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Nº 2893 du vendredi 19 avril 2013

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Le baron Guy Quaden, banquier européen. L’euro reste une monnaie qui inspire confiance

Le baron Guy Quaden est une personnalité du monde bancaire et économique européen. Gouverneur de la Banque nationale de Belgique entre 1999 et 2011, il a été également membre du Conseil général de la Banque centrale européenne. Aujourd’hui membre du conseil d’administration de la Byblos Bank, Magazine l’a rencontré au Liban.

 

La Banque centrale européenne (BCE) a décidé de garder son principal taux directeur à 0,75%. Ce taux peut-il être maintenu au cours de l’année, dans le contexte économique actuel assez morose?

Ce taux de 0,75% est historiquement le plus bas que la BCE ait jamais pratiqué. Il est tout à fait adapté à la situation actuelle qui est caractérisée par des perspectives d’inflation très modérées et une croissance médiocre.

 

Pourrait-on parvenir à l’avenir à un taux de 0,5%?

C’est aux responsables actuels de la BCE de le décider, mais je ne crois pas que cela changerait grand-chose.

 

Pensez-vous que le taux actuel de l’euro – même si on est encore bien loin des niveaux records d’antan – pourrait tuer dans l’œuf la faible reprise économique de l’Union européenne?

L’euro est coté ces temps-ci aux environs de 1,30 par rapport au dollar. Ces cinq ou six dernières années, l’euro a évolué dans une fourchette de 1,20 à 1,50 contre le dollar. Le cours actuel n’est donc pas exceptionnel, ni insupportable. Il existe un paradoxe dans la situation actuelle: lorsqu’on lit les journaux, on y trouve de nombreux titres sur la crise de l’euro, mais aussi des articles le considérant comme trop fort. Si certains pays de la zone connaissent des problèmes, l’euro lui-même reste une monnaie solide qui inspire confiance.

 

Un rapport récemment publié par l’Economist Intelligence Unit (EIU) estime que l’euro est surévalué. Partagez-vous cette opinion?

Vous faites peut-être référence au fameux Big Mac Index qui compare les prix d’un produit identique mais dans des pays où les coûts salariaux et le pouvoir d’achat sont très différents. Le cours de change dépend de nombreux paramètres comme le niveau actuel et les perspectives des comptes intérieurs et extérieurs du pays ou de la zone concernée, de l’inflation, de la croissance. Les grandes monnaies flottent (je ne parle pas du franc belge hier ou de la livre libanaise aujourd’hui). Compte tenu du montant énorme des devises échangées chaque jour sur les marchés et de la modicité relative de leurs réserves, les Banques centrales ne peuvent et ne doivent intervenir que lorsque les cours sont vraiment aberrants, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

 

En septembre 2012, la BCE a annoncé avoir mis au point un programme de rachat d’obligations à destination des pays en difficulté de la zone euro, nommé OMT (pour «Outright monetary transaction»). Quand sera-t-il activé?

Il sera activé le jour où un pays en fera la demande et moyennant bien sûr l’existence d’un programme de redressement adéquat. On parle de l’Espagne, mais le gouvernement espagnol semble estimer qu’il peut se passer de cette option. Toujours est-il que la simple annonce par le président de la BCE, Mario Draghi, de la possibilité de rachat d’obligations, a permis d’apaiser les tensions sur les marchés. Mais pour stabiliser définitivement la zone euro, les pays qui se sont engagés dans une union monétaire doivent maintenant aller plus loin en matière d’union budgétaire, bancaire et en fin de compte politique.

 

La BCE va prochainement devenir le gendarme des banques de la zone euro. Ce qui implique de nouvelles tâches et de nouvelles responsabilités pour l’institution européenne afin d’éviter une nouvelle crise semblable à celle de 2008. Est-elle en mesure de les mener à bien?

Plusieurs banques européennes ont été touchées par la crise de 2008 qui avait commencé aux Etats-Unis et a frappé toutes les institutions détenant des produits toxiques. Fort heureusement, le Liban n’a pas été affecté directement grâce à la sagesse du gouverneur de la Banque du Liban, mon collègue et ami Riad Salamé, et à la prudence de la plupart de ses banquiers. Certains de leurs collègues européens ont malheureusement été beaucoup plus aventureux. L’efficacité de la supervision doit être renforcée. Les Banques centrales sont les mieux placées pour cela. Prêteuses en dernier ressort, comme on l’a vu avec la crise, elles doivent aussi être informées en permanence. C’est pourquoi dans les pays, comme la Grande-Bretagne ou la Belgique où elles n’étaient pas encore en charge de la supervision, cette responsabilité leur a été récemment transférée. Une autre faille est que le contrôle est resté à ce jour entre les mains d’autorités nationales, bien que les grandes institutions financières opèrent à travers les frontières. En attendant la mise en place d’une autorité mondiale, il est souhaitable d’exercer le contrôle au moins au niveau européen. D’où la décision de confier à partir de 2015 la supervision des banques en Europe à la BCE, qui s’appuiera aussi sur les banques nationales de la zone avec lesquelles elle forme un réseau.

 

L’activité économique va-t-elle graduellement reprendre au cours de l’année 2013?

J’espère qu’une reprise va se manifester progressivement à la fin de l’année. Il y a évidemment dans certains pays des assainissements douloureux mais nécessaires à effectuer, car il faut résorber des déséquilibres internes et externes insoutenables. Le grand défi est de concilier une discipline budgétaire indispensable avec une croissance économique qui est également nécessaire et souhaitée d’ailleurs, non seulement par les populations, mais aussi par les marchés et les agences de notation. Je pense qu’on ne peut laisser à la jeune génération l’héritage d’une dette excessive, mais qu’on doit aussi pouvoir lui offrir aujourd’hui de l’activité et des emplois. La rigueur budgétaire ne doit pas être aveugle mais intelligente.

 

A quel point la situation géopolitique au Moyen-Orient affecte-t-elle la reprise en Europe?

L’Europe ne saurait être indifférente à la situation au Moyen-Orient, mais tant que le pétrole n’est pas concerné, on ne peut dire que celle-ci a un impact significatif sur l’activité dans le reste du monde.

 

Quel regard portez-vous sur la situation au Liban?

Je suis venu plusieurs fois au Liban, j’y étais par hasard en juillet 2006 et ces moments éprouvants ont encore renforcé mon attachement pour votre pays. Cela dit, sur le plan économique, l’esprit d’entreprise et bien d’autres talents du peuple libanais sont impressionnants. Mais la persistance de certains problèmes qui handicapent les entreprises et la population, je pense en particulier à la pénurie d’électricité, est difficilement compréhensible. Le niveau de la dette publique est aussi maintenant à surveiller de près. Etant donné l’environnement du pays, la situation politique est bien sûr instable mais tous les amis du Liban espèrent que les différentes forces politiques continueront à faire preuve de beaucoup de retenue.

Propos recueillis par Mona Alami

 

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