien réformiste Muhammad Rashîd Ridâ, dont la revue al-Manâr, publiée au Caire, influencera le cheikh Muhammad Nâsir ad-Dîn al-Albânî, l’un des trois pères fondateurs du salafisme contemporain. Cependant, c’est Sâlim Shahâl qui fut le véritable fondateur du courant salafi au Pays du Cèdre.
Au nord du pays, la ville emblématique de Tripoli, berceau du salafisme au Liban, demeure toujours son principal bastion. C’est dans cette région du Liban-Nord, qui s’étend des faubourgs du sud de Tripoli jusqu’à la plaine du Akkar frontalière de la Syrie, que se concentrent les forces vives du sunnisme militant, mais aussi le plus fort taux de pauvreté du Liban qui, contrairement à une idée reçue, est plus élevé que dans le sud du pays, à dominante chiite.
Au-delà de son absence physique du territoire libanais, l’affaiblissement politique de Saad Hariri, qui réside actuellement entre Paris et Riyad, se mesure notamment dans la ville de Beyrouth, où son portrait est de moins en moins affiché dans les quartiers qui lui étaient jadis totalement acquis. A contrario, les effigies d’Ahmad el-Assir ont surgi dans plusieurs rues de Tariq el-Jdidé, le principal bastion sunnite de la capitale libanaise, où les bannières noires commencent peu à peu à remplacer les drapeaux bleus du Courant du futur de Saad Hariri. Afin de prendre la mesure de son influence sur les réseaux sociaux, rappelons que la page officielle d’Ahmad el-Assir sur Facebook a désormais dépassé les 300000 abonnés.
GlobalPost
A contre-courant de la presse papier outre-Atlantique, qui réduit sa couverture de l’actualité étrangère, le site américain d’informations GlobalPost ne propose que des reportages consacrés à l’international. Dans son dossier sur les chrétiens du monde, le site explique que «les chrétiens du Liban craignent la poussée de l’intégrisme islamique».
Norma Nasser, femme au foyer maronite de 60 ans, s’inquiète de l’influence croissante du Hezbollah chiite et des salafistes sunnites. «J’ai peur de l’avenir, surtout pour mes enfants», dit-elle. «Nous respectons les musulmans, mais je ne suis pas sûre qu’ils nous respectent». Même si la Ligne verte a disparu, certains chrétiens sentent toujours que leur présence est menacée. L’afflux de réfugiés syriens a renforcé ce sentiment.
Alors que, pendant la guerre civile, les relations entre les acteurs politiques chrétiens et le Vatican étaient tendues, l’Eglise de Rome se félicite aujourd’hui de l’exemple libanais, modèle de coexistence pacifique entre les communautés.
L’inquiétude des chrétiens du pays est également motivée par ce qui se passe dans la région: l’exode des chrétiens d’Irak, la persécution des Coptes en Egypte et la guerre en Syrie où les combattants chantent «Les chrétiens à Beyrouth, les alaouites dans la tombe».
Père Simon Faddoul, qui dirige Caritas Liban, raconte que lorsque l’une de ses équipes s’est rendue dans le Akkar pour distribuer de l’aide, des fondamentalistes ont demandé aux bénévoles de retirer les vêtements qui portent le logo de Caritas, surmonté d’une croix chrétienne. «Vous ne pouvez pas vous soumettre à la volonté de ces gens parce qu’ils défigurent l’islam et l’humanité, et les musulmans modérés n’ont pas le courage de s’élever contre eux».
Le Monde
Le Monde propose le portrait d’Amina, une réfugiée syrienne au Liban, «exilée malgré elle».
«Désormais, il y a plus de Syriens que de Libanais à Beyrouth», ironise Amina. Assise sur une chaise devant l’immeuble où son mari travaille comme gardien, elle observe de loin les autres familles de travailleurs syriens qui, comme la sienne, ont fini par s’y installer. Elle regarde les grosses cylindrées de la bourgeoisie damascène qui a élu domicile dans les résidences cossues du voisinage.
Elle raconte entendre toujours plus souvent les intonations du dialecte syrien, sur la corniche de Beyrouth ou dans les rues de Hamra, où intellectuels et artistes syriens ont établi leurs quartiers. Elle s’émeut du nombre grandissant d’enfants syriens qui travaillent comme garçons de courses dans de petites épiceries, vivant des pourboires des clients.
Elle n’a pas de sympathie pour le régime de Bachar el-Assad, mais elle s’est tenue à distance de la révolte contre le pouvoir, elle ne se sentait pas y appartenir, elle avait peur. De la répression, du chaos. Elle pleure aujourd’hui la destruction de son pays.
Amina faisait jusqu’à l’été 2012 des allers-retours entre la campagne d’Alep, où elle vivait, et le Liban, pour y retrouver, avec ses enfants, son mari. Et puis, avec l’intensification des combats, elle n’est plus retournée en Syrie.
Elle n’a pas été enregistrée comme réfugiée: son mari est installé depuis de nombreuses années au Liban, les listes d’attente sont trop longues. «Nous sommes des anonymes, loin des caméras de télévision qui se concentrent sur les réfugiés dans les régions frontalières. Les travailleurs syriens ont toujours fait profil bas au Liban», dit-elle.
L’Express
L’Express titre «Les réfugiés syriens, une mine d’or pour certains patrons libanais».
