Magazine Le Mensuel

Nº 2893 du vendredi 19 avril 2013

Diaspora

Zina Mufarrij «L’humour connecte les gens ensemble»

Armée de ses crayons, la jeune dessinatrice Zina Mufarrij dresse amoureusement, depuis 2009, un portrait des plus comiques de la société libanaise. Avec un brin de fraîcheur et une touche de légèreté, elle s’amuse de la réalité pour la rendre plus douce, au plus grand bonheur de ses lecteurs.

Tous les petits travers de la vie libanaise, Zina Mufarrijen joue. Dans ses dessins, elle met délicieusement en scène des situations dramatiquement comiques, prenant racine dans un pays qui n’a de cesse d’être un terreau fertile au burlesque.

A 4 ans, la petite Zina a déjà de l’or dans ses crayons. Très vite, elle devient  la caricaturiste attitrée de sa famille. «Cousins, tantes, amis, profs, tout le monde est passé sur mes cahiers de classe, sur les murs de ma chambre et bien souvent dans mes livres», se souvient-elle. «J’aimais déjà dessiner des gags et des mini-histoires, probablement pour vivre une réalité différente de celle de la guerre. Je me rappelle de m’être dessinée en vacances sur la plage, alors que, durant la guerre, nous n’y allions pas et que, de toute façon, je ne savais pas nager», raconte-t-elle amusée. A cette époque, les bandes dessinées la font rêver. Elle dévore encore leurs classiques. «Petite, j’imaginais que, quand je serai grande, je ferai des bandes dessinées». Un rêve devenu réalité. «Je traduis simplement en dessin ce que je vois». Très observatrice, elle s’intéresse aux détails, des émotions aux mouvements, «parce qu’en fin de compte, ce sont les détails qui nous différencient les uns des autres». 

Zina n’avait pour passion ni les matières littéraires, ni l’écriture. Oublié son 6/20 en philo, aujourd’hui, elle manie les mots à la perfection, les utilisant de façon minimaliste mais toujours percutante. Diplômée en Graphic Design, elle commence à dessiner des personnages pour une société qui élabore des sucettes en gelée pour enfants, avant de partir travailler pour Leo Burnett à Dubaï. «Ce fut une expérience formatrice. J’ai beaucoup appris du monde de la pub, notamment à être perfectionniste et à m’adapter à un panel de clients diversifiés au sein d’une équipe de jeunes créatifs venus du monde entier».

Et bien que le Liban reste cher à son cœur, elle dépose finalement ses valises à Montréal, «une ville que j’ai choisie pour y vivre. Au début, c’était une solution de repli au cas où la situation au Liban dégénèrerait. Aujourd’hui, je me suis adaptée et attachée à la vie montréalaise. On pourrait dire que le Liban c’est ma mère et le Canada mon mari».

Alors que le Pays du Cèdre perd l’un de ses talents, Zina Mufarrij ne l’oublie pas. C’est à Montréal que son personnage, «Zina», débute ses aventures sur Facebook en 2009 avant de s’afficher sur un blog, zina’s ups and downs. «J’ai toujours eu ce personnage en tête. J’ai commencé à le matérialiser juste pour m’amuser et montrer d’une façon comique à mon entourage libanais, ma vie à Montréal. Et puis le blog a évolué en site (zinacomics.com). Mes dessins ne se concentraient plus sur moi, ‘Zina’, mais sur son monde». S’inspirant de la réalité, la designer crée de nouveaux personnages et raconte les péripéties du quotidien d’une famille libanaise, à travers Tante Madame, femme au foyer, Coussouma, sa gouvernante, ses fils, sa fille AnaBelle, son mari et tous les autres.

«L’humour est un élément qui connecte les gens ensemble, estime-t-elle. Il peut rendre une anecdote plus légère, faire passer un message ou, entre autres, faire réfléchir le lecteur». Et si, selon elle, on peut rire de tout, elle n’en est pas partisane, adoptant un style léger, positif, pragmatique et surtout pas moralisateur. 

En décembre 2012, Zina publie son premier ouvrage, ikht hal balad, chou b7ebbo. Un titre évocateur que les amoureux du Liban pourraient reprendre à leur compte. «Un jour, Kamal Mouzawak, fondateur de Tawlet, m’envoie un message pour me dire combien il avait ri en regardant mes dessins et que la signature de mon livre, ce serait chez lui et pas ailleurs. Mais à cette époque, je n’avais pas encore d’ouvrages». Motivée par ces propos, elle compile ses dessins et lance son premier livre autofinancé, qu’elle a signé… à Tawlet, triomphalement.  

Alors que le tome 2 est en préparation, celle qui se verrait bien dessinatrice de presse sur des actualités sociales continue son petit bonhomme de chemin, à travers sa compagnie Zina Comics & Graphics. Loin de rester sur ses acquis, la jeune femme s’est également lancée dans le web design et travaille pour différentes compagnies à Montréal. De quoi vivre et rester à la page!

Delphine Darmency

https://www.facebook.com/ZinaComics
www.zinacomics.com;
www.zinamufarrij.com

 

 

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