En dépit de la phase de transition que traverse le pays, marquée par un flou au sujet de la marge d’action dont bénéficierait le gouvernement de Tammam Salam sur le plan économique, l’opération de swap portant sur des eurobonds souverains d’un montant de 1,1 milliard de dollars, venus à échéance en 2012, a été clôturée. Les nouveaux titres souverains ont des échéances variant entre 2023 et 2027 et des taux d’intérêt respectifs de 6% (échéance 10 ans) et 6,75% (14 ans). La gestion de l’émission obligataire a été confiée à Fransa Invest Bank, Standard Chartered Bank et Natexis. Celles-ci auraient proposé à l’achat les titres en question à 98% et 98,5% de leur valeur réelle, une cotation acceptable compte tenu de facteurs conjoncturels difficiles sur les marchés de capitaux sur le double plan local et international.
Ceci n’a pas empêché de nombreux établissements de crédit locaux de donner de la voix, dénonçant le manque de réformes au sein du secteur public et la situation malsaine d’une exposition exagérée des banques à la dette publique. D’après ces ténors du secteur financier, il est devenu inconcevable que les banques financent deux tiers de l’endettement public et la Banque centrale un tiers. Ils ont exprimé d’une manière indirecte leurs réserves à s’engager davantage auprès de l’Etat. Il faut savoir que les banques libanaises détiennent 54% des bons du Trésor libellés en livres et 30% d’eurobonds libellés en dollars. Dans ce contexte, elles tiennent à ce que leurs parts de la dette souveraine, notamment celle en devises étrangères, soient couvertes par leurs dépôts à moyen et long termes. A ce paysage sombre en défaveur d’une poursuite du financement du Trésor par les banques commerciales sont venus s’ajouter un compte courant de l’Etat en déficit permanent et un déficit budgétaire prévu pour l’exercice financier en cours de l’ordre de 5250 milliards de livres, sans compter le coût de la mise en œuvre du projet de la grille des salaires qui creuserait le déficit de 1000 milliards de livres. Devant les hésitations des établissements de crédit de financer le Trésor, la Banque du Liban a été contrainte d’intervenir en rythme hebdomadaire en souscrivant aux nouvelles émissions de bons du Trésor. Selon les chiffres du bilan consolidé de la Banque centrale, celle-ci aurait financé les besoins de l’Etat au premier trimestre de 2013 pour un montant de près de 1500 milliards de livres. Ce vol de la BDL à la rescousse de l’Etat laisse les marchés perplexes dans la mesure où des questions se posent sur les répercussions à long terme d’un tel palliatif. La BDL pourvoit le Trésor en livres et revend des certificats de dépôt en dollars aux banques. D’autres questions se posent sur la pertinence d’une telle prise de position des banques. Elles sont particulièrement liquides et cherchent à s’exporter à l’étranger, tout en œuvrant à compenser le mauvais coup essuyé en Syrie. Cette expansion transfrontalière s’effectue à un niveau régional, où l’environnement n’est pas au beau fixe, en l’occurrence en Irak (pays pétrolier), en Turquie et/ou dans certains pays d’Afrique du Nord. D’autre part, les rendements des placements des banques libanaises aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne sont inférieurs à 1%, alors que ceux des bons du Trésor libanais représentent environ 5,35%. Aussi, devons-nous souligner que les marges de bénéfices entre les taux d’intérêt créditeurs et débiteurs des banques ont sensiblement rétréci.
Pétrole et gaz
Une titrisation des recettes est-elle possible?
Le ministère du Pétrole, censé être créé vu les nouvelles ressources gazières et pétrolières identifiées offshore et inshore, suscite déjà les convoitises des différents pôles politiques influents dans le pays. Pourtant, le Liban est encore à mille lieues de récolter les revenus de ses richesses pétrolifères. Les recettes supplémentaires du Trésor, qui seraient versées en principe dans un fonds souverain dédiées, jusqu’à nouvel ordre, à l’extinction de la dette publique, ne seraient pas disponibles avant 2020, soit dans au moins sept ans si tout se passe dans le meilleur des mondes. Toutefois, un constitutionnaliste a affirmé que contrairement à ce qu’on entend dire dans certains milieux, la décision concernant l’usage final de telles recettes revient au Parlement, l’autorité de tutelle, qui donne l’autorisation à l’Exécutif de dépenser les deniers publics. Ceci dit, le Trésor devrait se suffire des droits qui seraient versés par les compagnies étrangères intéressées ultérieurement par le processus de dragage et de production du pétrole et du gaz. L’Etat pourrait également se rabattre sur le mécanisme financier de titrisation des recettes à venir de ce secteur. Cette option nécessiterait une grande transparence et une connaissance pointue des techniques financières par les autorités qui seraient chargées de la mettre en œuvre. Cependant, le recours à la titrisation des recettes pétrolières a été récemment rejeté par le Fonds monétaire international (FMI) et l’Eurogroupe dans le cadre des propositions de sauvetage de Chypre, avancées par les autorités chypriotes. Les attendus d’un tel refus n’ont pas été rendus publics.
Dérivés pétrolifères – 27% des importations
Les importations de dérivés pétrolifères par le Liban ont représenté près de 27% du total de la valeur des importations en 2012 et environ 13,4% du PIB. La valeur des dépenses de ce poste à l’importation a dépassé largement celle des autres produits de consommation de près de 1,3 milliard de dollars, ainsi que les investissements directs de 1,7 milliard de dollars. Ces chiffres montrent l’ampleur du poids des importations de dérivés pétroliers sur le solde du compte courant de l’Etat et de sa balance des paiements.
L’importation de mazout a occupé la première place dans le cadre du classement des dérivés pétrolifères importés en termes de valeur et de quantité. La facture pétrolifère pourrait encore s’alourdir vu la progression du volume de la demande et de la hausse des prix. Cette facture, qui grève largement les finances publiques en raison du déficit grandissant de l’Electricité du Liban (EDL), représente d’ailleurs une source importante de recettes fiscales au Trésor. Ceci dit, la valeur de ce poste des dépenses est appelée à diminuer en fonction du rythme du processus de dragage et d’exploitation des gisements pétrolier et gazier dans le pays. Pour rappel, la valeur des ressources pétrolifères se trouvant dans les eaux territoriales est estimée à ce jour à près de 120 milliards de dollars après escompte des coûts des opérations de dragage. Les champs gaziers représentent 90% des ressources pétrolifères, alors que les champs pétroliers constituent 10%.
LILIANE MOKBEL