Dimanche soir, sur la route de Beddaoui (Liban-Nord), Mouïn Merhebi sort en personne de sa voiture et tire des coups de feu en l’air pour décongestionner le trafic ralenti par un barrage volant des Forces de sécurité interieure (FSI). Condamné par l’ensemble de la classe politique, le député joue à l’indifférent.
Dimanche à 18 heures, deux barrages filtrants sont installés sur la route principale qui traverse le quartier dans les deux sens, reliant la capitale du Nord à la région du Akkar (voir encadré). Le trafic, assez dense à cette heure-ci, est ralenti. Piégé comme beaucoup d’autres dans ces embouteillages: Mouïn Merhebi. Il est aux alentours de 19h30 lorsque le véhicule du député arrive à hauteur du barrage. Ulcéré, il sort de sa voiture et se dirige vers les policiers. Il demande à l’un d’eux de lever le barrage pour fluidifier le trafic. Le policier lui explique les raisons de ce déploiement. Ces explications ne suffisent pas à Merhebi qui se montre de plus en plus agressif. Les forces de sécurité lui proposent d’entrer en contact avec le ministère de l’Intérieur. La discussion s’envenime.
Le député explique qu’il s’est d’abord contenté de faire savoir aux policiers qu’ils bloquaient le trafic. «Un homme âgé a dit qu’il n’a pas pu se retenir et qu’il a dû uriner en voiture à cause de l’attente. Une femme enceinte m’a également lancé qu’elle allait accoucher dans le véhicule qui la transportait. Je suis donc descendu de ma voiture et je me suis dirigé vers le barrage. J’ai vu que les FSI laissaient passer les voitures une à une sans les fouiller ou encore vérifier l’identité des chauffeurs. J’ai essayé de m’entendre avec eux afin qu’ils ouvrent la voie». Le député n’en a que faire des explications des forces de sécurité. Irrité, il revient vers sa voiture et sort une Kalachnikov. Il commence alors à tirer plusieurs rafales en l’air. La colère de ne pas être entendu peut-être, les affres de la toute-puissance, sans doute. Merhebi se dirige ensuite vers une jeep aux couleurs de l’armée. A son conducteur, il intime l’ordre de déplacer son véhicule. Le militaire refuse et demande à l’élu de s’éloigner. Les insultes fusent. C’est la confusion.
Un habitué
Les forces de sécurité présentes sur place réussiront finalement à raisonner le député et la route sera ouverte quelques instants plus tard. Merhebi est un coutumier du fait. Franchir les lignes rouges, il sait le faire. Spécialiste des déclarations incendiaires, notamment contre les forces de sécurité du pays, le député du Akkar est, cette fois, allé trop loin et risque de le payer très cher. Première sanction à son encontre, les autorités ont immédiatement démobilisé les membres de sa garde de sécurité rapprochée. Réponse de Merhebi: «Cela ne me pose pas de problème. Je n’ai pas besoin de gardes du corps lorsque je suis avec les miens». Mais les sanctions ne s’arrêteront pas là. Le dossier du procureur Hatem Madi est assez solide pour une condamnation judiciaire. Il est accusé de tirs contre des forces de sécurité, utilisation d’armes illégales et attaque contre un véhicule de l’armée. Pour qu’il soit jugé, son immunité parlementaire doit être levée. La demande signée ce mardi par Madi, acceptée par le ministre de la Justice Chakib Cortbaoui, doit passer au Parlement.
Le même jour, le député recevait chez lui le soutien de plusieurs personnalités politiques, comme les députés Mohammad Kabbara, Khaled Daher et Nidal Tohmé, et religieuses. Tirant à boulets rouges sur les forces de sécurité qu’il accuse d’accointances avec le Hezbollah, Mouïn Merhebi a, ces dernières heures, violemment critiqué les «faiblesses du 14 mars». D’ailleurs, le député explique qu’il ne se présentera, lors des prochaines élections, sous aucune étiquette.
Avec la condamnation de Merhebi, ce sont ces faucons politiques sans foi ni loi, qui font sauter toutes les barrières politiques et communautaires, qui sont mis à l’index. Sans doute était-il temps de mettre le holà à ces dérives.
Julien Abi Ramia
Les constructions illégales
Le dispositif de sécurité présent dimanche dernier sur Beddaoui, qui comprenait une équipe de gendarmes mobiles de la caserne de Tripoli et un escadron de l’armée, a été dépêché dans le quartier pour mettre un terme aux constructions illégales qui sont monnaie courante dans la zone. La décision a été prise, samedi dernier, au cours d’une réunion du Conseil de sécurité de la région présidée par le mohafez du Liban-Nord, Nassif Kalouche, au Sérail de Tripoli, en présence de responsables des FSI et de l’armée. Depuis un mois, malgré la colère des habitants qui manifestent régulièrement, les forces de sécurité interdisent aux camions transportant du ciment et des barres d’acier de se rendre dans le quartier de Beddaoui.