Originaire d’un village de la région de Deir Ezzor, dans l’est de la Syrie, à deux pas de la frontière irakienne, Hamad a fui sa terre natale pour échapper aux bombes et à l’enrôlement forcé. S’il a choisi le Liban, au lieu de l’Irak ou de la Turquie, plus proches, c’était dans l’espoir de trouver un emploi. Agé de 25 ans, il travaille à l’occasion comme serveur dans un café. Mais son salaire ne cesse de baisser.
Dans le bâtiment et la restauration, surtout, certains employeurs peu scrupuleux profitent de cette nouvelle abondance de main-d’œuvre pour baisser drastiquement les salaires. «Là où j’étais payé quarante dollars à la tâche, il y a quelques mois, je suis payé dix dollars aujourd’hui».
Dans le contexte actuel de la crise économique et immobilière au Liban, de nombreux patrons profitent des Syriens pour faire des économies. La plupart des Syriens préfèrent travailler sans protection sociale et pour un maigre salaire, plutôt que de mendier.
Certains réfugiés deviennent cireurs de chaussures ou vendeurs ambulants, des activités délaissées par les Libanais. Mais d’autres décrochent des emplois qui les mettent directement en concurrence avec ceux-ci.
Der Spiegel
L’hebdomadaire allemand Der Spiegel, qui s’est déjà fait connaître sur le terrain de l’actualité libanaise, revient sur l’affaire dite du «prisonnier X» israélien.
Ben Zygier, l’agent présumé du Mossad connu sous le nom de prisonnier X, qui s’est suicidé dans une prison israélienne sous un faux nom en 2010, aurait été arrêté pour avoir transmis des informations sensibles au Hezbollah qui ont conduit à l’arrestation de deux informateurs israéliens dans les rangs de l’organisation chiite.
Siad el-Homsi et Mustafa Ali Awadeh ont été arrêtés en mai 2009 pour espionnage au profit d’Israël au Liban et condamnés à des peines de prison après que leur nom eut été livré par Zygier à un membre du Hezbollah.
Zygier aurait été enrôlé dans le service du Mossad en 2003 et par la suite aurait servi l’organisation dans les rangs de sociétés européennes qui font des affaires avec l’Iran et la Syrie.
Zygier a finalement été rétrogradé et condamné à retourner en Israël en 2007, après que son travail n’eut pas réussi à répondre aux attentes du Mossad. Il aurait quitté l’organisation en 2008 pour revenir dans son Australie natale.
En fait, les contacts de Zygier auprès du Hezbollah faisaient partie d’une opération solitaire par laquelle il a tenté de revenir dans les bonnes grâces du Mossad à la suite de sa rétrogradation.
L’agent présumé du Mossad aurait rencontré un membre du Hezbollah dans l’espoir de le transformer en un agent double. Zygier aurait ainsi donné une information au Hezbollah sur Israël, sur les deux principaux informateurs actifs d’Israël au Liban, pour prouver qu’il avait accès à des connaissances précieuses.
Al Monitor
Nasrallah, guide suprême du Hezbollah?
Le site al-Monitor explique que «le congrès général du Hezbollah, prévu pour ce printemps et qui devait à l’origine se tenir à la fin de l’année dernière, a été à nouveau reporté au mois de septembre».
La principale raison de ces deux reports est l’évolution de la situation en Syrie, qui se place en tête de ses priorités.
Depuis 1986, le parti a tenu neuf congrès généraux. Au cours du premier congrès, le Hezbollah a défini sa structure interne. Plusieurs sources proches commencent à subodorer que le secrétaire général Hassan Nasrallah pourrait mettre fin à son mandat dans quelques mois. En fait, il s’agirait pour le parti de réorganiser les pouvoirs. Une fonction de «guide suprême», qui reviendrait à Nasrallah, pourrait voir le jour. Dans cette optique, le poste de secrétaire général, qui gérerait l’administration du parti, pourrait revenir au chef du bloc parlementaire, le député Mohammad Raad.
Ce débat institutionnel n’a toujours pas été tranché.
Mais la complexification de sa structure globale, qui réunit branches militaire, politique et sociale, appelle un assouplissement de son organisation qui compte aujourd’hui aux alentours de 300000 membres pour la rendre plus efficace et moins bureaucratique.
Si changement il devait y avoir, tous les cadres du parti sont d’accord pour attendre une clarification de la situation en Syrie; clarification qui déterminerait alors l’évolution de la structure interne du parti et peut-être la redéfinition de sa charte politique sur les plan local, régional et international. Julien Abi Ramia
Counterpunch
Le Hezbollah sur liste noire
Quelques heures après la démission du gouvernement de Najib Mikati, la newsletter Counterpunch, très critique envers la politique extérieure des Etats-Unis, réédite un article publié six ans plus tôt, qui rappelle comment le Hezbollah s’est retrouvé sur la liste des organisations terroristes.
Placé sur la «listeT» en 1999, il en est retiré deux ans plus tard après la condamnation, par le Hezbollah, des attentats du 11 septembre 2001. Mais quelque temps plus tard, le Hezbollah est réinscrit. Le vice-président Dick Cheney prétend alors que l’un de ses membres aurait rencontré le représentant d’al-Qaïda en Amérique du Sud. Des contacts similaires aux prétendus contacts qu’aurait eus Saddam Hussein avec al-Qaïda…