Magazine Le Mensuel

Nº 2892 du vendredi 12 avril 2013

Affaire Déclassée

[Copy of] La restructuration de l’armée. Une mission difficile pendant la guerre

Remettre de l’ordre dans les affaires de l’Etat, en 1977, n’était pas chose aisée. Le pays était déchiré par plusieurs courants. L’armée, elle-même, avait souffert des conséquences de la guerre.

Le 10 février 1977, un décret-loi adopté en Conseil des ministres accorde aux officiers trois mois, à dater de l’affichage du décret-loi, le 16 février, donc jusqu’au 16 mai 1977, pour démissionner et bénéficier de conditions avantageuses. 880 d’entre eux, de différents grades inférieurs à celui de colonel sont concernés. Etaient exclus cependant les officiers atteignant la limite d’âge en 1977 ou en 1978.
Passés ces trois mois, la démission pouvait être acceptée ou refusée dans un nouveau délai d’un mois. Lorsqu’aucune réponse n’est donnée à l’un d’entre eux, sa démission est considérée refusée. Au cas où la démission est acceptée, les indemnités sont calculées sur la base de la promotion virtuelle du grade supérieur.
Le décret-loi donne aussi au gouvernement la latitude de mettre fin aux services de tout officier durant les trois mois suivants. Ces derniers peuvent être mutés dans un service public ou une autre administration, limogés ou mis à la disposition du ministre de la Défense. Le gouvernement avait jusqu’en décembre 1977 la possibilité de mettre n’importe quel officier, de grade supérieur à celui de colonel, à la disposition du ministre de la Défense. Ces mesures visaient surtout les officiers qui avaient participé d’une façon ou d’une autre à la guerre, quelles que soient les raisons invoquées ou justifiées.

Une situation délicate
Le décret-loi donnait un pouvoir accru au gouvernement, excluant tout recours judiciaire contre ses décisions, y compris l’annulation pour abus de pouvoir. Cependant, elles devaient obtenir l’aval du commandant de l’armée, à condition qu’il se prononce dans les deux jours qui suivent.
La droite dénonce le décret-loi qui vise tous les officiers et considère ceux-ci comme les soldats qui ont combattu pour défendre le Liban et ne doivent pas, par conséquent, être concernés par ce décret-loi. Ils forment le noyau de la nouvelle armée, alors que ceux qui ont combattu contre la légalité doivent être écartés de l’institution militaire.
Le 16 mai, 190 officiers sont démissionnaires. Seules les démissions de 45 d’entre eux sont acceptées. Les officiers, dont on souhaitait le départ, n’avaient pas présenté leurs démissions. Une affaire délicate sur laquelle le gouvernement se penche. Il fallait prendre de grandes décisions concernant surtout les officiers qui avaient rallié le mouvement du lieutenant Ahmad el-Khatib, promoteur de l’Armée du Liban arabe, qui s’était battu contre l’armée libanaise.
Le chef de l’Etat Elias Sarkis, le Premier ministre Salim Hoss et le ministre de la Défense Fouad Boutros se sont penchés sur les dossiers des officiers, sortis de la légalité et non démissionnaires.
Le 28 mai, une liste d’officiers répartissait inégalement deux tiers d’officiers chrétiens et un tiers d’officiers musulmans. Boutros propose alors, pour le rééquilibrage, de limoger un nombre égal d’officiers des deux communautés. Hoss refuse et reste intraitable sur la question. Au cours de la deuxième réunion, le 6 juin, c’est l’inverse qui se passe. Boutros propose le limogeage de neuf officiers musulmans qui ont combattu aux côtés du lieutenant Ahmad el-Khatib, Hoss veut alors limoger neuf officiers chrétiens, même si ces derniers ont combattu au nom de la légalité. Boutros souligne l’impossibilité de mettre sur un pied d’égalité les officiers d’Ahmad el-Khatib et les autres. La décision est ajournée. Deux façons de voir différentes avaient prévalu.
Le 30 juin, à l’expiration de la période des pleins pouvoirs accordés au gouvernement, la décision concernant les officiers est reportée. Un délai allant jusqu’à la fin de décembre est accordé pour trancher de la révocation ou de la mutation des officiers. Le 26 décembre, les démissions de 31 colonels sont acceptées. L’affaire s’en arrête là.

Arlette Kassas
 

Les informations citées dans cet article sont tirées du Mémorial du Liban: le mandat Elias Sarkis de Joseph Chami.

Les démissions acceptées
Le gouvernement avait accepté 45 des 190 démissions présentées par les officiers. Elles concernent cinq colonels, quatorze commandants, quinze majors et onze capitaines. Dix-sept démissions de généraux de brigades ont été acceptées plus tard. 

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